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[Critique] « I Saw the TV Glow » : quand l’écran vous regarde aussi

Pour toute une génération, l’écran de télévision à tube cathodique et son image granuleuse sont un grand vecteur de nostalgie. Il évoque des souvenirs de samedis matins où l’on est bercés par les dessins animés, de congés scolaires impromptus dus à un rhume ou à une grippe et de cassettes VHS de plus en plus usées par le temps et les multiples visionnements. Pour Jane Schoenbrun (We’re All Going to the World’s Fair), la réalisatrice de I Saw the TV Glow (J’ai vu la télé briller), cet écran représente aussi un grand sentiment de solitude, d’isolement, de malaise et d’étrangeté. C’est un portail vers d’autres mondes, dans lesquels on peut se plonger au risque de se perdre dans les méandres infinis de ses ondes magnétiques…

Deux adolescents marginaux se lient d'amitié grâce à une étrange série télévisée qui devient leur obsession. Lorsque celle-ci est subitement annulée, la frontière entre la réalité et la fiction commence peu à peu à disparaître...
I saw the tv glow

À la fois film d’horreur analogique et de réflexion profonde sur la nostalgie, la solitude, le passage du temps, l’adolescence et, surtout, le désir d’évasion, de fuir les problèmes et les inquiétudes de notre monde, I Saw the TV Glow est complexe à aborder. En 1996, Owen (Justice Smith, dans son premier vrai grand rôle au cinéma) est un adolescent solitaire vivant le deuil récent de sa mère, morte d’un cancer, et avec un père froid et émotionnellement déconnecté. De son côté, Maddie (Brigette Lundy-Paine), un peu plus âgée qu’Owen, tente d’accepter son homosexualité dans un foyer abusif. Les deux personnages se rejoignent dans le confort fictif de The Pink Opaque, une série télévisée dans laquelle deux jeunes découvrent qu’un lien psychique les unit et où ils doivent affronter monstres et autres créatures paranormales semaine après semaine. Le film explore donc la relation que le duo entretient avec la série et leur façon respective de réagir à son annulation après un épisode en cliffhanger. Alors qu’Owen reprendra le cours normal de sa vie, Maddie refusera cette absence de conclusion définitive pour la série, l’entraînant dans un chemin plus sombre et tragique. Là est la question que le film pose : vaut-il mieux vivre dans une réalité qui ne nous plaît pas ou dans une fiction qu’on a choisie?

Malgré toutes ses thématiques, I Saw the TV Glow réussit l’exploit de ne jamais s’y perdre, ni d’oublier sa nature horrifique. C’est un film lent, voire peut-être un peu trop long, où l’horreur s’immisce petit à petit dans la vie de ses personnages, ainsi que dans l’esprit du public. Cette horreur, plus subtile et existentielle, explore le subconscient et des peurs plus abstraites, comme celle du temps qui passe trop vite ou celle d’avoir le sentiment de gaspiller sa vie. Dans cette optique, le film de Schoenbrun est l’un des plus terrifiants jamais réalisés tant et aussi longtemps qu’on accepte de se laisser happer par son univers atypique et son atmosphère lynchienne.

tv glow trailer

Bien sûr, l’horreur du film ne passe pas uniquement par ses thématiques, qui sont grandement aidées par la mise en scène de la réalisatrice. L’utilisation de couleurs froides, en accord avec de longs plans contemplatifs et une bande sonore surréaliste, crée un sentiment de malaise constant et une étrange sensation de nostalgie pour des souvenirs effacés. Esthétiquement, I Saw the TV Glow est aussi très référencé. Les séquences dans le monde réel s’inspirent énormément du cinéma de David Lynch, tandis que les extraits de The Pink Opaque puisent dans les images uniques et intemporelles de la télévision des années 90 comme The X-Files ou Buffy the Vampire Slayer. Cependant, le tout reste unique et possède une identité visuelle qui lui est propre.

Malgré son troisième acte trop expéditif, I Saw the TV Glow est un excellent long métrage qui réussit à vous immerger dans son univers et qui offre de réels moments d’effroi, tout en traitant ses thématiques et ses personnages avec profondeur. C’est le genre d’œuvre qui passera l’épreuve du temps et deviendra culte dans le futur.

Note des lecteurs2 Notes
Pour les fans...
de cinéma atmosphérique
d'horreur analogique
de David Lynch
4.5
Note Horreur Québec
Horreur Québec