Reflet dans un diamant mort est non seulement un diamant brut se démarquant de la cuvée 2025 de Fantasia, mais c’est un film qui restera imprégné longtemps en nous, tellement l’expérience est unique. Il reste à espérer que les salles québécoises lui donnent une chance puisque la splendeur visuelle qui en découle se doit d’être vue sur un écran géant. Personne n’est habitué à une telle plongée en apnée dans le septième art, et il faut vous débarrasser de vos grilles de lecture habituelles pour ne pas manquer d’air.
Écrit et réalisé par le tandem Hélène Cattet et Bruno Forzani (L’Étrange Couleur des larmes de ton corps, Laissez bronzer les cadavres), le long-métrage réussit à utiliser les clichés et les figures du cinéma populaire pour créer une œuvre plus noble, et plus aboutie où ressortent de vraies questions, autant sur la narratologie que sur la vie elle-même.
L’histoire tourne autour d’un espion vieillissant qui, flânant sur la plage de l’hôtel de luxe où il séjourne, revoit ses gloires passées lorsqu’il constate que sa voisine de chambre a disparu.
Comme à son habitude, le duo nous livre un scénario en poupées gigognes, où rien n’est expliqué en mots, mais où les indices nous sont livrés par notre cortex sensoriel qui assimile ce voyage filmique. Pour savourer l’expérience, le spectateur doit se laisser prendre au jeu, et essayer de recoller les morceaux de ce puzzle sans fin, qui réquisitionne une multitude de connaissances. Ce déluge d’images sublimes se déploie devant nos yeux comme un tourbillon de couleurs, où les codes du cinéma de consommation deviendront une forme de langage.
Que raconte réellement Reflet dans un diamant mort ? Possiblement la perte de repères. Le synopsis peut rappeler d’abord celui du chef-d’œuvre Mort à Venise, de Luchino Visconti, où un vieillard malade, au crépuscule de sa vie, reconnaît des épisodes de son passé dans ce qu’il voit au présent. Cependant, on peut aussi y reconnaître les thèmes et les différentes strates narratives de Millennium Actress de Satoshi Kon, ou des motifs du Sunset Boulevard de Billy Wilder. À la manière de ce vieil homme, le spectateur peine à séparer le vrai du faux, et la fiction de la réalité.
Chose certaine, Reflet dans un diamant mort offre un regard humoristique sur l’eurospy, ce sous-genre où l’on tentait d’imiter les aventures de 007 avec les moyens du bord. À travers les aventures de cet espion, les auteurs vont proposer une réflexion et questionner la désuétude de ce sous-genre du récit d’espionnage, autant au cinéma que dans d’autres médiums comme ces bandes dessinées italiennes avec des antihéros savoureux.
On se rappelle que la série Diabolik, pour ne nommer que celle-ci, s’est quand même vendue à plus de 150 millions d’exemplaires, en plus d’avoir été adaptée au cinéma, en émission de radio et en dessins animés. Ce n’est certainement pas un hasard si la criminelle de leur film a un sobriquet similaire. Serpentik cumule les différents visages et possède des gadgets du tonnerre comme son modèle. Cela dit, c’est à travers un élan nostalgique que l’on constate certains changements. Nous sommes à une époque où James Bond peut être vulnérable, amoureux et père de famille.
Auparavant, le récit d’espionnage capitalisait sur le kitsch, un monde dépersonnalisé et des stéréotypes, mais l’imagination qui en découlait débordait de partout, à défaut de toujours avoir du sens.
Tout ceci s’articule merveilleusement puisque la mise en scène experte, et le montage expressif, sont en parfaite adéquation avec le scénario. Des acteurs de talent se prêtent sans difficulté à ce jeu de miroir. Le vétéran Fabio Testi (What Have You Done to Solange?, The Garden of the Finzi-Continis), que l’on connaît autant pour des films d’exploitation que pour des films d’auteur, y est en grande forme.
En conclusion, voilà un film exceptionnel. Ne soyez pas rebuté par sa forme déstabilisante, mais essayez au contraire d’apprivoiser cette dernière.
