Révélé en première mondiale au SXSW, Sweetness marque les débuts remarqués d’Emma Higgins derrière la caméra. Avec ce premier long métrage, la réalisatrice canadienne signe un drame psychologique trouble, croisant le récit initiatique adolescent et les codes du thriller, où l’obsession glisse insidieusement vers la perte de contrôle.
Rylee (Kate Hallet, bouleversante dans Women Talking) est une lycéenne marginalisée, endeuillée par la mort de sa mère, et en conflit larvé avec son père Ron (Justin Chatwin, Another Life), policier et désormais en couple avec une autre femme. Dans cet environnement émotionnellement étouffant, Rylee trouve un exutoire inattendu : la pop lumineuse du chanteur suédois Payton (Herman Tømmeraas, Ragnarok), leader du groupe Floorplan. Avec sa meilleure amie Sid (Aya Furukawa, The Fall of the House of Usher), elle assiste fébrilement à son concert, bien décidée à vivre, l’espace d’un soir, une parenthèse enchantée.

Mais la magie du moment s’effondre brutalement. En sortant du stade, Rylee est percutée par une voiture : au volant, Payton lui-même, visiblement en état d’ébriété malgré ses engagements publics envers la sobriété. Paniqué, le chanteur tente d’étouffer l’incident. Rylee, au lieu d’alerter la police, choisit de le couvrir… et de l’emmener chez elle. Dès lors, une dynamique perverse se met en place : persuadée de pouvoir l’aider à se « reconstruire », elle l’attache avec les menottes de son père et entame une improbable cure de désintoxication.
Ce qui s’annonçait comme une échappatoire vire progressivement au huis clos dérangeant. Rylee, à mesure qu’elle tente de sauver son idole, sombre elle-même dans une spirale faite de pulsions, de solitude et de décisions irréversibles.
Higgins orchestre cette descente avec finesse, tissant un récit trouble et haletant, où l’adolescence devient le théâtre de tensions morales et affectives inextricables.
Porté par la performance tout en nuance de Kate Hallet, Sweetness interroge notre rapport aux figures publiques, à la douleur, et à cette ligne ténue entre soin et domination. Autour d’elle, Amanda Brugel (The Handmaid’s Tale) et Steven Ogg (Dark Match) incarnent des figures parentales inquiétantes, amplifiant la sensation d’isolement de l’héroïne. Sweetness en fait une vérité crue, incarnée et saisissante.
Il ne faut jamais rencontrer ses idoles, dit l’adage.
En projection au Festival Fantasia les 18 et 22 juillet