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[Fierté] Les vampires lesbiennes de Jean Rollin : érotisme et poésie

Récemment, Solenne vous a parlé de Jean Rollin dans son article Baisers de sang : quand les vampires réveillent le désir au cinéma et pour ma part, je vous ai expliqué pourquoi les vampires sont omniprésents dans la représentation de la communauté queer à l’écran.

Pourquoi ne pas relier ces deux thématiques et vous faire (re)découvrir ce mythique cinéaste français, ce poète aux vampires lesbiennes? Quelques références ici et là ne suffisaient pas à vous exposer le génie de Rollin!

Qui est Jean Rollin?

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Cinéaste français né en novembre 1938, Jean Rollin nous a légué une filmographie des plus riches, où l’on se balance entre l’onirisme et l’érotisme. Rollin a créé un bagage non négligeable dans l’histoire de la figure du vampire. En fait, il réinvente le récit de vampires, il en fait quelque chose de romantique, de dérangeant, et de profondément queer.
Avec de fortes inspirations du surréalisme français, Rollin nous présente des vampires lesbiennes pures, vierges et innocentes, mais aussi des personnages féminins aux dents acérées et au caractère fort.
Les œuvres de Jean Rollin détonnent, choquent et surtout, font jaser. Ce sont de vrais petits bijoux du cinéma de genre!

Le lesbianisme chez Rollin?

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Avec Jean Rollin, on peut se questionner sur la raison et l’impact du lesbianisme omniprésent dans ses films. Est-ce par désir de redonner du pouvoir aux femmes à l’écran, en les faisant incarner une créature comme le vampire? Ou à l’inverse, est-ce une manière d’assouvir un pouvoir et un contrôle sur la femme, de la soumettre à plus fort et plus grand qu’elle?
Est-ce plutôt une énorme misogynie accompagnée d’un fantasme trop présent de représenter et d’hypersexualiser le corps de la femme? Étrangement, je pense qu’aucune réponse ne peut être donnée clairement.
En fait, ça dépend vraiment de l’angle de vue que l’on adopte pour analyser les films de Rollin. Jusqu’à quel point est-on prêt à être critique envers une œuvre?
Si vous avez lu plusieurs de mes articles, vous commencez à me connaître…
Poser un regard critique est loin de me déranger.
Attachez votre tuque, on part pour une méchante ride dans l’univers éclaté de Jean Rollin!

La question du regard

Eh oui, on ne s’en sort pas… Le male gaze est littéralement partout dans notre société. Il est omniprésent, mais son intensité et son impact varient selon les époques, les individus, les cultures, l’actualité, la politique, et bien évidemment, selon le lieu.
Dans le cas de Jean Rollin, homme blanc, cis, français, réalisant des œuvres dans les années 1970 et 1980, il va de soi que son regard est profondément influencé par une certaine misogynie ambiante.

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Fascination de Jean Rollin (1979)

Ses personnages de vampires lesbiennes naviguent dans un état de représentation flou, entre innocence érotique (provenant très probablement de son obsession pour la pureté et la virginité) et puissance féminine affirmée.
Les femmes représentées par la caméra de Rollin me font tour à tour jubiler par leur ingéniosité (avec Fascination, par exemple), puis découragent profondément mon cœur de féministe (avec certaines séquences de Requiem pour un vampire).
On est toujours dans une position inconfortable en tant que spectateur, toujours près de la position du voyeur; on assiste à la découverte presque gamine de la puissance sexuelle de jeunes femmes.
C’est déstabilisant, dérangeant, et un sentiment d’illégalité nous prend aux tripes.
Sommes-nous supposés voir ces scènes?
On nous renvoie constamment à notre propre voyeurisme, nous confrontant à notre curiosité malsaine.

Pornographie ou érotisme?

Bien que les œuvres du cinéaste soient confrontantes et déstabilisantes, il ne tombe jamais dans la pornographie.
Oui, on voit des corps de femmes nues (peut-être un peu trop, venant d’un homme… je vous l’ai dit, on ne se sort pas du male gaze…), on voit des corps s’entremêler, se toucher, se désirer, mais jamais ce n’est grossier, ni même vulgaire.
Avec Rollin, on est dans l’érotisme, dans le désir sensuel et passionnel de l’autre. Après tout, le désir fait partie intégrante de la figure du vampire.
Dans cette tendresse partagée avec le spectateur, Rollin crée malgré lui un espace sécuritaire, où tout est possible, où il est permis d’exister dans son entièreté.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, bien que Rollin mette en scène de séduisantes vampires, le sang est très peu présent à l’écran. La violence n’existe pas, ou plutôt, elle est transformée en sensualité, en charge sexuelle puissante.

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Le frisson des vampires de Jean Jollin (1971)

Un cinéma ambigu

Vous l’aurez compris : je suis mitigée quant au cinéma de ce cinéaste français.
Je dois dire que j’ai adoré visionner ses films. La facture visuelle est singulière, on se laisse porter par la trame narrative, peu importe où elle nous mène. Les personnages sont originaux, uniques et parfois choquants.
Bref, le cinéma de Jean Rollin a tout pour me plaire par son étrangeté et son excentricité.
Cependant, je n’arrive toujours pas à me positionner sur la représentation des femmes dans son œuvre.

Créant à la fois un espace de découverte et d’exploration de soi, Rollin hypersexualise et objectifie pourtant fortement la femme.
Et pourtant, il crée aussi un précédent dans la place accordée aux personnages queer au cinéma.
Dire que l’interprétation de son cinéma est ambiguë est un euphémisme.

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La vampire nue de Jean Rollin (1970)

En guise de conclusion…

Bien que l’interprétation de l’œuvre de Jean Rollin demeure confuse, ses films doivent être découverts, vus, et discutés.
En terminant, je tiens à vous recommander deux petits bijoux disponibles sur Shudder : Requiem pour un vampire et Fascination.

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