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[Critique] Lamb: après Black Phillip, voici Ada

Note des lecteurs8 Notes
3.5
Note Horreur Québec

Qu’obtient-on lorsque Béla Tarr, légendaire cinéaste hongrois caractérisé par son oeuvre pessimiste et monotone, produit le film à saveur horrifique d’un de ses anciens élèves? Une oeuvre plutôt pessimiste et monotone, dont les thèmes en doivent au maître du slow cinema. Cette influence est omniprésente dans Lamb (Dýrið), tant par les nombreuses interactions silencieuses entre les personnages que via l’emphase mise sur la nature.

Le récit s’intéresse à Maria (Noomi Rapace) et Ingvar (Hilmir Snær Guðnason), un couple d’agriculteurs islandais qui opère une ferme de moutons. Peut-on en dire plus sans vous dévoiler une partie de l’intrigue? Pas vraiment, donc on vous suggère fortement de quitter cette page et d’y revenir plus tard si vous n’avez pas encore visionné le film ni la promotion qui y est attachée.

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Un jour, donc, Maria découvre qu’un de leurs moutons a donné naissance à une créature mi-humaine, mi-bovidé. Le couple l’adopte et la nomme Ada. En deuil d’un enfant, ils goûtent à nouveau au bonheur. Mais une sinistre présence plane…

Passé un prologue qui donne froid dans le dos, l’horreur de Lamb prend le siège passager. Une angoisse diffuse exsude bien des paysages islandais au mysticisme si particulier, ainsi que de la trame sonore drony de Tóti Guðnason. Mais le cinéaste Valdimar Jóhannsson, qui co-signe le scénario avec le poète Sjón, opère en dehors des contraintes du genre.

On a davantage affaire à une fable écologique inspirée du folklore islandais et versant dans la pure poésie visuelle. Selon à qui vous demandez, Lamb possède aussi des moments de comédie absurde assez pince-sans-rire. Mais le film quitte surtout les confortables confins de l’horreur par sa mise en scène expérimentale qui ne priorise pas les affects coutumiers au genre.

Cette mise en scène, tout comme un scénario minimaliste au point où les critiques le diront dépouillé, se distingue dans sa volonté de brouiller la frontière entre l’humain et l’animal. D’un côté, en conservant les dialogues au strict minimum et en étudiant les visages et rituels de ses protagonistes de façon détachée. De l’autre, en conférant aux multiples animaux du récit une expressivité particulière qui tient du réalisme magique et suscite l’empathie du spectateur. Même les paysages d’Islande, auquel le cinéma hollywoodien contemporain nous a pourtant habitués, s’animent devant la lentille de Jóhannsson et son directeur photo Eli Arenson.

L’austérité de cet environnement agraire est portée par une performance riche en nuances de la comédienne Noomi Rapace (Prometheus, The Trip). Et il y a bien sûr Ada, créature fantastique qui existe au coeur de la dynamique entre l’humain et la nature qui l’entoure. Rendue de manière spectaculaire, Ada gagnera la sympathie du spectateur. Tiraillée entre ses deux familles, elle représente le coeur du récit. Récit qui prend parfois quelques détours moins convaincants… Un personnage important, introduit lors du deuxième acte, possède un arc narratif en dents de scie.

Film lent et contemplatif, Lamb se destine à des spectateurs d’horreur ayant une conception très large du genre ainsi que des sensibilités plus arthouse. Certain.es risquent de s’ennuyer ferme devant le film, comme en atteste sa réception tiède. C’est pourtant l’une des oeuvres les plus uniques que 2021 avait à nous offrir, un haut fait de l’eco-horreur qui demeure ouvert à l’interprétation même après sa surprenante tombée de rideau.

Et si vous avez regardé la bande-annonce montée par l’efficace département marketing d’A24, qui rassemble dans son inimitable style insta-glauque la quasi-totalité des images horrifiques contenues dans Lamb, il est possible que vos attentes soient plus ou moins représentatives du produit fini. Ajoutons qu’A24 n’a rien à voir dans la production du film islandais et se contente de le distribuer… dans un seul pays du monde.

Lamb / Dýrið by Valdimar Jóhannsson - INTERNATIONAL TEASER
Horreur Québec
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