Anna Kiri DOP Miguel Henriques Catherine Brunet Stills 09

[Critique] « Anna Kiri » : une surprise québécoise entre chaos et féminisme

Aujourd’hui sort en salle le second long métrage de Francis Bordeleau, Anna Kiri. Le film mettant en vedette Catherine Brunet est, à mon sens, une belle surprise du cinéma québécois. Entre thriller et critique sociétale, Bordeleau nous offre un film haletant dont on ressort regonflé à bloc et complètement inspiré!

Alors qu’elle tente de se sortir d’une vie de misère, Anna (Catherine Brunet) fuit ce qu’elle a toujours connu pour chercher à s’intégrer dans l’univers de la littérature qu’elle a toujours rêvé d’habiter. Seulement, à force d’agir sur des impulsions, ne creuse-t-on pas sa propre tombe?

Anna Kiri DOP Miguel Henriques Charlotte Aubin Stills 12

Un film inégal

Anna Kiri est un long métrage qui ne plaira pas à tous, je préfère vous en avertir tout de suite. Le film est inégal et parfois plutôt broche-à-foin. Étonnamment, ça ne m’a pas empêchée d’avoir beaucoup de plaisir à le visionner. D’une certaine façon, le manque de finesse du film apporte un aspect brut au récit et contribue à créer une ambiance complètement déjantée, qui nous plonge davantage dans l’histoire tordue d’Anna.

Un montage salvateur, un scénario encombrant

Anna Kiri

Je n’ai que rarement ressenti le poids d’un scénario aussi présent que dans Anna Kiri. Sincèrement, je pense que si j’avais pris un crayon et du papier pour écrire chaque dialogue et chaque déplacement, même les plus minimes, j’aurais pondu un scénario presque identique à celui donné aux acteurs. En d’autres mots, le scénario est encombrant et limite l’expansion du récit. Il retire la magie de ces instants hors du temps qui peuvent survenir sur un plateau et qui ajoutent une couche de réalisme à une œuvre.

Heureusement, l’équipe de montage a su rattraper la gaffe, du mieux qu’elle le pouvait. Avec des ajouts manuscrits à l’écran, une attention particulière aux sons, un jeu entre images d’archives, montage expressif et narratif, Anna Kiri gagne un dynamisme nécessaire qui permet de sauver le film et de camoufler en partie la réalisation plutôt douteuse de Francis Bordeleau.

Anna Kiri DOP Miguel Henriques Catherine Brunet Stills 27

Ma critique féministe

Bon, vous devez commencer à vous demander pourquoi j’ai écrit en introduction qu’Anna Kiri était une belle surprise du cinéma québécois, alors que je souligne tant de faiblesses. Eh bien, le film prend une profondeur particulière si on l’analyse à travers une lecture féministe.

Malgré ses attaches solides aux modèles masculins (que l’on pourrait aisément qualifier de symboles patriarcaux, en écho à la critique sociétale posée par Bordeleau), Anna demeure un modèle féminin fort. Une protagoniste fonceuse et rêveuse à la fois, qui rappelle de grandes figures de la littérature féministe par sa drive et son esprit torturé. Impossible de ne pas penser à Marie-Sissi Labrèche, à Nelly Arcan, mais surtout à Emmanuelle Pierrot.

Je n’ai pu m’empêcher de tracer une tonne de parallèles avec ces grandes plumes. Plutôt que de recourir à une voix off qui donnait parfois l’impression d’un film amateur, Bordeleau aurait gagné à puiser davantage dans ces références pour donner une dimension littéraire plus puissante à son héroïne. On revient ainsi au problème scénaristique soulevé plus haut.

N’empêche que ce fond de références littéraires féminines, incarnées par Anna Kiri, a su me charmer.

Charmant malgré les imperfections

Anna Kiri n’est pas le film de l’année. Il offre certes un montage intéressant, dynamique et original, mais il met aussi en lumière l’incapacité de Francis Bordeleau à livrer un film pluridimensionnel. Pourtant, l’analyse littéraire et féministe que l’on peut tirer du film a suffi à peser lourd dans la balance, au point de me faire embarquer les yeux fermés dans cette histoire décousue.

C’est donc sans trop comprendre pourquoi que je vous écris qu’Anna Kiri m’a captivée, m’a fait rire et, parfois même, oublier de respirer. Je vous recommande d’aller le visionner en salle, ne serait-ce que pour vous faire votre propre idée. Je suis curieuse de lire vos impressions : je me doute que ce sera un film qui divisera le public.

Bon visionnement !

Anna Kiri
Note des lecteurs1 Note
Pour les fans...
de "La version qui n'intéresse personne"
de Catherine Brunet
de littérature féministe
3
Note Horreur Québec

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