VHS style montage exported

Pour quelques remakes de plus…

Après avoir dressé la liste des pires et des meilleurs remakes de films d’horreur, on pourrait être tenté de jeter l’éponge et de conclure que tout remake n’est qu’un pur produit cynique d’un système hollywoodien à court d’idées. Mais ce serait trop simple. Derrière cette multiplication parfois stérile, le remake est aussi un objet de cinéma complexe, révélateur de notre rapport à la mémoire, à l’identité culturelle et à l’industrie du spectacle.

Alors pourquoi tant de remakes? Et pourquoi maintenant?

moi apres avoir vu la liste de remake qui sen viennent
Moi, devant la pelletée de remakes qui s’en viennent.

Une pratique ancienne, devenue stratégie systémique

Contrairement à une idée reçue, le remake n’est pas un phénomène récent. Il est presque aussi vieux que le cinéma lui-même. Dès l’époque du muet, certains films ont été revisités plusieurs fois au cours d’une même décennie. Alfred Hitchcock, par exemple, a signé un remake de son propre film The Man Who Knew Too Much en 1956, plus de 20 ans après sa version originale de 1934.

800px The Man Who Knew Too Much 1934 film
Version 1934
500px The Man Who Knew Too Much 1956 film
Version 1956

Mais ce qui change aujourd’hui, c’est l’ampleur : jamais les studios n’ont autant exploité cette mécanique. L’explosion des remakes depuis les années 2010 s’inscrit dans une logique de gestion de l’IP (intellectual property). Dans un monde saturé de contenus, l’objectif est de capitaliser sur une reconnaissance immédiate : nom, ambiance, visuel.

La chercheuse Marie Martin, dans Cinémas (Érudit, 2015), évoque le « remake secret », qui dépasse la simple redite pour devenir un processus de mutation narrative et esthétique. C’est ce qu’elle observe dans Funny Games U.S. (Michael Haneke, 2007), remake plan par plan de son propre film autrichien de 1997 :

« Il s’agit moins d’une copie que d’une reformulation volontaire dans un autre contexte culturel, pour en tester la réception ».

Moins de risques, plus de contrôle : le rêve du producteur

Un remake, c’est rassurant. Pour un studio, c’est un projet balisé : on connaît le public cible, le ton, la recette. On réduit ainsi le risque créatif. Cela explique pourquoi les remakes s’accumulent en parallèle de suites tardives (Scream V, Doctor Sleep, Top Gun : Maverick, Indiana Jones 5…).

Cette stratégie est résumée dans l’article Reboots and remakes: why is Hollywood stuck on repeat? du Guardian : le remake est une « garantie émotionnelle » et un raccourci marketing. Dans un système dominé par le streaming et les sorties éclatées, il faut créer l’événement — et quoi de plus efficace qu’une marque connue?

svp sortez moi de ce remake
« Pitié! Sortez-moi de ce remake! »

Adapter, c’est aussi traduire : remakes transculturels

Un des cas les plus intéressants est celui du remake par le même réalisateur, notamment dans un contexte transculturel. Le cinéaste japonais Takashi Shimizu a ainsi réalisé Ju-On : The Grudge au Japon, avant de signer lui-même le remake américain (The Grudge, 2004). Le film transpose la malédiction dans un Japon inchangé, mais avec des personnages américains, étrangers à la culture locale. Le choc culturel devient alors l’élément horrifique principal.

Dans son article pour Cinémas (Érudit), Gilles Mouëllic souligne ce phénomène comme une mise en tension entre l’imaginaire collectif occidental et le contexte d’origine : le remake devient alors « un moyen d’exprimer l’altérité comme source de peur ».

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Le regard lancé par Schwarzi à Total Recall (2012) avant de le tabasser.

Le remake comme commentaire ou relecture

Certains remakes vont au-delà de la simple reprise : ils interrogent l’œuvre originale et les conditions de sa réception. C’est le cas du Dracula de Coppola (1992), remake du roman de Stoker et de ses nombreuses incarnations, mêlant baroque visuel, hommage au cinéma expressionniste et lecture romantique de la figure du vampire.

Autre exemple : Halloween de Rob Zombie (2007). Là où Carpenter suggérait, Zombie explicite. Le mal n’est plus une abstraction, mais le fruit d’un environnement toxique. Le remake devient un miroir, retournant le regard sur la société qui l’a vu naître. La forme évolue avec le temps : les codes de l’horreur s’adaptent à l’angoisse contemporaine.

Mémoire, angoisse et répétition : un cinéma du deuil

Dans un article du collectif Marges (OpenEdition), on lit que « le remake fonctionne comme une opération de mémoire traumatique » : il réactive un souvenir en le transformant. C’est le cas dans Doctor Sleep (2019), qui n’est pas tant une suite de The Shining qu’une tentative de réconciliation entre le film de Kubrick et le roman de Stephen King. Le film dialogue avec son passé pour le conjurer — littéralement.

Le critique Denis Mellier va plus loin, décrivant le remake comme un « travail du deuil cinématographique » : une manière pour le cinéma de rejouer ses propres mythes pour ne pas les perdre… ou, au contraire, les neutraliser.

oui allo les autres remake quelquun veut nous abbattre. black christmas
« Allô ! Les autres remakes? Y’a quelqu’un qui parle de nous! »

Conclusion : le remake, symptôme ou remède?

Les remakes ne sont ni tous des chefs-d’œuvre, ni tous des produits cyniques. Ils reflètent une industrie prise entre nostalgie et incertitude, entre répétition rassurante et quête de sens. Le meilleur du remake permet d’ouvrir une œuvre au regard du présent, d’y injecter une conscience politique, sociale ou esthétique nouvelle.

À noter : Après IKWYDLS, Urban Legend est dans la ligne de mire pour un prochain remake.

lancien film qui sapproche purudamment de son remake
I Know What You Did Last Summer (1997) qui s’approche prudemment de son remake…

Mais le pire du remake (et on en a vu quelques-uns) s’apparente à une photocopie floue : une imitation qui ne comprend ni le ton, ni l’âme de son modèle.

Alors non, le remake n’est pas forcément une impasse.
Mais il faut qu’il sache pourquoi il revient d’entre les morts.

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