The Third Day

[Critique] The Third Day: cap sur l’Île-aux-tourments

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4
Note Horreur Québec

La mini-série The Third Day s’amenait chez HBO cet automne pour une bonne dose de folk horror, à la découverte de la mystérieuse île Osea. Cette île, qui existe véritablement, est reliée à la rive Est de l’Angleterre par une chaussée qui se recouvre complètement à la crue des eaux — un canevas idéal pour isoler des personnages en détresse. Normalement inhabitée, elle abrite dans la dernière création de Dennis Kelly et Felix Barrett une petite communauté celte aux rituels plutôt intrigants.

Sam (Jude Law, The Talented Mr. Ripley) s’y retrouve par hasard. Lors d’un pèlerinage sur la rive à l’Est, l’homme tombe sur une adolescente qui tente de se suicider dans les bois. Il ira la reconduire chez elle, de l’autre côté de la rivière, se retrouvera coincé sur la fameuse île une fois la marée haute et tentera de percer le mystère entourant sa présence sur les lieux. Parallèlement, mais à un autre moment, Helen (Naomie Harris, 28 Days Later…), débarque à Osea avec ses deux filles pour un week-end d’anniversaire surprise. Le Airbnb qu’elle a réservé en ligne n’est mystérieusement plus disponible à son arrivée et les problèmes ne font que commencer.

The third day afficheD’abord, il faut parler de la structure de The Third Day. Officiellement, vous retrouverez sur Crave six épisodes traditionnels: la première partie en trois épisodes, Summer, qui s’attarde sur le personnage de Sam, et la dernière Winter, trois autres épisodes centrés sur l’histoire d’Helen. Les créateurs ont toutefois imaginé un gigantesque épisode live de 12 heures, Autumn, qui s’insère entre les deux. Vous retrouverez ce dernier sur la page Facebook d’HBO, divisé en deux segments ici et ici. Les curieux qui n’auraient toutefois pas envie d’y passer une journée complète — et pour cause! — peuvent visionner une version éditée en 100 minutes des moments clés de l’expérience via YouTube.

Car en effet, Autumn n’est pas vraiment nécessaire à l’intrigue. Le long théâtre, audacieux et très impressionnant d’un point de vue technique, agit plutôt à titre d’atmosphère. L’épisode s’ouvre, par exemple, sur une voiture qui déambule vers Osea pendant près d’une heure, sans que rien de particulier ne survienne. Pendant 50 minutes, on peut également observer Jude Law creuser un trou. Filmée d’une seule traite, l’expérience est définitivement dans la contemplation. Les quelques dialogues sont pour la plupart du temps inaudibles, tandis que la trame sonore développe une ambiance inquiétante et s’emballe à quelques reprises, comme lorsque la caméra vient filmer des détails cachés dans l’île ou lors de confrontations entre les habitants en pleine préparation du festival. La chanteuse Florence Welch, de Florence and the Machine, dont l’esthétique se prête déjà plutôt bien au thème, vient faire quelques stepettes et pousse même une chanson dans ce qui semble être son propre rôle. Sa populaire pièce Dog Days Are Over sert déjà à l’intrigue dans la série.

The Third Day autumn

Avec sa thématique folklorique souvent dérangeante et sa réflexion toute aussi douloureuse sur le deuil, impossible de ne pas faire de rapprochements avec le Midsommar d’Ari Aster. La comparaison s’arrête toutefois ici alors que The Third Day développe une esthétique distincte, résolument plus sombre. La série est dotée d’une fulgurante filmographie qui capte l’endroit aux allures de carte postale, à commencer par ce chemin qui disparaît dans l’océan, et nous coupe nous aussi du reste du monde. À l’inverse du soleil de minuit de la Suède, ce sont plutôt les deux saisons dépeintes qui dictent ici la photo: vive et bien saturée à l’été et plus sombre à l’hiver. Décorations et masques étranges, animaux dépecés, rêves macabres; la série s’appuie sur des imageries plutôt communes aux productions cauchemardesques païennes/celtes pour générer son climat de tension, qui fonctionne au final plutôt bien.

Avec cette la réalisation impeccable, les cinéastes Philippa Lowthorpe (The Crown) et Marc Munden (Utopia) utilisent à bon escient leur distribution 5 étoiles en braquant les caméras près des visages des acteurs pour en recueillir la moindre émotion. La première partie, légèrement supérieure à l’ensemble, suit Jude Law qui réussit à nous faire ressentir l’urgence de sa captivité, en même temps que toute la détresse de son personnage qui connaîtra des dénouements plutôt sanglants. Naomie Harris touche d’autres cordes sur les mêmes thèmes en incarnant une femme aux antipodes dans la seconde partie, forte en revirements. Dans les deux cas, les acteurs livrent des performances physiques plutôt intenses, où ils semblent même y laisser un petit morceau d’eux-même. Il faut également mentionner le travail d’Emily Watson (Chernobyl) et de Paddy Considine (Hot Fuzz, The World’s End) qui, dans leurs rôles d’habitants d’Osea, apportent beaucoup de couleurs à l’intrigue avec leurs manigances et leurs façons de s’exprimer.

Outre le long épisode central que vous pouvez certainement skipper, les six épisodes «réguliers» de The Third Day valent le coup d’oeil pour amateurs de folklore tordu, à la recherche d’un nouveau mystère à percer. Au final toutefois, les secrets à préserver d’Osea demeurent tout entiers et c’est bien tant mieux.

The Third Day: Official Trailer | HBO

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