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[Fierté] Revenir aux sources avec « Dracula’s Daughter » : aux origines du vampirisme lesbien au cinéma

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Le Mois de la Fierté est terminé, mais cette chronique se poursuivra encore pendant quelques semaines — le temps de déterrer quelques films qui méritent qu’on s’y attarde.

Au cours des dernières semaines, on vous a parlé de vampires et d’érotisme de mille et une façons : que ce soit avec Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch, avec Jean Rollin et ses vampires lesbiennes, ou tout simplement en vous exposant le lien entre cette créature et l’érotisme. J’ai eu envie de continuer dans cette lignée et de vous amener avec moi dans un retour aux sources du lesbianisme vampirique ! Plongez donc avec moi dans cette critique hebdomadaire : cette semaine, l’on se penche sur la suite de Dracula (1931), Dracula’s Daughter de Lambert Hillyer, sorti en 1936. On y trouve la première trace cinématographique de cette trope de la vampire lesbienne.

Dans ce long-métrage, l’on suit Marya Zaleska (Gloria Holden), une jeune comtesse de Transylvanie requérant l’aide d’un psychiatre pour tenter de guérir de son affliction… celle d’être une vampire. Ses problèmes semblent tous venir de la même source : son père.

Le code Hays

Motion Picture Production Code

Avant d’aller plus loin, je me dois de faire une mise en contexte théorique. Dans mon dernier retour aux sources, je vous ai rapidement mentionné le code Hays. Eh bien, dans le cas de Dracula’s Daughter, le code Hays n’est plus qu’une simple ombre planant sur Hollywood : il est à présent une réalité avec laquelle doivent jongler les cinéastes de l’époque.

Pendant plus de 30 ans, le code Hays imposera une énorme censure sur les productions hollywoodiennes. Adopté en 1930, il entre véritablement en vigueur à partir de 1934, et perdurera jusqu’en 1968.

Le code Hays régit et censure, entre autres, les rapprochements intimes et toutes les références liées à ceux-ci. Naît alors à l’écran une multitude de métaphores visuelles, encore présentes dans le portrait cinématographique actuel. L’on n’a qu’à penser à la fameuse image du train qui entre dans un tunnel — eh oui, cette image devenue humoristique avec le temps est bel et bien apparue sous le joug du code Hays.

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En quoi le code Hays nous importe-t-il aujourd’hui dans notre analyse queer de Dracula’s Daughter ? Eh bien, même si le film marque la naissance de la trope de la vampire lesbienne, il est rempli de métaphores, notamment visuelles. Ne vous attendez donc pas à un film explicite dans son érotisme vampirique, mais gardez l’esprit ouvert et sachez lire entre les lignes de ce grand film : vous verrez qu’il est muni d’une tension sexuelle assez puissante pour le contexte de l’époque.

Queer coding

Évidemment, Dracula’s Daughter ne se présente pas comme un film queer — pour l’époque, ce n’était tout simplement pas possible. Cependant, c’est avec du recul et un regard contemporain que l’on peut en arriver à cette lecture. En effet, de nombreux aspects, ne pouvant être explicites en raison des mœurs de l’époque et de la censure imposée par le code Hays, sont queer codés dans le film de Hillyer.

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À commencer par l’aspect physique de Marya. Sans renier une certaine féminité, il n’en demeure pas moins qu’elle est plutôt masculinisé dans son style vestimentaire, particulièrement si l’on compare avec les autres personnages du long-métrage. La contesse n’en a que faire des robes pales et ajustée au buste. Elle préfère les coulours foncés, les vêtements plus amples et surtout, des vêtements dans lesquels les mouvements sont plus aisés. Nous ramenant donc à un certain cliché de la lesbienne un peu butch.

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À l’époque, les créatures et les monstres étaient souvent utilisés pour représenter la marge. Dans le cas de Marya, elle ne dévoile pas sa monstruosité avant un long moment dans l’œuvre. On pourrait associer la scène de morsure de Janet à une sorte de « coming out » pour Marya. Particulièrement si l’on se rapporte au symbolisme de la morsure chez le vampire : cette morsure, transgressive, effrayante, modifie et unit deux corps — ici, deux corps féminins. Elle peut facilement être perçue comme un acte de chair sensuel et passionné initié par Marya.

La destruction de la figure paternelle

Pour Marya, le seul moyen d’échapper à sa malédiction est de détruire le corps de son père. Du moins, c’est ce qu’elle pense. Dans cette destruction de la figure paternelle, on peut aisément voir une tentative d’anéantissement du patriarcat. En étant queer — simplement par notre existence — on remet la norme en question : on refuse l’hétéronormativité et la société patriarcale. En anéantissant le corps de son défunt père, Marya pose exactement ce geste de rébellion et de refus de la norme. En ce sens, oui, Dracula’s Daughter est un film queer.

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En bref, je vous recommande vivement ce petit film ! Sa trame narrative envoûtante, ses personnages colorés et ses décors immersifs vous entraîneront dans un univers des plus sombres.

Dracula's Daughter (1936) Official Trailer #1 - Halliwell Hobbes Movie
Dracula's Daughter est disponible sur:

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