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[Critique] Beau is Afraid: la thérapie d’Ari Aster

Considéré comme l’un des réalisateurs d’horreur les plus influents de notre époque, déjà associé à un style qui lui est propre, Ari Aster a jusqu’à maintenant une feuille de route assez exemplaire. Bien que proposant une esthétique et un ton assez différent à chaque projet, le réalisateur chouchou de A24 a tout de même un langage, une ambiance qui sont bien à lui. Pourtant, si Hereditary et Midsommar étaient des films d’horreur empruntant certains codes du surréalisme, Beau is Afraid (Beau a peur) est un film surréaliste s’inspirant fortement des codes de l’horreur.

Le film débute dans sa scène la plus campée dans la réalité, alors que Beau (Joaquin Phoenix), alors accompagné de son thérapeute (Stephen McKinley Henderson), s’ouvrira sur les différentes problématiques de son existence; sa paranoïa aigüe, ses difficultés sociales qui durent depuis sa tendre enfance, mais surtout la relation houleuse qu’il entretient avec sa mère. Ces traits de caractère bien établis dès le départ seront mis à profit aussitôt que le film s’enclenche.

On accompagnera Beau dans son épopée psychotique, débutant dans son appartement cauchemardesque situé au cœur d’une ville épouvantable et presque post-apocalyptique (gracieuseté de la rue Sainte-Catherine, comme le film a été en partie tourné à Montréal!). La quête de Beau: se rendre à la maison familiale à temps pour célébrer l’anniversaire de sa mère, et ainsi tenter de raffermir les liens difficiles qui les unissent. Bien entendu, rien ne se déroulera comme prévu, et le film sera constitué d’un enchaînement de séquences et d’aventures, plongeant Beau (autant que le spectateur) dans un état de paranoïa et de dissociation de plus en plus élevé.
Beau is Afraid affiche film

Beau is Afraid est séparé en plusieurs actes et portions distinctes, se déroulant toutes dans des environnements différents, nous présentant à chaque fois une nouvelle palette de personnages accueillant le protagoniste dans leur environnement. À chaque fois, Beau y est confronté à une facette de son existence, et chacune de ses rencontres sera l’occasion pour lui d’analyser, faire la paix ou en apprendre davantage sur sa personnalité. Que ce soit dans la ville bruyante et cauchemardesque, dans une forêt enchanteresse où Beau rencontre une communauté hippie ou dans une maison isolée où il est recueilli, cloîtré au lit après un accident, l’homme est toujours confronté à son passé, et même quelques fois des visions de son avenir.

Le film est extrêmement dense et représente bien la complexité propre au réalisateur. Ari Aster avait déjà établi certaines notions de surréalisme par le passé, surtout dans son imagerie qui conférait à son horreur un caractère éthéré. On est toujours dans le même esprit ici. Mais cette fois, l’auteur s’essaie à une fable plus labyrinthique, autant au niveau scénaristique que visuel et technique. Au final, le film s’articule autour d’une quête bien simple, mais la relation entre les différents personnages (Beau par-rapport à lui-même, ou particulièrement à sa mère) sera exploitée de plusieurs manières différentes, certaines parfois plus cryptiques-poétiques que d’autres. Et de manière générale, le résultat est satisfaisant, en partie grâce au travail exemplaire de Joaquin Phoenix, qui porte un rôle difficile, une psyché qui n’est pas simple, sur ses épaules.

beau a peur is afraid

Cependant, approcher une œuvre avec un certain niveau de psychanalyse peut ne pas toujours porter fruit. Oui, le scénario a une certaine complexité, mais il arrive aussi qu’on ressente un propos très personnel de la part du réalisateur, qui semble jongler dans l’ensemble de ses films avec la notion de famille absente, dysfonctionnelle. On sentira particulièrement dans Beau is Afraid une touche de réel, très thérapeutique, pour Aster. Et cette approche pourra ne pas résonner avec tout le monde, puisque certains symboles, éléments pourront sembler difficiles d’accès.

On termine le film sans avoir de réponses à toutes nos questions, après un dernier acte extrêmement dense et verbeux, qui détonne un peu du reste de l’œuvre. La relation entre Beau et sa mère est traitée, la quête est conclue, mais le spectateur reste avec plusieurs interrogations, tout comme le protagoniste, qui en sait désormais plus sur lui-même grâce à la thérapie, mais qui ne connaît pas encore tout de la marche à suivre pour y parvenir.

Lisez notre entrevue avec Ari Aster.

Note des lecteurs46 Notes
Points forts
Mise en scène audacieuse et éclatée
Sage utilisation du surréalisme
Points faibles
Le dernier acte du film s'étire légèrement
4
Note Horreur Québec

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Horreur Québec