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[Critique] Glitterbomb et Babyteeth: le mal qui vient de l’intérieur

Tous deux d’origine américaine, les comics Glitterbom et Babyteeth ont également le point commun d’être racontés du point de vue d’un personnage féminin qui ne se cantonne pas au rôle de pauvre victime, mais qui choisit plutôt de faire face à ses agresseurs et de contre-attaquer, quelques fois brutalement. Voici donc deux propositions de BD récentes flirtant avec l’horreur qui font habilement écho à l’actualité.


Glitterbomb: The Fame Game

GlitterbombVol2 cvrÉcrite par Jim Zub et dessinée par le jeune prodige montréalais Djibril Morissette-Phan, la série Glitterbomb – publiée chez Image – risque de plaire aux amateurs d’horreur et de polar. Se déroulant à Hollywood, l’histoire proposée par cette BD (dont le premier numéro est paru en septembre 2016) se révèle franchement d’actualité lorsqu’on pense à l’affaire Weinstein et aux autres dénonciations/allégations qui ont éclaté par la suite.

Farrah Durante est une actrice début quarantaine qui ne parvient plus à décrocher un rôle conséquent malgré un succès télé dans une série de science-fiction lorsqu’elle était plus jeune. Mère monoparentale, sa situation provoque une frustration si forte que cette dernière se manifeste un jour sous une forme monstrueuse et meurtrière (et très lovecraftienne).

Récit de vengeance, Glitterbomb aborde des thèmes profondément troublants, mais les traite avec une sincérité et une justesse qui forcent l’admiration. Si la première mini-série de quatre numéros (Red Carpet) se consacrait au calvaire vécu par Farrah, la deuxième intitulée The Fame Game se concentre plutôt sur Kaydon. Témoin privilégiée des terribles événements dépeints dans la première partie puisqu’elle était la gardienne du petit garçon de Farrah, Kaydon devient la personne que tous les médias s’arrachent afin d’avoir l’exclusivité d’une première entrevue. Au départ flattée par toute cette attention, Kaydon devient rapidement elle-même victime du mal qui affligeait Farrah.

Zub parvient à nous proposer une histoire tout aussi captivante que la première et Morissette illustre encore une fois celle-ci d’une main de maître. Comme il est écrit dans le résumé au dos du premier volume: «l’industrie du divertissement se nourrit de notre insécurité, de nos désirs et de nos peurs. Tu ne peux pas jouer avec ce genre d’émotions primaires sans que ceux-ci décident un jour de rendre les coups» (traduction libre).

Le volume 2 de Glitterbomb sera disponible en librairie le 28 février prochain.


Babyteeth

YPA2JAT38V0 1513288109672. SX1280 QL80 TTDLe film de Roman Polanski Rosemary’s Baby fête peut-être ses cinquante ans cette année, ce n’est pas ce qui empêche Donny Cates et Garry Brown de nous proposer avec Babyteeth une BD mettant en vedette une jeune mère de 16 ans qui a enfanté l’Antéchrist, rien de moins.

Né dans la douleur et pendant un tremblement de terre (qui – oh coïncidence – a débuté et pris fin au même moment que l’accouchement), le petit Clark – baptisé ainsi en l’honneur de Superman – a à peine quelques semaines que déjà des tueurs sont envoyés à ses trousses par une organisation ultrasecrète nommée «The Silhouette». Souhaitant empêcher la fin du monde, le conseil derrière cette organisation est déterminé à éliminer ce bambin qui préfère le sang au lait maternel (ce qui explique le choix du titre).

Ce qui est intéressant avec cette histoire, c’est qu’elle nous est racontée du point de vue de la mère qui, malgré l’origine clairement maléfique de Clark, cherche par tous les moyens avec l’aide de son père et de sa sœur à défendre la vie de l’enfant-démon. On se croirait dans une espèce de Terminator inversé où l’élu n’est plus le sauveur de l’humanité, mais plutôt son destructeur. Le co-créateur et scénariste de la BD, Donny Cates, qui est aussi l’auteur de l’excellente série Redneck mettant en vedette des vampires texans, est toujours aussi efficace dans sa narration et parvient encore une fois à habilement détourner les clichés du genre.

Du côté des dessins, la violence du trait de Garry Brown parvient à inculquer au lecteur un sentiment d’angoisse et donne une étrange impression d’immédiateté, comme si les illustrations avaient été tracées dans l’urgence, un peu à l’image des décisions prises par les personnages qui sont entraînés malgré eux dans un cauchemar surréaliste.

Le premier volume réunissant les cinq premiers numéros de cette série publiée chez Aftershock est disponible en librairie depuis le 19 décembre.


En terminant, soulignons que les Prix des libraires du Québec ont dévoilé les finalistes dans la catégorie de la bande-dessinée québécoise. Nous sommes très heureux d’y retrouver deux de nos coups de cœur de l’année 2017: Titan de François Vigneault et le premier tome de L’Esprit du camp de Michel Falardeau et Cab. Jetez-y un œil, ça vaut carrément le détour!

Horreur Québec