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[Fierté] Zombie et queer-coding : et si Warm Bodies nous parlait d’autre chose?

Je suis née au début des années 2000. Autant dire que j’ai grandi avec VRAK.tv, entre Une grenade avec ça?, Méchant Changement et Il était une fois dans le trouble. À travers ce doux chaos télévisuel, il y avait aussi ces films traduits un peu trop librement qui passaient plusieurs fois par semaine, quelque part entre l’heure du lunch et la fin de l’après-midi. En zappant, je suis donc souvent tombée sur Zombie malgré lui. Oui, oui, je parle bien de Warm Bodies (sauf que c’est le titre en français) de Jonathan Levine (50/50, Long Shot), sorti en 2013, mais sous son titre français.

Puisque c’est le mois de la Fierté, j’ai envie de vous proposer un regard queer, et vous montrer à quel point les références peuvent aller loin quand on choisit vraiment de les voir.

R (Nicholas Hoult), un zombie attachant et mélancolique, sauve Julie (Teresa Palmer), une jeune survivante en quête de normalité dans un monde postapocalyptique. Contre toute attente, une connexion profonde s’établit entre eux, donnant naissance à une relation singulière. Ce qui suit? Une histoire d’amour improbable qui redonne à R son humanité... petit à petit.
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Warm Bodies n’est pas un chef-d’œuvre, mais c’est un film doux, étrange et sincère. Une parenthèse de 1h40 qui fait du bien. Et sous ses airs de comédie romantico-zombiesque, il offre aussi matière à réfléchir autrement.

Une lecture queer, c’est quoi?

L’analyse queer ne consiste pas seulement à pointer des personnages ouvertement LGBTQ+. Elle invite à repérer ce qui, dans une œuvre, évoque des codes, des symboles, des dynamiques qui résonnent avec les expériences queer. Le queer-coding, c’est cette idée que certains éléments d’un récit, comportements, rapports au corps, esthétiques ou trajectoires identitaires, peuvent être lus à travers une lentille queer, même s’ils ne sont pas explicitement nommés comme tels.

Dans la culture queer, le corps a toujours été un outil puissant : d’expression, de résistance, de transformation. Apprendre à l’habiter différemment, à l’affirmer malgré les normes, à le revendiquer comme espace de réinvention, c’est au cœur de l’expérience queer. Et c’est exactement ce que vit R dans Warm Bodies.

Le corps monstrueux et la réappropriation

Dans la culture populaire, le corps queer a souvent été représenté comme monstrueux. On n’a qu’à penser à Psycho d’Hitchcock ou à cette longue tradition de vampires queer-codés, figures ambivalentes et marginales (mais ça, j’y reviendrai dans un autre article!). Sans être un personnage queer à proprement parler, R, le protagoniste de Warm Bodies, traverse pourtant un parcours qui en partage plusieurs caractéristiques.

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Au début du film, R est prisonnier de son propre corps. Il erre dans un aéroport, incapable de parler, limité à des gestes mécaniques. Il est, littéralement, un être sans voix, coincé dans une forme de mutisme et d’immobilisme. Mais tout change lorsqu’il rencontre Julie. Ce lien inattendu déclenche chez lui un réveil progressif : des souvenirs refont surface, une émotion naît, un désir émerge, et avec eux, une transformation physique s’amorce. R devient peu à peu plus humain, plus expressif, plus vivant.

Certes, cette métamorphose est provoquée par une romance hétéro, un peu cliché. Mais elle n’en est pas moins signifiante. Ce que vit R, c’est une libération, un lent processus de réappropriation de soi. Son corps, d’abord perçu comme monstrueux, redevient le sien. Et ce récit-là, fait d’émancipation et de reconstruction identitaire à travers le regard de l’autre, trouve un écho fort dans de nombreux parcours queer.

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Et si cette transformation physique, douce et organique, représentait en filigrane le chemin que bien des personnes queer empruntent pour se réconcilier avec leur corps, la sortie de l’invisibilité ou du rejet, et l’affirmation d’une identité longtemps marginalisée?

Ce n’est pas l’amour hétéro qui « sauve » R. C’est le contact humain. Le regard, la parole, le lien. Et là encore, le parallèle est saisissant : dans les communautés queer, l’importance des liens choisis, de l’entraide, du soutien mutuel est cruciale. On se construit ensemble, on apprend à survivre et à s’épanouir dans des refuges collectifs, souvent en marge du monde normatif.

C’est ce que font, à leur manière, R et Julie : ils bâtissent un entre-deux, un espace à eux. Un endroit où la transformation devient possible.

En guise de conclusion

Avec cet article, j’ai simplement voulu vous montrer comment on peut poser un regard queer sur une œuvre qui, à première vue, ne l’est pas. Une lecture queer ne transforme pas un film en œuvre LGBTQ+, elle propose plutôt une autre manière d’interpréter les symboles, les corps, les trajectoires. C’est une façon d’interroger notre rapport à l’art… et au monde.

Warm Bodies n’est pas un film queer, mais il contient certains éléments, notamment autour du corps, de la transformation et de la réappropriation de soi, qui résonnent avec des expériences issues de la communauté.

J’espère vous avoir donné envie de (re)découvrir ce film aussi étrange que charmant. Et surtout, n’oubliez pas : quand on regarde avec un peu d’attention, les symboliques peuvent aller bien plus loin qu’on le croit.

Pour vous rafraîchir la mémoire, je vous laisse avec la bande-annonce de Warm Bodies!

Warm Bodies Official Trailer #1 (2013) - Zombie Movie HD

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