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[Entrevue] « La Mort n’existe pas » : la confrontation des impossibles

Après un passage en festival (Quinzaine des cinéastes de Cannes, Fantasia ou, plus récemment, le Festival de cinéma de la ville de Québec), le long métrage d’animation La Mort n’existe pas sera dans les salles de cinéma québécoises le 26 septembre. Horreur Québec a rencontré plus tôt cet été le réalisateur Félix Dufour-Laperrière dans les studios d’Embuscade Films à Montréal afin de parler de cette œuvre singulière, mais totalement en phase avec les préoccupations qui animent nos sociétés actuellement.

Après un attentat raté contre de riches propriétaires, Hélène abandonne ses compagnons et s’enfuit en forêt. Manon, son amie et complice lors de l’attaque, revient la hanter. Ensemble, elles revisitent le choix impossible entre la violence et l’inaction, dans un monde en pleine métamorphose.
LaMort B affiche WEB 26 sept LR

C’est la première fois que Félix Dufour-Laperrière présentait l’un de ses films à Fantasia, une expérience heureuse puisqu’il a remporté le Prix du public pour le meilleur long métrage d’animation. Une belle récompense, car La Mort n’existe pas demeure une œuvre exigeante.

Un conte tragique

Plusieurs années ont été nécessaires pour la conception de La Mort n’existe pas, un projet qui était au départ plus « sombre » et « fataliste ». « C’est un pacte faustien. Les premières versions du scénario étaient très sombres, poisseuses », raconte Félix Dufour-Laperrière.

Mon premier désir, c’était de ramener les tensions et la logique de la Crise d’octobre dans le Québec contemporain. Pour moi, c’était la Crise d’octobre rencontre Alice au pays des merveilles.

– Félix Dufour-Laperrière

L’idée n’était pas de faire un film historique, mais plutôt un conte tragique.

Se disant très attaché au destin collectif du Québec, Félix Dufour-Laperrière a retravaillé le scénario pour le rendre plus équilibré et lumineux. Ces retouches n’empêchent pas que La Mort n’existe pas est par moments une œuvre violente et anxiogène.

Compte tenu du sujet et de l’approche, de la radicalité du propos et de la forme, je me considère chanceux d’avoir pu le financer.

– Félix Dufour-Laperrière

Une fratrie d’artistes
En plus de son frère Nicolas qui coproduit le film (et avec qui Félix Dufour-Laperrière a cofondé, il y a 12 ans, sa maison de production Embuscade Films), son autre frère – Gabriel – a composé la musique de La Mort n’existe pas. Une musique très accrocheuse dès les premières images du film.

Entre stabilité et volonté de changement

Père de deux enfants, Félix Dufour-Laperrière est déchiré entre son souhait de stabilité afin que sa famille soit « bien » et son désir de changement, passant par une redistribution de la richesse et motivé par la colère qu’il ressent face à l’état du monde. Un paradoxe que le réalisateur a voulu projeter à travers les personnages d’Hélène et Manon dans La Mort n’existe pas.

Une fois que la violence est lancée dans le monde, une fois qu’elle advient, le réel se retrouve chamboulé, mais aussi, on en perd le contrôle.

– Félix Dufour-Laperrière

Destruction et renaissance, c’est à ça que les personnages de son film assistent, voire aspirent. C’est ce qui motive également le choix de leur cible lors de l’attentat qui a lieu au début du film, visant des personnes qui ont manifestement accumulé une grande richesse, mais qui représentent également l’autorité.

Critique La Mort nexiste pas 02

Lorsqu’on l’interroge sur l’utilisation de la violence pour défendre une cause, Félix Dufour-Laperrière évoque à nouveau une forme de paradoxe.

Je pense que la violence est à la fois impossible, c’est-à-dire qu’on n’en contrôle pas les conséquences, et en même temps, elle est partout. A contrario, à plusieurs égards, le statu quo est aussi impossible.

– Félix Dufour-Laperrière

Lors de l’écriture du scénario, Félix Dufour-Laperrière pensait aux préoccupations qui l’animaient lorsqu’il avait la vingtaine, l’âge des protagonistes de La Mort n’existe pas.

Je pensais à ce qui me traversait comme énergie et comme questionnements à cette époque. Les questions sont peut-être posées différemment, mais ces dilemmes et contradictions me traversent encore.

– Félix Dufour-Laperrière

Le réalisateur tient en revanche à préciser que lorsqu’il fait un film, malgré les idées et convictions qu’il peut y injecter, « ce n’est pas un programme ».

Chaque film est un pari. Tu rentres dans un espace et tu explores des choses. La beauté, c’est qu’il y a une part d’incertitude. Je ne crois pas à la surrationalisation, à la grande exactitude d’une thèse ou d’une pensée.

– Félix Dufour-Laperrière

Pour lui, la conception d’un film est déambulatoire à l’image du personnage d’Hélène errant dans une forêt dans La Mort n’existe pas. Un trajet exploratoire qu’il souhaite également faire vivre chez les spectateurs.

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Une animation artisanale

Si grâce à l’ONF, il y a une longue tradition concernant le cinéma d’animation au Québec, ce sont essentiellement des courts métrages qui ont été produits. Faire des longs métrages d’animation, d’auteur, qui plus est, représente un défi certain.

On travaille sur des films qui n’ont pas toujours un très grand potentiel commercial, mais un fort potentiel critique, un fort potentiel en festival. Il faut défendre ça devant les institutions.

– Félix Dufour-Laperrière

Le côté artisanal de l’animation québécoise a été influencé par les productions de l’ONF, mais pas seulement, explique-t-il. Cette culture très riche « dialogue » avec celle du documentaire, du cinéma direct et du cinéma expérimental, ce qui façonne l’identité très spécifique du cinéma d’animation québécois.

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Ainsi, les dessins de La Mort n’existe pas sont faits à la main sur des tablettes graphiques et les couleurs sur papier, avant d’être appliquées numériquement aux illustrations. Une technique qui permet de conserver une trace du trait et une texture particulière sur le résultat final présenté à l’écran.

Un côté artisanal qu’on observe également dans la bande dessinée québécoise. C’est d’ailleurs sur une adaptation d’une BD que travaillaient les artisans d’Embuscade Films lors de notre visite des studios : Le Projet Shiatsung de Brigitte Archambault, coréalisé par Eva Cvijanovic.

La Mort n’existe pas sort dans les salles québécoises le 26 septembre et dans celles de France le 1er octobre.

LA MORT N'EXISTE PAS | Bande-annonce officielle | 26 septembre 2025

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