[Littérature] Nexxx: extrême, mais avec une âme

Nexxx est le genre de roman qui nous prouve que si on ne navigue jamais au-delà des éditeurs québécois célébrés dans le genre — que nous adorons — on risque de passer à côté de plusieurs bonnes choses. Et si le mythe de Faust devenait réalité et se voyait adapté à la modernité qu’on connaît? Voilà le point de départ de ce troisième roman de Cédrick Bruyère, dont la parution modeste en octobre dernier aurait mérité plus de bruit.

La vie de Debbie, une jeune femme en chute libre, se voit subitement transformée lorsqu’elle se trouve un emploi chez un commerçant d’âmes. Au début réticente face aux enjeux de ce nouveau travail, la femme devient vite très habile pour recueillir les émanations de ses clients. 

Là où le thème usé de l’individu vendant son âme au diable contre un service aurait pu devenir redondant, l’auteur a l’ingéniosité de changer le point de vue habituel en nous faisant suivre le parcours de celle qui les achète. C’est comme si on récrivait le mythe de Faust en faisant de Méphisto le personnage central de l’intrigue. Il en résulte une sorte de fable satirique qui jongle diaboliquement avec les concepts de bien et de mal. Nexxx questionne aussi la place du châtiment et de l’impact de la violence. Sommes-nous vraiment à l’abri de devenir un prédateur?

Par ailleurs, Cédrick Bruyère épaissit l’ensemble de son histoire avec une galerie de personnages secondaires mystérieux, drôles et intéressants, qu’on aimerait retrouver dans des textes ultérieurs. Au niveau du style, l’ensemble coagule facilement sous nos yeux grâce aux chapitres courts et l’abondance de dialogues. Là où certain·e·s pourraient dénoncer l’abondance gratuite de violence et de sexe, nous y avons trouvé notre compte.

Au final, Nexxx est un excellent roman qui vaut amplement son modeste coût d’achat et qui donne envie de découvrir les autres textes du jeune auteur à surveiller.