M Club

[Littérature] « Le M Club » : une déception littéraire signée Patrick Senécal

C’est aujourd’hui, 19 novembre, que le tout nouveau roman du maître de l’horreur québécois Patrick Senécal arrive sur les tablettes. Un titre particulièrement attendu des fans, puisqu’il promet de retrouver les mythiques Michelle et Florence dans une suite narrative que plusieurs espéraient depuis longtemps.

Horreur Québec a eu la chance de recevoir au début du mois une copie de presse du M Club. Merci aux éditions Alire pour l’envoi!
Sans plus vous faire languir, voici notre critique de ce nouveau roman signé Senécal!

Philippe Corriveau et Brandon Cusson, deux écrivains québécois en retraite d’écriture à Berlin, décident de pimenter leur voyage à coups de soirées arrosées et d’expériences uniques. Grand manipulateur, Cusson parvient toujours à convaincre le timide Corriveau de le suivre dans ses aventures. Un soir, les deux hommes reçoivent une invitation pour un « club privé hyper sélect ».

Les seules informations?
Le mot de passe pour entrer dans l’établissement, l’heure de la rencontre et l’adresse.

Poussé par Brandon, Philippe accepte l’invitation et les deux écrivains entrent ainsi dans les méandres d’un club unique au monde, une expérience qui les changera à jamais. 

Peut-on vivre avec tout? Même avec le poids de la vraie culpabilité?

C’est ce qu’on verra…

D’entrée de jeu, je dois reconnaître que Le M Club m’a profondément déçue.
J’attendais tant de ce retour à l’univers de Michelle et Florence, avec l’espoir de découvrir ce que Senécal avait encore à offrir à travers elles. Or, le roman s’enlise rapidement dans des descriptions interminables, souvent accessoires, alourdies par une avalanche de détails dont la pertinence demeure floue. À cela s’ajoute le fait que les deux personnages principaux sont difficilement attachants, et que l’ensemble est ponctué de commentaires qui tombent maladroitement, voire, par moments, complètement à côté de la plaque.

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Je reconnais néanmoins le talent indéniable de conteur de Patrick Senécal. Le récit en soi possède une ossature solide, même si elle se trouve diluée par un trop-plein d’informations. Mais l’auteur, ancien professeur de littérature, gagnerait sans doute à faire évoluer certaines de ses approches au même rythme que la société qui l’entoure. Ce qui pose problème ici, c’est la difficulté de distinguer ce qui relève véritablement des personnages de ce qui semble émaner directement de lui. La frontière est mince, et les maladresses répétées trahissent souvent une opinion qui s’impose là où on ne l’attend pas.

Soyons francs : plusieurs de ces commentaires franchissent parfois une ligne qui n’a plus vraiment sa place dans le paysage littéraire de 2025. Certains passages évoquent des relents d’homophobie, de grossophobie, de transphobie ou encore de misogynie. On pourra peut-être taxer cette interprétation de sensibilité exacerbée, mais je peine à croire qu’on puisse encore justifier ce type de glissements narratifs aujourd’hui.

En décrivant l’ambiance d’un certain bar, l’auteur écrit les lignes suivantes :

Tous les genres, toutes les orientations sexuelles et tous les styles se côtoient joyeusement et de manière naturelle […]

Je suis consciente que, prise isolément, cette citation peut paraître anodine. Pourtant, ce type de commentaire revient à plusieurs reprises dans le roman, et c’est précisément cette accumulation qui m’a interpellée. La remarque en question m’a semblé un peu forcée — j’aimerais d’ailleurs souligner qu’évoquer la marginalité ne suffit pas, en soi, à faire preuve d’inclusivité. Ce qui m’a dérangée, c’est surtout le fait que ces références, souvent stéréotypées, n’enrichissent ni la narration ni la scène dans laquelle elles s’inscrivent. Dès lors, on peut se demander pourquoi introduire cette diversité si elle reste superficielle ou caricaturale. Au fil des pages, ces maladresses laissent transparaître un certain jugement — peut-être involontaire — de la part de l’auteur.

Il reste que les admirateurs de longue date y trouveront leur compte. Les références nombreuses aux œuvres antérieures sont un véritable cadeau pour ceux qui connaissent bien l’univers de Senécal. Je conseille d’ailleurs de revisiter Aliss, Faims, Flots ou Hell.com, car ce sont les passages où ces titres résonnent qui m’ont procuré les moments les plus forts de ma lecture.

[Brandon] a toujours aimé poussé les limites, mais avec le M Club, on n’est plus dans la même ligue; ici, il n’y a même pas de limites à dépasser puisqu’elles ont déjà été repoussées hors du cadre.

Hélas, l’antipathie profonde que suscitent Philippe Corriveau et Brandon Cusson rend l’immersion difficile. Après près de 700 pages passées avec eux, je n’ai jamais réussi à y croire ni à ressentir la moindre empathie. C’est long, très long, quand on ne parvient pas à s’attacher aux protagonistes.

En définitive, Le M Club saura sans doute séduire les lecteurs les plus fidèles, ceux qui apprécient de replonger dans le vaste univers fictionnel que Senécal tisse depuis des décennies. Sur ce plan, le roman en représente peut-être l’un des sommets. Mais pour ceux qui, comme moi, attendent du maître de l’horreur une rigueur littéraire renouvelée, l’expérience risque d’être amère. Cela dit, le mieux reste encore de se faire sa propre idée : Le M Club mérite d’être lu pour être jugé à sa juste valeur.

Et pour les fidèles inconditionnels de l’univers de Senécal, qu’ils se rassurent : l’auteur laisse planer une lueur d’espoir dans ses remerciements, où il glisse cette note finale pleine de promesses :

Pour ceux qui se demandent ce qui s’est passé avec Michelle et Florence entre le roman Flots et celui-ci, sachez que vous aurez vos réponses dans un roman futur, soit le prochain, soit un autre.


Le M Club
Note des lecteurs26 Notes
Pour les fans...
2.5
Note Horreur Québec

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