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[Cinémathèque Québécoise] « Only Lovers Left Alive » : un rendez-vous à ne pas manquer!

Il semblerait que la Cinémathèque québécoise se soit laissée charmer par de persuasifs vampires. En juin, elle présente non seulement un cycle consacré à Mario Bava, en cours depuis le 16 juin et jusqu’au 30 juin prochain — l’occasion idéale de (re)découvrir La Planète des vampires, dont nous explorons les racines dans notre article : aux origines du space opera horrifique, mais aussi un cycle dédié à Jim Jarmusch, entamé le 3 juin et se poursuivant également jusqu’au 30 juin. J’en profite donc pour vous inviter à aller voir Only Lovers Left Alive, qui sera projeté à la Cinémathèque le 28 juin prochain!

Adam (Tom Hiddleston), un musicien — vampire qui plus est — profondément déprimé, est enfin réuni avec Eve (Tilda Swinton), la femme qu’il aime et qu’il a épousée plusieurs siècles auparavant. Ensemble, ils mènent une existence monotone, bercée par un amour intense. Leur idylle passionnée est brusquement interrompue par un acte impulsif de la sœur d’Eve. Quelles seront les conséquences de cette erreur égoïste sur la vie bien réglée d’Adam et Eve ?
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J’ai envie de vous offrir un article à mi-chemin entre la simple recommandation et l’analyse. Après tout, il est presque impossible de regarder une œuvre de Jarmusch sans ressentir le besoin d’en décortiquer chaque millimètre carré.

Ici, on part à la rencontre d’un couple hautement civilisé, pour qui la bienséance et les bonnes manières sont fondamentales. En tant que créatures de la nuit, on pourrait s’attendre à tout le contraire. On pourrait penser qu’Adam et Eve sont désabusés par leur réclusion, que le fait de vivre dans l’ombre et loin des contacts humains les a déshumanisés. Pourtant, on ne pourrait pas être plus dans l’erreur. Malgré leurs allures à la fois hippies et bourgeoises, Adam et Eve sont profondément humains. Vampires depuis des siècles, ils n’ont rien perdu de leur sensibilité — peut-être seulement un peu de leur envie de vivre.

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D’ailleurs, la déprime d’Adam, sa mélancolie lancinante, le rendent d’autant plus attachant. On éprouve une empathie immédiate pour ce musicien morose. Avant même de comprendre l’univers du film, de savoir comment il s’approvisionne en sang ou qu’il aime une femme depuis des centaines d’années, on nous le présente comme un homme accablé, épuisé par la société dans laquelle il évolue. Avant même de le découvrir civilisé et bienveillant, on s’attache à lui par sa douleur. Jarmusch prouve ici, selon moi, tout son talent pour véhiculer des émotions universelles avec une grande subtilité.

Avec Only Lovers Left Alive, Jim Jarmusch orchestre une rencontre saisissante entre l’antique et le moderne. Que ce soit dans l’ambivalence des valeurs (et du look) d’Adam et Eve — à la fois frivoles et réfléchis, bohèmes et bourgeois —, ou dans la symbolique de leurs noms (Adam et Eve, rien de moins), ou encore dans le contraste frappant entre la vie éternelle et le désir de mourir (Adam fait même fabriquer une balle en bois pour mettre fin à ses jours, se disant désespéré par l’humanité qu’il surnomme « les zombies »). Sans oublier que le couple consomme du sang humain… mais de façon ultra éthique. Le film est une ode à l’ambivalence, et le résultat est à couper le souffle. On se délecte d’une œuvre éclectique dans sa direction artistique et dans ses symboliques.

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Entre sensualité et passion, Adam et Eve ne perdent jamais leur élégance. La consommation de sang, à la fois éthique et sacrée, s’effectue dans une petite coupe, et provoque un extase quasi orgasmique. Ce sont d’ailleurs parmi les scènes où Eve apparaît la plus puissante. Elle est fierce : loin du cliché de la femme fatale, elle incarne une femme confiante, maîtresse d’elle-même, consciente de ses capacités et de son pouvoir de séduction. Dans le film de Jarmusch, Eve est sans conteste un modèle de personnage féministe. Elle tient la barre, elle sait ce qu’elle vaut, et personne — pas même sa sœur — ne viendra ébranler la stabilité qu’elle s’est construite.

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En regardant ce grand film, je vous invite à porter une attention particulière à la place de la musique dans le cinéma de Jarmusch. Certes, Adam est musicien, mais la musique dans Only Lovers Left Alive va bien au-delà de sa simple caractérisation : elle renforce l’ambivalence et le contraste évoqués plus tôt, elle crée un espace-temps universel, presque impossible à situer. Grâce à elle, on traverse les époques, on se laisse porter entre le classique et le contemporain, à l’image même de l’œuvre dans son ensemble.

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Sur le site de la cinémathèque, l’on peut lire la description suivante à propos de leur cycle Jim Jarmusch, esprit décalé :

Il y a longtemps que nous voulions faire une rétrospective de Jim Jarmusch. Au fil du temps, son cinéma, qui a d’abord accompagné le no-wave new-yorkais et une forme très branchée et esthète de l’underground américain, s’est déplacé sur des terrains extravagants. Western sous acide (Dead Man), film de samouraï en plein New York (Ghost Dog: The Way of the Samurai), film de vampires désabusés (Only Lovers Left Alive), entre diverses déambulations et cavales en tous genres (Down by LawNight on EarthThe Limits of Control)… Puis, un chef d’œuvre des récentes années, Paterson.

Je termine en vous rappelant que Only Lovers Left Alive sera projeté le 28 juin prochain à la Cinémathèque québécoise. Un rendez-vous à ne pas manquer !

Only Lovers Left Alive | Official Trailer HD (2013)
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4
Note Horreur Québec

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