DieMyLove Still9 ©MUBI Credit Kimberley French

[Critique] « Die My Love » : une psychose vertigineuse et poétique

Avez-vous déjà ressenti l’envie irrépressible de tout incendier ce qui se trouvait autour de vous?

Lynne Ramsay, la réalisatrice britannique ayant signé le dérangeant We Need to talk About Kevin (2011) ainsi que You Were Never Really Here (2017), nous revient enfin après plusieurs années d’absence. Cette fois-ci, elle s’attaque à l’adaptation du roman d’Ariana Harwicz Die, My Love avec les légendaires Jennifer Lawrence et Robert Pattinson comme tête d’affiche. Produit par nul autre que Martin Scorsese, ce drame psychologique aux visuels transcendants et au narratif décousu vous fera même questionner votre propre clarté d’esprit.

Grace (Lawrence), une écrivaine, et Jackson (Pattinson), un musicien, s'installent dans une vieille maison isolée à la campagne. Le couple, tantôt passionnel, tantôt destructeur, y élèveront leur premier enfant. Au grand désespoir de Jackson, Grace déboulera alors une pente glissante vers la folie.

Passion sauvage, animale

DML Key Artwork GRID EN CA Theatres Now

Entre les murs ornés de papier peint désuet de l’ancienne maison de l’oncle de Jackson, le couple échangent des baisers passionnés sur un fond de musique punk. Ils se chassent, se griffent, se mordent : ils ont une relation que l’on peut déjà qualifier de sauvage, même primitive. Cette fougue partagée semble toutefois s’atténuer à l’arrivée de leur premier enfant.

En traversant les moments triviaux du quotidien, Grace et Jackson n’ont plus la même intimité au plus grand désarroi de la jeune femme, qui ne demande qu’à retrouver cet embrasement. Avec son conjoint au travail toute la journée, elle baigne dans l’ennui et la langueur et rêvasse dans la canicule étouffante de l’été avec son bambin.

Une asphyxie psychique s’empare lentement d’elle. Bâillonnée dans cette vie domestique, isolée dans cette maison délabrée, comme un animal en cage, Grace s’enlise dans un délire ravageur.

DieMyLove Still16 ©MUBI Credit Kimberley French copy

Désobéir

Grace agit sous l’impulsion pure. Elle répond à ses pensées intrusives sans jamais les questionner : lèche la vitre de la porte, rampe dans les herbes hautes comme un félin qui chasse une proie ou se dénude au milieu d’une fête d’enfant pour plonger dans la piscine. On saute alors d’un souvenir à un autre, du passé au présent, en peinant à se situer en tant que spectateur. Les bruits répétés incessants emplissent nos tympans nous sur-stimulent jusqu’à la rage. Tel une expérience immersive, nos sens sont en état d’alerte, comme ceux de Grace.

L’aliénation est traitée différemment de ce qu’on a l’habitude de voir au cinéma. La femme n’entend pas des voix et n’aperçoit pas d’ombres : elle vit une chaos incohérent et agit en ce sens. Jamais on ne nomme définitivement la psychose ou la dépression post-partum, laissant en suspend nos propres théories sur son état, sans jamais lui coller un diagnostique.

Grace est acerbe, même froide avec les autres. Elle ne se montre pas complaisante ou douce pour le bien de l’apparence : elle ne se conforme pas aux attentes sociétales que l’on exige d’une femme ou surtout d’une mère. En quelques sortes, elle désobéit. Ce symbole puissant de déchéance psychotique féminine qui démolit tout sur son passage pour répondre aux désirs de son esprit encagé, est à la fois inspirant, inquiétant et libérateur.

DieMyLove Still1 ©MUBI Credit Kimberley French

Brouillard incongru mais fascinant

Lynne Ramsay réussit avec succès à brouiller la réalité et la chimère, en collant des parcelles d’images les unes après les autres. Ce narratif déconstruit et non linéaire est parfois difficile à suivre, mais si vous vous laissez porter au jeu, il est fort intéressant. On doit noter la sensorialité de l’œuvre, exacerbée par la texture du grain du film 35 mm : les plans ruraux verdoyants en ressortent d’autant plus somptueux.

Jennifer Lawrence est électrisante, vulnérable et captivante, se laissant porter par ce rôle comme nous l’avons rarement vue. Robert Pattinson est tout aussi talentueux, mais dans un autre registre de jeu, plus passif. Ensemble, leur chimie est grisante et crève l’écran de manière non conventionnelle.

Die, My Love est à savourer sans attentes, avec l’esprit ouvert, et se digère lentement après sa consommation. Il s’agit d’un film qui s’insère dans la catégorie arthouse, plus expérimental que conventionnel : il risque de ne pas nécessairement plaire à tout le monde, mais c’est une expérience cinématographique qui en vaut le détour.

DIE MY LOVE | Official Trailer | In Theaters November | With Jennifer Lawrence & Robert Pattinson
Note des lecteurs2 Notes
Pour les fans...
Lynne Ramsay, We Need to Talk About Kevin, A Beautiful Day, Terrence Malick, Julia Ducournau (Titane), ou encore Antichrist de Lars von Trier.
4
Note Horreur Québec

Zeen is a next generation WordPress theme. It’s powerful, beautifully designed and comes with everything you need to engage your visitors and increase conversions.

Abonnez-vous à notre nouvelle infolettre!