1899 S1 E3 00 06 38 21

[Critique] 1899: fascinante triangulation au tréfonds de l’âme humaine

Après avoir visionné l’intrigante bande-annonce de 1899 il y a quelques semaines, la nouvelle série de la scénariste Jantje Friese et du réalisateur Baran bo Odar (le couple allemand derrière l’acclamée série Dark), c’était impossible de ne pas supplier notre rédac’ en chef de nous l’assigner. Comme on nage ici dans le type de série à twists, il est plutôt cohérent que les gens de chez Netflix (la série est disponible sur la plateforme dès maintenant) ne nous aient donnés accès qu’à six des huit épisodes composant la série. Vous savez, pour nous faire languir, les coquins. Et ça marche plutôt bien (maudit qu’on a hâte de se taper les deux derniers ce soir!). Ça raconte quoi?

En 1899, à bord du Kerberos, plusieurs centaines de migrants européens de tout acabit traversent l’Atlantique en quête d’un monde meilleur, l’Amérique. Or, leur capitaine décide de suivre un mystérieux signal qui semble provenir du Prometheus, un vaisseau disparu quatre mois plus tôt sans laisser de traces. Un changement de plan qui fera graduellement monter la tension à bord, engendrant son lot de questions, d’oppositions, de disparitions et autres fatales attractions, tout en provoquant chez certains passagers de troublantes visions. Et ce, avant que tout ne s’embrouille, que la mort s’abatte sur l’équipage et que de vieilles plaies ne se rouvrent. Et que le sang ne coule, inévitablement. Quitte à en perdre la raison.

Noir comme leurs âmes

1899 affiche série

D’abord, on se doit de souligner l’irréprochable et globale qualité des performances de la distribution qui porte 1899. On a droit à un ensemble de personnages on ne peut plus diversifiés, issus de plusieurs milieux, castes et nationalités, qui fort heureusement parlent toutes et tous leur propre langue, un peu comme dans Inglourious Basterds, quoi. À l’allemand et l’anglais qui priment se mêlent le polonais, l’espagnol, le cantonais, le danois et le français (le tout sous-titré, heureusement), renforçant l’aspect cosmopolite, global et déstabilisant de l’expérience. Car c’en est toute une!

On restera cryptique, en évitant de vous donner trop de détails sur l’intrigue, afin de vous laisser y plonger sans trop de repères (ç’aurait été le cas même si Netflix ne nous avait pas fourni une liste de choses à ne pas divulgâcher). C’est tellement mieux ainsi, car elle regorge de secrets, énigmes et autres surprises, parfois choquantes, étonnantes, puissantes…

En plus de l’Anglaise Emily Beecham (28 Weeks Later, Hail, Cesar!, Cruella) dans le rôle principal (qui nous rappelle une jeune Nicole Kidman), font également partie de l’excellente distribution plusieurs visages aussi peu orthodoxes que familiers pour les gros fans de cinéma de genre. En vrac, vous y croiserez Andreas Pietschmann (Dark), Mathilde Ollivier (Overlord), Jonas Bloquet (The Nun), Alexandre Willaume (Tomb Raider 2018), Aneurin Barnard (Dunkirk), Clara Rosager (Morbius) et Anton Lesser (Game of Thrones, Andor).

Jouer du triangle (pas celui-là)

À travers une impeccable esthétique (mais qu’il est beau ce luxueux bateau!) et des images magnifiques (Black Mirror à la fin du 19e siècle), le récit alambiqué de 1899 mêle avec brio des éléments symboliques et culturels au thriller le plus angoissant. Souvent grâce à la partition musicale anxiogène — parfois un peu trop intense, certes — du compositeur Ben Frost (Dark, Rainbow Six Siege, Super Dark Times). Notez que chaque épisode se clôt avec une parfaite chanson appuyant le propos. Non, mais t’sais, pas le choix d’être envoûté quand on t’accroche avec Deep Purple, Blue Öyster Cult ou Black Sabbath (surtout quand t’es un maniaque de métal!).

Et que dire de l’usage des retours en arrière et de la temporalité dans leur storytelling, sinon que vous serez soufflés, lorsque téléportés dans des lieux fascinants (une tranchée, un hôpital psychiatrique, un manoir incendié, un canot, un champ ensanglanté, etc.). Sans oublier cet énigmatique triangle, qui sans cesse nous hante.

On aime que la série débute en nous faisant croire que Titanic rencontre Alien, avant de biffer ce dernier pour aller plutôt errer près de chez Drew Goddard et Stanley Kubrick (entre 1968 et 1980), et de faire plusieurs autres virages à grands coups de frein à main… Fort à parier que les Lynch, del Toro et Villeneuve vont adorer. La réalisation n’est rien de moins qu’irréprochable.

1899 image film

Rêvalité

Au niveau divertissement, vous devinez qu’on n’est pas dans le confortable ni le plaisant. Et c’est très bien ainsi. Ici, en jouant habilement avec nos perceptions, ce récit choral à tiroirs nous dévoile graduellement les terribles secrets de nos nombreux protagonistes.

Comme un brutal, mais élégant portail menant dans leur inconscient… avec de multiples twists (psychologiques, technologiques, métaphysiques…). Bref, n’ayez pas peur de monter à bord de la «DeLorean» de Netflix et d’aller vous perdre non pas dans le triangle des Bermudes, mais bien dans le sinueux vortex de 1899. On vous promet que vous n’en sortirez pas indemnes et que vous cliquerez J’aime.

Note des lecteurs4 Notes
Points forts
La qualité des performances.
Le récit à tiroirs.
Les images magnifiques.
La trame sonore rock.
Pas mal tout, au final.
Points faibles
La musique oppressante, qui est parfois un peu trop appuyée.
4
Note Horreur Québec
Horreur Québec