Alors que plusieurs vagues d’annonces avaient déjà révélé un aperçu alléchant de sa 29e édition, le Festival international de films Fantasia a tenu toutes ses promesses. Du 16 juillet au 3 août 2025, Montréal a vibré au rythme de plus de 125 longs métrages et 200 courts, issus des cinémas les plus audacieux, provocants et singuliers de la planète. Un marathon cinéphile qui a, encore une fois, fait la part belle au genre sous toutes ses formes.
Cette année encore, l’équipe d’Horreur Québec était sur place pour couvrir l’événement. Nos collaborateurs Jean-François, Jason et Miguel ont arpenté les salles obscures de la Cinémathèque, du J.A. DeSève et du Théâtre Hall pour vous livrer leurs impressions, leurs surprises et leurs films coups de poing. Retour sur quelques-uns des titres qui ont marqué leur parcours.
Du diamant au chaos : la sélection de Jean-François
Pour sa neuvième année de couverture du Festival Fantasia, Jean-François Croteau n’a pas ménagé ses rétines : 51 longs métrages visionnés en un peu moins de trois semaines. S’il admet que cette cuvée 2025 lui a paru un tantinet faible, sans doute tributaire de la production actuelle et orpheline de la regrettée section Camera Lucida, il en retient néanmoins quelques œuvres marquantes — dont une qu’il érige sans détour au sommet de sa sélection personnelle.
1 – Reflet dans un diamant mort – Hélène Cattet et Bruno Forzani
« C’est, selon moi, la Palme d’or de cette cuvée 2025 de Fantasia. » — Jean-François Croteau
C’est le coup de cœur incontesté de Jean-François cette année. Véritable déflagration visuelle signée par le duo Cattet et Forzani, Reflet dans un diamant mort séduit par son effervescence formelle, sa manière déstructurée d’aborder la narration, et ses multiples hommages cinéphiles. Un film qu’il qualifie tout simplement de « parfait ».
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2 – Eddington – Ari Aster
Sur la deuxième marche du podium, Jean-François place le très attendu Eddington d’Ari Aster. Une œuvre grave et saisissante, qui brosse selon lui « un portrait de l’Amérique désinformée, où les conflits dominent et où rien ne semble bien aller ». Le film frappe fort, d’autant plus que la fiction n’est jamais loin du réel. Il salue une réalisation maîtrisée de bout en bout, ainsi que le jeu remarquable de tous les interprètes.
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3 – Together – Michael Shanks
En troisième position : Together, une œuvre aussi originale que touchante. Jean-François a été séduit par cette histoire qui interroge la dépendance affective, la peur de l’engagement et la signification même de l’amour. Une proposition singulière, portée par une vision sensible et intelligente, qui lui a laissé une forte impression.
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Le réel en crise, la fiction en feu : la sélection de Jason
S’il n’a pas vu autant de films que ses collègues, Jason Paré a pleinement profité de l’édition 2025 — même s’il regrette de ne pas avoir eu plus de temps pour fouiller les bacs de blu-rays chez Arrow et Vinegar Syndrome. Son top 3 reflète une affection assumée pour les œuvres à la fois politiques, déjantées et inventives, où la critique sociale côtoie le grand spectacle, et où l’humour noir n’est jamais bien loin.
1 – Eddington – Ari Aster
« Le portrait qu’il fait de l’Amérique actuelle est très juste — et pourrait, à bien des égards, s’appliquer à notre propre société. » — Jason Paré
Contre toute attente, c’est Eddington qui décroche la première place du podium. Jason, habituellement critique envers le cinéma d’Ari Aster, se laisse convaincre cette fois-ci par un portrait d’Amérique déroutant mais juste, qui fait écho à nos propres dérives collectives. Lorsque le réel devient relatif, il n’est plus possible de comprendre l’autre ni de construire un projet commun. Le film évoque, par sa tension et son propos, l’esprit d’Assassination Nation de Sam Levinson, œuvre mésestimée mais prophétique. Une claque.
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2 – Redux Redux – Frères McManus
Du multivers, des poursuites de chars, des fusillades, un tueur en série… Redux Redux déborde d’action et de références, jusqu’à rivaliser avec les meilleures séries B de science-fiction chères à Cameron ou Carpenter. Certes, quelques maladresses subsistent, mais l’expérience se vit comme un tour de manège en pleine fête foraine : il fait chaud, il y a trop de monde, mais une fois bien attaché, le plaisir est total.
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3 – Terrestrial – Steve Pink
Connue pour son humour potache (Hot Tub Time Machine), la signature de Steve Pink surprend ici avec Terrestrial, une comédie noire savoureuse, quelque part entre Shallow Grave et Barton Fink. Jason salue en particulier la performance de Jermaine Fowler, brillant en jeune écrivain de science-fiction dépassé par la réalité. Une œuvre inattendue, aussi grinçante qu’intelligente.
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Entre fatigue et fulgurances : la sélection de Miguel
Nous avions cette année le privilège de compter un membre du jury parmi notre équipe : Miguel de Plante, qui, en toute objectivité, nous partage ici ses coups de cœur personnels.
Après avoir enchaîné 40 longs métrages et 28 courts en quelques semaines, Miguel sort de cette édition 2025 le cerveau en compote et l’esprit dans un flou perpétuel. Cette année l’a charmé par ses découvertes inattendues, souvent venues de films dont il n’attendait rien, mais qui l’ont impressionné par leur forme singulière ou leur audace narrative.
S’il aurait aimé mentionner bien plus d’œuvres, il a choisi trois titres qui, sans être parfaits, osent quelque chose de différent et de profondément unique.
1- It Ends – Alexandre Ullom
« C’est surtout le scénario qui tire son épingle du jeu. » — Miguel de Plante
Premier long-métrage d’Alexandre Ullom, It Ends explore le concept de boucle temporelle avec des moyens modestes mais une créativité foisonnante. Miguel a été particulièrement frappé par l’horreur existentialiste qui se dégage du récit, portée par une distribution convaincante et une mise en scène efficace. Mais c’est surtout le scénario inventif qui fait toute la force de cette œuvre atypique.
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2 – Buffet Infinity – Simon Glassman
L’horreur réside dans les petites choses du quotidien, et Buffet Infinity en fait la démonstration avec un concept tout à fait unique.
Le film est construit sous la forme d’une série d’annonces télévisées et d’infopubs présentant les commerces d’une petite communauté.
À mesure que les publicités se répètent et évoluent, on comprend l’atmosphère lourde et mystérieuse qui s’incruste peu à peu dans la ville.
Le mystère entoure principalement le restaurant Buffet Infinity, qui dissimule plusieurs éléments perturbants dans ses annonces, et semble agir de manière agressive envers la concurrence.
Le film souffre de quelques défauts, notamment un troisième acte un peu trop long, mais la force de son concept amène une créativité narrative qui se démarque largement des autres œuvres de cette édition.
Grâce à l’horreur cosmique et analogique, on navigue entre rire gras et malaise profond en découvrant cette communauté tourmentée à travers ses propres publicités.
3 – The School Duel – Todd Wiseman Jr.
Dans un futur alternatif dangereusement proche de la réalité, le gouvernement américain tente de résoudre la problématique des fusillades scolaires avec une solution radicale : autoriser le port d’armes dès l’âge de 13 ans. C’est dans cette société où la violence est plus banalisée que jamais que se déploie The School Duel.
Le film suit Samuel (Kue Lawrence), adolescent reclus à la vie difficile, recruté pour représenter son district dans une émission télévisée nationale, où une vingtaine d’enfants s’affrontent à mort, armés de fusils, sous l’œil de l’armée et des plateformes de diffusion.
Dans ce scénario où dystopie brutale et critique sociale féroce rencontrent Battle Royale, le réalisateur ne recule devant rien pour montrer l’horreur d’une violence devenue spectacle.
Le film est dur, inconfortable, pose des choix esthétiques tranchés, et offre une finale polarisante qui ne plaira pas à toustes.
Mais son souci de provocation alimente une réflexion profonde sur la dérive spectaculaire de la violence dans l’Amérique contemporaine.
C’est pour cette raison que The School Duel, malgré sa brutalité, se classe parmi mes coups de cœur du festival.
Les petits bonus de Solenne / Court-métrages
Itty Bitty Betty – Laura Buchanan
Si je partage l’enthousiasme de mes collègues pour certains longs incontournables de cette édition, difficile de ne pas saluer Eddington ou Reflet dans un diamant mort, j’ai choisi de mettre en lumière un court-métrage qui m’a particulièrement touchée. Un petit bijou d’originalité, de sensibilité et de maîtrise formelle qui mérite qu’on s’y attarde. Également lauréat du troisième prix MELS.
Par peur du rejet, Betty vit recluse dans une réalité miniature qu’elle a façonnée elle-même, allant jusqu’à entretenir une relation amoureuse avec l’une de ses figurines. Mais lorsqu’elle croise une femme bien réelle, un dilemme se pose : prolonger l’illusion réconfortante ou prendre le risque d’une véritable connexion humaine, fragile mais sincère.
Ce court-métrage séduit autant par l’originalité de son récit que par sa direction photo soignée et sa direction artistique minutieuse, au service d’une fable queer aussi étrange que touchante.
Une belle surprise de cette édition, à la fois tendre, audacieuse et parfaitement maîtrisée.
Barlebas – Malu Janssen
Au cœur des Pays-Bas du Sud, vers 1595, une femme est observée, jugée, redoutée : Heylken, incarnée par la chanteuse Pitou Nicolaes, sent le poids du soupçon peser sur elle — celui d’être une sorcière.
Tirant sa force d’un mélange saisissant entre drame historique, horreur folklorique et musique envoûtante, Barlebas explore avec intensité la persécution des femmes à l’époque des chasses aux sorcières.
Signée par la réalisatrice Malu Janssen (Stuff), l’œuvre brille par sa puissance émotionnelle, sa beauté formelle et son engagement féministe assumé.
Gagnant de quatre prix sur le circuit international, le film s’impose comme une ode vibrante au courage des femmes réduites au silence, et se positionne avec justesse en tête d’affiche du programme Born of Woman cette année.
Également, il a été élu meilleur court-métrage international au Festival Fantasia.
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