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Dissection pour collectionneurs: The Devil’s Backbone de The Criterion Collection

Le film
Les suppléments
Le transfert
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5
Note Horreur Québec

Suite à la mort de son père, un jeune garçon se voit confié à un orphelinat catholique, employant un homme à tout faire inquiétant, où il recevra vite la visite d’un esprit tourmenté.

Invité au dernier Festival Fantasia, le légendaire Guillermo del Toro a mentionné qu’un cinéaste en herbe qui déciderait de regarder la totalité de la collection Criterion, avec les extras, pourrait se passer de formation académique en cinéma. Ce pourrait être, selon lui, un excellent moyen d’économiser pour un premier long-métrage. Si on se fie au cours théorique qu’il livre sur son commentaire audio, il y a certes plusieurs leçons à retenir.

Bénéficiant du soutien de la maison de production El Deseo, appartenant à Pedro et Augustin Almodovar, Guillermo del Toro signe un film tout à fait exemplaire. Mélangeant l’intensité de la guerre civile en Espagne à une histoire de fantôme, le réalisateur donne au film un relief inattendu. De scène en scène, les surprises s’additionnent avec une candeur perturbante. Comme plusieurs de ses œuvres ultérieures, The Devil’s Backbone s’insère aisément dans un courant que le cinéaste appelle la romance gothique, c’est-à-dire inspiré de la littérature gothique anglo-saxonne. Selon del Toro, le gothique est, en quelque sorte, une permutation du conte de fées et cela se voit dans son long-métrage, qui ressemble à un conte macabre. Formant une sorte de trilogie symbolique avec Pan’s Labyrinth et le récent Crimson Peaks, The Devil’s Backbone s’inspire de plusieurs arts, tout en restant spécifique. Ici, l’action se déroule dans un orphelinat isolé (dans Crimson Peaks ce sera un manoir). Un étranger insécure arrive sur des lieux inquiétants et y fera de funestes découvertes. Le schéma concorde avec celui de récits de la même trempe que Rebecca de Daphnée du Maurier ou même Jayne Eyre de Charlotte Brontë.

Cependant, la manière avec laquelle le réalisateur endosse une série de thèmes secondaires, sans délaisser sa trame principale, nous happe complètement. Qu’il traite de la guerre, de fascisme, d’une famine inévitable, de la peur de l’invasion, d’appât du gain ou de fantôme, son récit ne vacille jamais. Le scénario, très bien écrit, nous bombarde d’observations psychologiques fines et de données historiques intéressantes. Ses images ont ce pouvoir de nous ancrer dans le destin assez troublant de ses jeunes personnages et le portrait étoffé qu’il dresse du vilain donne un ton si réaliste à son histoire, que la dose d’horreur n’en est que plus inébranlable. La tendresse avec laquelle il dépeint son fantôme, ressemblant à une frêle poupée de porcelaine cassée, fera fondre les plus solides. On parle d’échine du diable, cette maladie qui cause une déformation de la colonne, en démontrant des fœtus morts dans des bocaux. La tradition voulait que ces nouveaux-nés soient la conséquence d’une aberration et illustrent une certaine forme de malédiction. Ils étaient non désirés et leur état était forcément une pénitence pour les parents. On peut facilement y voir un peu les orphelins du film. Ces enfants sont détruits avant leur naissance, par le milieu défavorisé duquel ils proviennent. Ils ne sont les enfants de personne et naissent dans une tragédie qu’ils n’ont pas créée, comme le mentionne del Toro lui-même. La métaphore est d’autant plus puissante si on s’aperçoit que le diagnostic premier de ces enfants malformés ciblait une malnutrition de la mère, dû à la pauvreté.

devilcriterion 1La qualité de l’image de ce Criterion, restaurée en 2K, est tout simplement irréprochable. Le transfert en HD est d’ailleurs approuvé par Guillermo del Toro et son directeur photo Guillermo Navarro. Comment ne le serait-il pas? Revoir le film à travers ce disque équivaut presque à voir un nouveau film. Les couleurs baroques et certains détails sont beaucoup plus démarqués. Il devient donc impossible de ne pas penser au Suspiria d’Argento, lorsque l’on voit une ombre derrière le rideau, ou même aux plus excessifs des films de Mario Bava sur le plan visuel. Sur la piste audio, le metteur en scène dit qu’il s’agit de son Mario Bava-Western.

Cette mouture offre une seule bande sonore, proposant la version espagnole du film en DTS-HD Master Audio 5.1. Le travail sur le son est également phénoménal. Certains pourraient reprocher l’absence de version anglaise ou française, mais ce serait un moindre manque contre tous les avantages de cette édition. Qui plus est, les dialogues ont plus de mordant dans leur langue d’origine et selon les experts, les sous-titres anglais représentent une bonne adaptation de ce qui est dialogué. Par ailleurs, nous avons droit à une piste commentaire du cinéaste des plus captivantes. C’est que le monsieur ne sait pas raconter qu’à travers un médium filmique. Ses anecdotes et ses inspirations sont excessivement instructives et peuvent servir de véritable fondement pour quiconque souhaiterait se plonger vers la découverte d’œuvres gothiques, autant filmiques que littéraires.

Si Criterion nous recycle une introduction de del Toro qui date de 2010 et un making off du film paru en 2004, nous avons droit à plusieurs nouveaux documents sur la conception du film. On nous propose aussi quatre scènes coupées, avec commentaires du réalisateur. Les passionnés d’histoire auront la chance de savourer un entretien avec l’historien Sebastiaan Faber qui nous explique le contexte socio-historique dans lequel s’imprègne le film. Comme à son habitude, Criterion offre un essai papier sur le film, composé cette fois par le critique Mark Kermode.

Honnêtement, ce Blu-ray vaut amplement son coût d’achat. Non seulement le film y est unique, mais il n’a jamais été présenté d’aussi belle façon.

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