S’il y a bien une maison d’édition à laquelle je fais confiance aveuglément, ce sont les éditions de Ta Mère. Chaque fois, elles nous offrent des œuvres absurdes, touchantes, avec une pointe d’humour, mais pourtant toujours très critiques du monde dans lequel nous évoluons. Leurs auteur·rice·s jouent habilement avec les genres; la littérature n’a plus de limites, elle devient ce que leur plume veut bien en faire. Je reste à l’affût de chacune de leurs publication, ainsi, en novembre dernier, je me suis procurée chez Zone Libre, Terrain glissant, une pièce de théâtre de François Ruel-Côté. Vous apprendrez à me connaître au fil de mes articles, mais sachez que je me laisse rapidement et facilement charmer par les couvertures des livres, particulièrement les plus colorées. C’est donc sans surprise qu’il me fallait absolument ce livre dans ma bibliothèque personnelle.
Avant d’être publié en format papier pour trôner fièrement sur mes étagères, Terrain glissant est une pièce de théâtre qui a été présentée au début de l’hiver 2024 au Théâtre Denise-Pelletier. À mon sens, cet aspect important dans la vie de l’œuvre lui donne un aspect vivant, c’est un texte qui a été créé pour être incarné, et sa lecture n’en est donc que plus prenante.
Le séjour de Laurence et Cédrick en nature au Repère du Nord avec des amis prend une tout autre tournure lorsque Cédrick manque à l'appel. Partie pour quelques jours de relaxation dans les bois, Laurence se retrouve alors prise au centre d'une intrigue psychédélique. La réalité et la fiction glissent et s'entremêlent. Pendant ce temps, un auteur d'horreur à succès termine un scénario dans le grenier du chalet où loge la troupe d'ami·e·s. Qui est cet étrange personnage? Laurence parviendra-t-elle à sortir indemne de ce sombre cauchemar ou basculera-t-elle dans la folie? Cédrick sera-t-il retrouvé ou laissé à son sort dans un néant abyssal?
François Ruel-Côté installe habilement les codes classiques de l’horreur : la bande de vieux amis qui se retrouvent isolée dans un chalet au milieu d’un bois qu’ils ne connaissent pas. Une fois que les codes sont posés, Ruel-Côté s’ouvre un terrain de jeu immense. Ces codes ne sont là que pour être brisés et je dois avouer que c’est assez excitant à lire!
Entre répliques absurdes, contradictions assumées, clichés exacerbés, le dramaturge étire les limites de son univers au maximum. Terrain glissant est un texte à la fois complètement éclaté et stupide, mais tellement stupide, justement, qu’il en devient profondément ingénieux.
Parmi les personnages, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, ils incarnent tous à merveille les archétypes de protagonistes pris au piège dans un récit horrifique. C’est-à-dire, des personnages qui ne réfléchissent que très peu avant d’agir, et quand ils le font, on comprend rapidement que ce ne sont pas les pogos les plus dégelés de la boîte. Étonnamment, leur stupidité les rend d’autant plus attachants et elle sert bien le récit, renforçant l’absurdité de l’œuvre.
La présence, parmi les personnages de la pièce, d’un auteur (maître de l’horreur qui plus est!) torturé, à l’esprit tourmenté, ajoute à l’impossibilité de prévoir quoi que ce soit quant à la trame narrative de cette obscure histoire.
L’horreur au théâtre est un pan du genre qu’on a tendance à oublier, à invisibiliser et pourtant! Le texte dramatique permet de faire vivre la même expérience aux spectateur·rice·s et aux personnages! Une fois publié en format papier, le texte permet certes de marquer l’œuvre de manière indélébile dans le temps, mais suscite surtout un travail accru de l’imagination des lecteur·rice·s. L’imagination et l’appréhension sont tout de même deux caractéristiques au cœur du genre qui nous passionne. Le théâtre est donc une avenue plus qu’intéressante dans le développement du genre!
Si vous avez un peu de temps lors d’un après-midi pluvieux, je vous recommande sans retenue Terrain glissant!
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