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[Critique] Bones and All: cannibales en cavale

Le réalisateur Luca Guadagnino a charmé le public en 2017 avec son émouvant Call Me by Your Name. En 2018, il a scindé la critique en deux avec sa reprise, ou plutôt son remaniement, du classique Suspiria de Davio Argento. Cette année, il revient à la charge avec Bones and All, dans lequel il renoue avec le très talentueux Timothée Chalamet (Dune 2021, Don’t Look Up) et le place aux côtés de Taylor Russell (Escape Room) pour raconter une déchirante histoire d’abandon, de solitude et d’amour qui bouscule notre perception de la nature humaine.

Maren est abandonnée par son père à l’âge de 18 ans. Ce dernier ne se sent plus apte à poursuivre sa mission de la protéger dans ce monde où elle peine à se tailler une place. Car la jeune femme, d’apparence tout à fait normale, cache un lourd secret, une sombre façade, un désir inapaisable… de chair humaine. Laissée à elle-même, Maren part à la recherche de son identité et rencontrera au passage Lee, un être tout aussi monstrueusement déchiré entre le bien et le mal. À deux, ils tenteront de donner un sens à leur quête perdue.

Voyage aller non simple

Bones and All affiche film

Le film débute dans un quotidien conforme à la vie d’une jeune fille un peu introvertie qui se mêle à la foule de son lycée. On sent le léger mal de vivre sans trop s’inquiéter. On perçoit une certaine marginalité, sans trop s’en soucier. Mais en un bref (et intense) instant, en un acte (très) déplacé, Maren passe de jeune fille aux traits communs à dangereuse désaxée. Elle doit déserter à nouveau. Toutefois, elle est contrainte cette fois de fuir seule, son père étant à court de ressources pour l’aider. Son seul héritage: une cassette audio sur laquelle il lui raconte ce qu’elle a vécu, ce qu’elle a fait vivre aux autres et ce qu’elle a inexplicablement jeté aux oubliettes. Un billet de bus plus tard et on embarque avec elle en direction d’on ne sait trop où exactement…

Effectivement, difficile de savoir dans quelle direction Bones and All se dirige. Même après avoir été exposé d’entrée de jeu à une surprenante dose d’horreur, la destination reste très incertaine. À travers les angles de caméra serrés, les dialogues, les silences, les rencontres étranges, tout laisse présager que le film nous remplira la tête et nous chamboulera le cœur plutôt que de nous en mettre plein la vue.

Oser savoir doser

Malgré qu’il ne fasse pas l’unanimité dans le genre horrifique, force est d’admettre que Guadagnino s’en tire allégrement bien dans le style dramatique, où l’ambiance l’emporte sur le tape-à-l’œil et où les personnages sont davantage vecteurs d’émotions que d’action. Les jeunes danseuses de Suspiria (2018) évoluaient dans un environnement sinistre, et celui-ci nous déstabilisait principalement grâce à leur angoisse palpable et l’excentricité des tenancières de l’école. Et bien que certaines scènes du remake parvenaient à horrifier (une en particulier, réalisée avec brio!), c’est l’ambiance créée par la subtile menace qui parvenait à faire frémir.

Bones and All utilise cette même approche et réussit à nous lier aux personnages principaux où le spectateur devient non pas témoin de leurs actes, mais bien complice, ou du moins acolyte, sans aucun jugement. Et c’est le génie de ce film envoutant. Nos deux protagonistes sont bel et bien cannibales à leurs heures, mais nous nous surprenons à espérer leur survie dans ce monde où ils sont pourtant prédateurs. Une forme de sympathie se fait même ressentir envers leur affliction alors qu’on craint que d’autres de la même «espèce» puissent leur faire du tort. Comment est-ce possible? Parce que Bones and All touche à tout plein de cordes simultanément et sait habilement en faire vibrer plus que d’autres. Le film a d’ailleurs reçu multiples classements: horreur, épouvante, drame fantastique, romance, mystère, thriller et même «road trip cannibale». 

Bones and All image film

Bien évidemment, plus les genres s’additionnent, moins il y a de place pour exploiter chacun d’entre eux. Petit conseil pour celles et ceux qui désirent être témoins d’un peu d’horreur: il faudra être patient et prêt à écouter plusieurs (parfois longs!) dialogues, embarquer dans maintes virées en voiture et s’imprégner d’une bonne dose de romance. Et puisque la bande-annonce mise principalement sur les scènes sanglantes, il est possible que les attentes ne soient pas rencontrées pour plusieurs.

Toutefois, même si l’épouvante n’est définitivement pas la visée principale Bones and All, on peut se réjouir de la performance mémorable de la grande majorité des acteurs. Chalamet nous livre son magnétisme habituel tandis que Mark Rilance (Sully) ne pourrait pas nous rendre plus inconfortable et insécure à chacune de ses présences à l’écran. Mention spéciale à Chloë Sevigny qui, en quelques minutes à peine, réussit à donner froid dans le dos. Le tout mis en scène dans des paysages changeants, parfaitement mis à l’écran dans toute leur immensité ou simplicité. Un road trip inhabituel, mais qui vaut le détour!

Note des lecteurs3 Notes
Points forts
Jeu des acteurs mémorable
Dosage sagement équilibré entre humain et inhumain, drame et horreur
Voyage qui nous transporte vers plusieurs paysages
Points faibles
Scènes d'horreur latentes
Trop de dialogues
Trame sonore qui nous sort parfois du contexte
3.5
Note Horreur Québec

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