Présenté en grande première mondiale le 26 juillet au Festival Fantasia, Influencers de Kurtis David Harder reprend là où Influencer (2022) s’était arrêté, en reconduisant le cynisme acéré et le suspense psychologique qui avaient fait le succès du premier opus. Une suite attendue qui confirme l’efficacité de son univers, portée une fois de plus par la magnétique Cassandra Naud dans le rôle de CW, prédatrice 2.0 fascinante et insaisissable.
On avait quitté CW (Cassandra Naud), énigmatique manipulatrice, seule sur une île thaïlandaise pendant que sa dernière proie prenait le large. Deux ans plus tard, la revoici… en apparence apaisée. Dans Influencers, la tueuse s’est construit une nouvelle vie, sous une nouvelle identité : Catherine. Elle vit dans le sud de la France avec Diane (Lisa Delamar), influenceuse bien établie, et toutes deux s’apprêtent à célébrer leur première année de relation dans un élégant château reconverti en Relais & Châteaux. Nouvelle vie, nouvelles règles ?
Derrière les flûtes de champagne et les robes en soie se cachent pourtant les mêmes obsessions de contrôle. Lorsque leur réservation de chambre est rétrogradée pour faire place à Charlotte (Georgina Campbell), influenceuse britannique bruyante et omniprésente, l’équilibre de CW menace de basculer. Charlotte s’impose, s’immisce, accapare l’attention de Diane… et réveille chez CW un vieux réflexe : celui d’effacer ce qui gêne.
Car si CW tente de se réinventer, Madison (Emily Tennant), elle, tente de survivre. Revenant du premier film, l’ex-influenceuse est désormais effacée du web, ostracisée par l’opinion publique et ruinée par une série d’accusations jamais prouvées. Tennant incarne cette version plus dure, plus déterminée de son personnage avec justesse, apportant une tension sourde au récit. Lorsqu’elle voit une opportunité de retrouver CW et de faire éclater la vérité, elle s’y accroche comme à une dernière planche de salut, amorçant une chasse à l’ennemie pleine de faux-semblants.
Harder ne cherche pas à réinventer la formule, mais il en maîtrise les rouages. Influencers avance avec confiance, déployant une tension constante et jouant habilement de son format non-linéaire. Le titre du film, qui n’apparaît qu’après près de trente minutes, agit comme un clin d’œil pour ceux qui se souviennent de la structure du premier. Cette fois, la narration sert moins la surprise que la construction parallèle de deux trajectoires féminines profondément abîmées.
Le décor suit cette dualité : d’un château français à Bali, la photographie de David Schuurman capte ces lieux de carte postale devenus presque anonymes à force d’être exposés. Des espaces luxueux, certes, mais vidés de leur identité, à l’image d’une esthétique Instagram codifiée et standardisée. Le film joue justement avec cette surface séduisante, pour mieux en révéler les angles morts.
Influencers repose sur CW, bien sûr, mais enrichit sa galerie de personnages secondaires. Si l’ajout du duo Jacob (Jonathan Whitesell), un streamer masculiniste opportuniste, et Ariana (Veronica Long), sa compagne influenceuse, détourne brièvement l’attention du duo central, il permet au film d’élargir sa satire. Après avoir visé les figures féminines du branding en ligne, Harder s’attaque ici à la performativité masculine toxique sur les réseaux — ces hommes prêts à tout pour plaire à leur public, même au prix de leur propre discours. Une dérive qui se conclut dans un final aussi absurde que jubilatoire.
Mais ce que l’on attend avant tout, c’est le face-à-face. Et quand CW et Madison se retrouvent enfin, Influencers livre la confrontation attendue : une séquence physique, brutale, cathartique, à la hauteur de la montée dramatique qui l’a précédée. Même si certains effets visuels laissent à désirer, le plaisir du duel est là, servi par deux actrices totalement investies.
Solide sur le plan visuel, bien rythmé et cohérent dans ses choix narratifs, Influencers s’impose comme une suite maîtrisée qui consolide les bases posées par le premier film. En élargissant son univers tout en conservant ses tensions psychologiques, Kurtis David Harder propose un second volet plus ambitieux, qui assume une tonalité plus directe, parfois plus cynique. Le film confirme également l’actualité de son propos : dans un monde régi par l’image, la quête de vérité peine à trouver sa place… mais la vengeance, elle, continue de séduire.
🩸 Distribué par Shudder, Influencers est attendu sur la plateforme plus tard en 2025.
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