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SUSPIRIA Dakota Johnson (center) and Mia Goth (center-left)

[Critique] Suspiria (2018): soupirs profonds

Note des lecteurs9 Notes
2.5
Note Horreur Québec

Une jeune danseuse américaine du nom de Suzie (Dakota Johnson) débarque à Berlin afin d’intégrer la célèbre compagnie de danse Helena Markos. Impressionnée par son talent et la sensualité qu’elle dégage, la chorégraphe Madame Blanc (Tilda Swinton, qui joue trois rôles) prend la jeune américaine sous son aile pour en faire une future danseuse étoile. Tandis qu’un respect mutuel et profond se forge entre les deux femmes, d’étranges incidents se produisent provoquant la disparition de certaines danseuses.

Dans cette nouvelle mouture du chef d’œuvre de Dario Argento, le réalisateur italien Luca Guadagnino a choisi de situer l’histoire en 1977, année de production du film original, au lieu de transposer le récit à notre époque. Si les couleurs éclatantes et les décors baroques du long-métrage du maître de l’horreur italien ont été remplacés par des images ternes et désaturées, ce qui sied bien à la ville de Berlin, les mouvements de caméra, dont certains zooms très rapides, conservent un style rétro qui fait plaisir. Ajoutez à cela l’omniprésence de miroir et de reflets, ainsi qu’une pluie constante et assourdissante, Suspiria (2018) propose un esthétisme léché qui parvient parfaitement à instaurer un sentiment d’angoisse.

Suspiria 2018De plus, au lieu de nous présenter des chorégraphies de ballets plutôt classiques, le film de Guadagnino fait une sublime exploitation de l’art de la danse. En effet, les chorégraphies concoctées par le franco-belge Damien Jalet sont très réussies, particulièrement celle du spectacle final nommé «Volk» (peuple en allemand). Ainsi, accompagnés par l’inquiétante musique de Thom Yorke, les corps des danseuses se contorsionnent, voire se démantibulent et se déboîtent, provoquant un malaise chez le spectateur. Soulignons également la magnifique scène de l’audition de Suzie au début du film, faite sans musique, constituée uniquement de bruits de frottements et d’halètements saccadés, donnant à l’ensemble un caractère charnel et animal.

Si certains reprocheront au film d’être avant tout formaliste et prétentieux, ce n’est pas vraiment ce qui a gâché le plaisir de l’auteur de ces lignes. Du moins, pas tout à fait. Effectivement, ce parti pris édulcore l’effet d’épouvante ressenti à la vue du film original, mais le véritable problème est ailleurs. La durée (2h32) alourdit également l’ensemble, c’est certain, mais les cinq premiers actes — divisions qui apparaissent textuellement à l’écran — demeurent efficaces et intéressants. C’est lors du sixième acte, ainsi que pendant l’épilogue, que le film perd pied.

Ainsi, lors de la scène finale réunissant les sorcières dans une célébration sanglante, censée être l’apothéose du film, ce n’est plus le remake du Suspiria qu’on a l’impression de regarder, mais plutôt celui du très mauvais Mother of Tears (La Terza madre), troisième opus de la trilogie des trois mères de Dario Argento, sorti en 2007.

La photographie et les effets spéciaux sont d’une laideur abyssale et on se demande comment est-ce possible qu’on ait patienté tout ce temps pour voir un tel foutoir à l’écran. Markos (Tilda Swinton encore) ressemble à un Dr Strangelove en décomposition et on ne sait plus si on doit avoir peur ou si on doit rigoler. Sans compter un sous-texte sur le nazisme qui était demeuré subtil jusqu’à maintenant et qui prend soudain le dessus, particulièrement lors de l’épilogue qui ressemble plus à la conclusion d’un drame larmoyant sur la Shoah que celle d’un film d’horreur. Évitons d’en dire plus pour ne pas déflorer l’intrigue du film, mais pour reprendre les mots de Molière, on se demande: que diable faisons-nous dans cette galère? Tout ça pour ça? Vraiment?

Suspiria - Official Trailer | Amazon Studios

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