Dans un précédent article, je m’étais livré avec une certaine mauvaise foi (et un réel plaisir) à un petit massacre de remakes horrifiques ratés – ces versions modernes qui trahissent l’esprit de l’original ou, pire encore, révèlent malgré elles toute la pertinence. Et pourtant, il serait injuste de peindre tous les remakes avec le même sang. Car parfois, dans les bons cas – les rares, les précieux – le recyclage devient une forme d’hommage, voire de réinvention.
Un bon remake ne se contente pas de reproduire. Il questionne, il actualise, il approfondit. Il peut transcender les limites techniques ou culturelles du film original, ou encore jouer sur les attentes du public contemporain pour mieux les détourner. C’est une forme de dialogue entre époques, entre visions d’auteur, entre peurs d’hier et angoisses d’aujourd’hui.
Alors oui, tout n’est pas à jeter dans cette vague de réappropriations. Certains remakes sont non seulement légitimes, mais parfois meilleurs que leurs modèles. Voici dix exemples où le remake trouve sa raison d’être — et prouve que le cinéma d’horreur a encore des choses à dire, même en se répétant.
1. The Fly (1958) → The Fly (1986)
Gloire à toi splendide mouche!
C’est sans doute l’exemple parfait. Le film de 1958 était une petite série B sympathique, un savant qui finit avec une tête d’insecte : grotesque, mais fun. Puis Cronenberg arrive, avec son obsession pour la chair qui dégénère, les métamorphoses dégueulasses, et Jeff Goldblum torse nu. Le résultat? Un drame romantico-body horror d’une intensité rare. C’est viscéral, tragique, et ça donne envie de jeter son micro-ondes par la fenêtre.

2. Dawn of the Dead (1978) → Dawn of the Dead (2004)
Attends, quoi? Un remake réalisé par Zack Snyder? Oui. Et franchement, ça marche. Romero reste intouchable côté satire sociale (le consumérisme dans un centre commercial, on adore), mais Snyder injecte de l’adrénaline dans les veines du film. Zombies qui courent, intro explosive, massacre à la tronçonneuse dans un van… Le tout avec un vrai sens du spectacle. Du pur chaos stylisé. Comme quoi, avant les super-héros, Snyder savait faire peur.

3. Funny Games (1997) → Funny Games (2007)
Remake ou copier-coller ? Les deux. Michael Haneke refait exactement son propre film plan par plan, 10 ans plus tard, mais en anglais, avec Naomi Watts et Michael Pitt. Et c’est brillant. Car le propos ne change pas : une critique de la violence gratuite… en utilisant les codes du thriller domestique. C’est méta, glacial, dérangeant au possible. Le remake permet au message de toucher un nouveau public. Et Haneke te regarde droit dans les yeux pendant qu’il le fait.

4. The Thing from Another World (1951) → The Thing (1982)
Le classique absolu. John Carpenter a pris un film de science-fiction un peu désuet et l’a transformé en chef-d’œuvre paranoïaque, glacial, paranoïaque (je me répète ? c’est normal, c’est l’effet du film). Kurt Russell, des effets spéciaux encore bluffants aujourd’hui, une créature indescriptible et des hommes qui craquent lentement comme des branches dans une forêt gelée. C’est le remake qui a redéfini le genre. Point.
5. It (1990) → It (2017)
La mini-série culte des années 90 avait son charme (et Tim Curry), mais aussi ses limites : budget, effets vieillots, rythme étrange. Le remake ciné n’est pas parfait, mais il modernise le récit sans le trahir. Les gamins sont excellents, Pennywise est redoutablement flippant, et la mise en scène joue efficacement sur les peurs viscérales. Bon, la suite (Chapter 2) est une autre histoire… mais le premier volet a fait le boulot.


6. The Hills Have Eyes (1977) → The Hills Have Eyes (2006)
Le film original de Craven avait ce charme rugueux, quasi-documentaire. Alexandre Aja, lui, le transforme en cauchemar post-apocalyptique sous acide. C’est sale, violent, désespéré – mais sacrément efficace. Pas de pitié, pas de temps mort. Du survival sec comme un coup de pelle. Si t’aimes les ambiances où tout pue la fin du monde, c’est pour toi.


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7. Ju-on: The Grudge (2002) → The Grudge (2004)
Petit twist ici : c’est le même réalisateur, Takashi Shimizu, qui a signé le remake américain de son propre film. Et ça marche. Pourquoi ? Parce qu’il ne fait pas juste un copier-coller, il adapte l’ambiance au contexte occidental tout en gardant la terreur typiquement japonaise. Sarah Michelle Gellar, ex-Buffy badass, joue ici une femme paumée dans un Tokyo silencieux et angoissant. Le choc culturel renforce la peur. Comme quoi, déplacer un fantôme de son habitat naturel peut le rendre encore plus vénère.


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8. Halloween (1978) → Halloween (2007)
Voilà un remake qui divise, mais qu’il faut oser défendre. Rob Zombie ne cherche pas à copier Carpenter – et heureusement. Il injecte sa patte : crasseuse, violente, dérangeante. Là où l’original jouait sur le suspense et la suggestion, Zombie explore les origines de Myers, son enfance tordue, son environnement déglingué. C’est moins élégant, certes, mais diablement plus viscéral. Le boogeyman devient une bête quasi mythologique. Et dans un monde saturé de jump scares, ça fait du bien un peu de sauvagerie authentique.


9. Invasion of the Body Snatchers (1956) → Invasion of the Body Snatchers (1978)
Encore un remake qui dépasse son modèle. Philip Kaufman reprend le concept paranoïaque du film des années 50 (les gens sont remplacés par des copies sans âme) et l’inscrit dans un contexte post-Watergate anxiogène. L’ambiance est poisseuse, Donald Sutherland est parfait, et le cri final hante encore les nuits de beaucoup de cinéphiles. Une masterclass de SF parano.


10. Dracula (1931) → Dracula de Coppola (1992)
Pas un simple remake, non. Une relecture passionnée, baroque et ultra stylisée du roman de Bram Stoker. Francis Ford Coppola met en scène un Dracula mélancolique, sensuel, amoureux – incarné par un Gary Oldman tout en perruques et douleurs éternelles. Le casting est fou (Winona Ryder, Anthony Hopkins, Keanu Reeves et son accent douteux), la direction artistique est somptueuse, et la mise en scène déborde d’inventivité. C’est gothique à mort, au sens littéral. Et ça suinte la classe.


Conclusion
Il y a donc de l’espoir. Tous les remakes ne sont pas des blasphèmes opportunistes. Certains transcendent le concept même de « refaire », en osant réinventer, réécrire, recracher une œuvre sous une autre forme. D’autres, plus respectueux, se contentent d’amener leur ancêtre poussiéreux au goût du jour, sans l’éventrer au passage. Le secret ? De l’audace, de la sincérité… et surtout une dose de folie.




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