Jackson YEE

[Critique] « Resurrection » : ce délicieux phénix du cinéma qui s’embrase en nous pour toujours

Depuis le dernier Festival de Cannes, les commentaires dithyrambiques qui entourent le récent film du cinéaste Bi Gan sont pour le moins attrayants. Pour certains, Resurrection est une sorte de rêve éveillé, alors que pour d’autres, il s’agit d’un ovni cinématographique intéressant, mais dont le style l’emporte sur le fond.

Qu’en est-il?

Dans un univers futuriste, les rêves ont été troqués par l’homme au profit de l’immortalité. Certains résistent pourtant à cette tendance, préférant la douleur de la condition humaine, mais deviennent des hors-la-loi. Mademoiselle Hu a pour mission de traquer ces individus, et elle se lance à la poursuite de l’un d’eux qui s’évade dans un monde imaginaire. Ici, le cinéma est un espace accueillant les résistants. Il lui reste cinq rêves avant de s’éteindre.
Resurrection HR

En plus de réaliser ce chef-d’œuvre, Bi Gan en a assuré la scénarisation. Si Resurrection se veut un film exigeant, autant par sa forme que par son contenu, aucune expérience cinématographique aussi spectaculaire ne nous a été présentée cette année.

À travers six différents récits, le spectateur traversera différents petits films. C’est que cette étrange créature qui refuse de se laisser absorber par la vie éternelle, et qui choisit la magie des rêves, camoufle dans sa protubérance dorsale une sorte de kinétoscope, cet antique appareil de visionnage inventé par Edison.

Le long-métrage devient sur-le-champ un saisissant hommage au cinéma et à son histoire, pour ne pas dire sa malléabilité.

Retirer l’imagination à une société, c’est un peu lui retirer l’émerveillement perçu devant un écran, dans une salle sombre. Créé durant la Covid, alors que les salles de cinéma ont réellement connu un risque d’extinction, l’artiste souligne certainement à sa manière sa crainte de voir anéantie cette expérience collective de voir un film sur un grand écran. Il a peut-être aussi souhaité souligner la perte de cadence de qualité du cinéma des dernières années. La salle de cinéma qui fond comme les ailes d’Icare au soleil en dit long sur le sujet.

Mark CHAO Commander

Rappelons-nous toutefois le titre, qui, au-delà de l’anéantissement total, suppose une transformation. Resurrection est presque une oraison funéraire du septième art. La mort y tient une place majeure, certes, et ce n’est pas un hasard si les différents protagonistes sont souvent mis en scène dans des ruines. Il y a pourtant ce constat que la mort n’est pas une fin en soi, et que cet art se laisse modeler comme de l’argile, au fil du temps. Traversant tout d’abord certains échos rappelant Georges Méliès, Louis Feuillade et les frères Lumière, le film va livrer une véritable lettre d’amour à l’expressionnisme allemand.

Le film va butiner, ici et là, à travers les époques cinématographiques et les courants, pour donner sa propre vision d’un siècle de films et d’histoire. Difficile de ne pas y déceler une multitude d’influences. Cela dit, le long-métrage de Bi Gan n’est pas de ceux qui utilisent les hommages, les pastiches ou les références pour colmater un manque de rigueur. Une véritable construction narrative donne chaque fois naissance à des personnages colorés, et les effets de style ne sont pas gratuits.

SHU Qi

La réalisation est en parfaite adéquation avec chacun des segments, et mélange merveilleusement bien le concret, le paradoxe et la mémoire des cinéphiles. À travers ce réservoir de codes cinématographiques en ébullition, le créateur est comme un poisson dans l’eau. Le plan-séquence de plus de trente minutes qu’il offre, rappelant son précédent Long Day’s Journey Into Night, n’est rien de moins qu’hallucinant.

L’acteur Jackson Yee, qui joue dans chacun des segments, démontre sa grande polyvalence. On peine parfois à le reconnaître, et les changements de tons et de styles qu’il démontre forcent l’admiration. Tout aussi remarquable, la magnifique Shu Qi campe avec panache l’agente devant mettre un terme à ses songes.

En conclusion, si vous avez envie d’un rêve éveillé d’une beauté incomparable, et d’une thèse divertissante sur le septième art et sa place dans le monde, courez voir Resurrection. Il s’agit d’un véritable trésor, qui mérite de figurer en haut de la liste des meilleures œuvres de 2025.

RESURRECTION - Official Trailer
Note des lecteurs0 Note
Pour les fans...
de cinéma poétique qui pense la condition humaine
de films historiques et de rêves éveillés
5
Note Horreur Québec

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