[Critique] « Monster – The Ed Gein Story » : une étude délectable de la violence exorcisée par les arts

Depuis sa première saison dédiée à Jeffrey Dahmer, la série Monster polarise et soulève autant de haine que d’engouement. Certains trouvent immoral de faire de l’argent en racontant de réels meurtres, alors que d’autres y voient un objet de curiosité et de documentation, sachant tout de même que la véracité de certains faits est adaptée pour les besoins télévisuels.

Donc Monster : The Ed Gein Story a engendré, depuis l’annonce de sa production, une avalanche de commentaires, puisqu’il s’agit de l’un des psychopathes tellement craints dans la culture populaire qu’on se demande presque parfois si cette peur n’a pas nourri et amplifié le fantasme entourant l’individu.

Un homme renfermé sur lui-même, qui subit les colères d’une mère sévère, bigote et castratrice, devient lentement un tueur en série et un profanateur de tombes à la suite de la mort de celle-ci.

On passe en terrain inconnu avec cette saison, puisque l’on propose une étude théorique sur l’obsession culturelle de la violence, et que l’histoire racontée ne devient qu’un prétexte pour mettre en images certaines idées. L’importance, ici, c’est de tisser des liens entre les origines du mal et les répercussions qu’il a sur la société.

L’histoire de Gein n’est que l’outil pour repenser le cinéma d’horreur et en analyser certaines influences. Ceux qui s’attendent à une série macabre enchaînant les épisodes trash et la violence outrancière risquent de se perdre dans les méandres de ce scénario qui, même s’il est souvent ingénieux, s’élance parfois dans trop de directions en même temps pour nous atteindre comme il le devrait. Il faut admettre que certains revirements et extrapolations alourdissent parfois la trame.

Évidemment, l’ensemble est très romancé et on y invente une multitude de détails pour faire réfléchir le spectateur. On a souvent ce sentiment qu’on tente de raconter le mythe qu’est devenu Ed Gein dans la culture populaire plus que l’homme lui-même. Si plusieurs spectateurs déploreront différents aspects romancés de la vie du psychopathe, impossible de plier l’échine face au génie de l’équipe de Ryan Murphy lorsqu’il s’agit d’évoquer le contrecoup que cet homme a eu sur l’Amérique. Comme nous le savons tous, trois des plus grands classiques du cinéma d’épouvante (Psycho, The Texas Chain Saw Massacre et The Silence of the Lambs) s’inspirent du parcours de Gein.

Difficile d’être du côté des détracteurs qui se décarcassent pour dire qu’on donne trop de lumière à une tragédie à des fins économiques, puisqu’on ne glorifie jamais les gestes du psychopathe — ceux qui l’adulent sont aussi dérangés que lui.

En revanche, combien de crimes ont été commis en conséquence de maladies mentales non diagnostiquées ?

Le scénario réussit à aborder la schizophrénie de ce meurtrier avec une certaine habileté, puisqu’on place le spectateur dans l’inconnu avec lui, et qu’on tisse volontairement certains recoins du récit de manière plus confuse.

La mise en scène est très percutante, malgré certains détails incongrus qu’on a laissé s’infiltrer. En ce sens, le corps musclé et épilé de l’acteur suffit à amuser.

Puisque la véracité est au second plan, à quoi bon s’y attarder ?

À la manière d’Anthony Perkins qui a risqué énormément en endossant le rôle d’un meurtrier dans Psycho, l’acteur Charlie Hunnam (Queer as Folk, Sons of Anarchy) parie gros en se glissant dans la peau de celui qu’on a surnommé “le boucher de Plainfield”. Il relève néanmoins le défi avec une prestation crédible et glaçante. Dans le rôle de sa mère abusive, Laurie Metcalf illumine l’écran de méchanceté, alors que Vicky Krieps nous épate une fois de plus en endossant les traits de la criminelle de guerre Ilse Koch.

Au final, malgré quelques petits défauts, Monster : The Ed Gein Story reste intéressant d’un bout à l’autre et pose de véritables questions.