Avant que le true crime ne s’installe dans les balados et les séries documentaires, le Québec avait Allô Police. Pendant plus de cinquante ans, l’hebdomadaire a raconté les crimes, les enquêtes et les drames qui ont façonné l’imaginaire collectif. Ses pages, souvent sensationnalistes, mais toujours vibrantes, ont immortalisé une époque où la peur et la fascination allaient de pair.
Avec La filière Allô Police : Les vedettes du crime au Québec, publié aux Éditions de l’Homme, Annie Richard, Jean-Philippe Rousseau et Karine Perron revisitent ce pan entier de notre culture médiatique à travers les archives du journal et les figures marquantes qui l’ont peuplé.
Faire revivre l’univers d’Allô Police et ses figures mythiques
![[Littérature] « La filière Allô Police » : quand le crime forgeait les légendes du Québec 13 La filiere Allo Police](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/11/La-filiere-Allo-Police-427x450.jpeg)
Tout commence avec une découverte improbable : des dizaines de classeurs remplis de journaux, de photos et de négatifs oubliés, entreposés sur la Rive-Sud.
En 2019, Karine Perron, recherchiste audiovisuelle et fille d’un ancien policier, fait l’acquisition du fonds complet d’Allô Police. Ce trésor de mémoire, qu’elle décrit comme « un voyage au cœur de notre inconscient collectif », devient le socle d’un projet éditorial d’envergure.
Avec Annie Richard et Jean-Philippe Rousseau, elle transforme ces archives en un livre qui conjugue rigueur, analyse et émotion.
À travers plus de 200 pages, le trio d’auteurs ressuscite une galerie de figures inoubliables : Jacques Mesrine, le braqueur mégalomane; Richard Blass, dit “Le Chat”, tueur insaisissable; Monique “La Mitraille” Proietti, voleuse au charme explosif; Lucien Rivard, l’évadé légendaire; Victor “Pretty Boy” Lévesque, Jean-Paul Mercier, Marie-Andrée Leclerc, Frank Cotroni, Joe Di Maulo et Maurice “Mom” Boucher.
Autant de noms qui ont fait les manchettes et qui, encore aujourd’hui, cristallisent un mélange d’horreur et de fascination.
![[Littérature] « La filière Allô Police » : quand le crime forgeait les légendes du Québec 15 Les multiples visages de Jacques Mesrine Les Editions de lHomme](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/11/Les-multiples-visages-de-Jacques-Mesrine-Les-Editions-de-lHomme-750x446.jpeg)
Ces criminels ont marqué leur temps, mais le livre montre surtout comment Allô Police a contribué à les ériger en légendes. Et à travers cette théâtralisation du crime, c’est toute une société que l’on observe — un Québec en pleine modernisation, tiraillé entre l’autorité religieuse et la soif d’émancipation.
Les auteurs replacent ainsi Allô Police dans un contexte historique : celui d’un Québec en plein bouleversement, où la violence urbaine, la corruption et la criminalité organisée devenaient le reflet d’une société en transformation.
![[Littérature] « La filière Allô Police » : quand le crime forgeait les légendes du Québec 17 Monica 22la mitraille22 Proietti Editions de lHomme Editions de lHomme](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/11/Monica-22la-mitraille22-Proietti-Editions-de-lHomme-Editions-de-lHomme-340x450.jpeg)
Souvent qualifié de “feuille de chou”, Allô Police fut pourtant bien plus que cela. Derrière les unes racoleuses et les récits dramatiques, il y avait un véritable travail journalistique : reporters sur le terrain, contacts privilégiés avec les commissariats, clichés pris sur le vif, reconstitutions minutieuses.
Dans un Québec encore corseté par la morale catholique, cette presse populaire représentait une forme de liberté, celle de montrer la réalité telle qu’elle était, sans fard et sans peur du scandale.
Le livre rend justice à cette dimension oubliée. Il ne s’agit pas simplement de feuilleter le passé, mais de comprendre comment une culture du fait divers s’est construite, comment elle a façonné notre regard collectif sur la criminalité, la justice et la transgression. À travers ses centaines de photos inédites, La filière Allô Police agit comme une loupe sur notre propre rapport à la violence médiatisée.
Et la question, subtilement posée, résonne : en quoi nos séries documentaires, nos fils d’actualité et nos vidéos virales d’aujourd’hui diffèrent-ils, au fond, des pages d’Allô Police ?
Le voyeurisme collectif n’a pas disparu, il a simplement changé de format.
Ce premier tome ne clôt rien : il ouvre au contraire une vaste entreprise de mémoire. Quatre autres volumes suivront, chacun explorant une facette du Québec à travers le prisme du crime : les grandes tragédies collectives, les organisations criminelles, les acteurs du système judiciaire et les faits divers les plus insolites.
La filière Allô Police : Les vedettes du crime au Québec est un hommage vibrant à une presse longtemps méprisée, mais profondément ancrée dans le réel. En ressuscitant les voix oubliées d’un journal controversé, Richard, Rousseau et Perron redonnent au fait divers sa vraie place : celle d’un témoin, brut et fascinant, de notre humanité.
Nous remercions chaleureusement Les Éditions de l’Homme pour l’envoi de l’exemplaire à notre rédaction, et recommandons vivement cette lecture, à offrir en tout temps, ou à glisser sous le sapin durant la période des Fêtes.

![[Littérature] « La filière Allô Police » : quand le crime forgeait les légendes du Québec 12 La filiere Allo Police](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/11/La-filiere-Allo-Police-1155x770.jpeg)


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