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Tales of the Uncanny: Kier-La Janisse et David Gregory dévoilent leurs anthologies d’horreur préférées

C’est à l’occasion de la tournée virtuelle canadienne de Tales of the Uncanny qu’Horreur Québec s’est entretenu avec deux de ses créateurs: Kier-La Janisse (Lost Girls, Yuletide Terror), productrice, et David Gregory (Blood & Flesh, Lost Soul), producteur et réalisateur.

Le documentaire explore en profondeur l’amour que nous, fanatiques, avons pour le cinema d’anthologie. Faisant quelques crochets par le petit écran, c’est à travers une exploration historique, mais aussi une pléthore de cinéastes et spécialistes que le film estampillé Severin Films procède à l’érection du palmarès des meilleures anthologies de l’horreur.

C’est bien entendu via Zoom que Kier-la Janisse et David Gregory se sont livrés sur leur collaboration et leur amour de ces collections de courtes histoires macabres.


talesofuncannyHorreur Québec: Kier-La, tu as tendance à observer l’horreur à travers la spectre de l’étude «académique» tandis que toi David, tu portes avec toi une impressionnante filmographie de documentaires et suppléments de DVD/Blu-Ray. Vous vous trouvez donc tous les deux à étudier, expliquer et montrer au monde ce que l’horreur est et pourrait être. Pouvez-vous nous dire comment vous vous êtes retrouvés à explorer le genre de cette manière?

Kier-La Jannise: En ce qui me concerne, j’ai commencé à écrire sur l’horreur à travers des fanzines. J’achetais des bootlegs et des cassettes à des compagnies comme European Trash Cinema. La plupart des trucs que je regardais étaient des films que je savais que mes amis n’avaient pas vus et auxquels ils n’avait pas facilement accès. C’est donc un peu comme ça que j’ai commencé à écrire sur le cinéma. Je voulais simplement partager mon avis et ce que je savais de ces films rares que je regardais. Ça a un peu évolué vers l’écriture professionnelle, mais entre-temps je suis allée à l’université quelques années. Bien que je n’aie jamais vraiment apprécié la façon dont certains académiciens écrivent – j’entends par là, la structure de leurs travaux – j’admirais beaucoup le niveau de recherche qui leur était nécessaire. C’est ce qui me motivais dans mon cursus: l’idée de retrouver des sources primaires, fouiller dans des archives, faire toutes les recherches adéquates. Mon approche a toujours été: «Va plus loin! Va plus loin!». Et lorsque j’ai rencontré David, j’ai réalisé qu’il avait une façon de faire similaire à la mienne lorsque nous travaillions ensemble sur des films.

David Gregory: J’ai commencé avec ma boîte d’édition vidéo en Angleterre dans les années 1990. J’ajoutais des entrevues à la fin des VHS que l’on faisait parce que j’ai toujours trouvé qu’il n’existait pas assez d’entrevues filmées ou de documentaires sur la création de films d’horreur. On en trouvait sur le making of de Star Wars, mais rarement sur le cinéma d’horreur de séries B. Nous autres, fans de films d’horreur, nous aimons lire sur le sujet dans des fanzines, qui eux comportent des entrevues avec les cinéastes. Pour moi, la suite logique de tout ça était donc d’ajouter des entrevues de personnes impliquées dans un film à la fin d’une cassette de celui-ci – comme sur celle de Deranged, Children Shouldn’t Play With Dead Things, The Child, etc..

KLJ: J’avais ta cassette de The Child!

DG: Qui avait une entrevue avec Harry H. Novack [N.D.L.R.: producteur exécutif de The Child] à la fin!

KLJ: Je l’ai acheté à Carl – le co-fondateur de Severin Films, avec David – qui se promenait autrefois dans tout un tas de festivals avec une grosse boîte pleine de VHS comme un itinérant…

DG: [Rires] Effectivement! Et il le fait toujours!

KLJ: C’était ce gars étrange avec sa grosse boîte de cassettes rares. Je fouillais dedans et lui en achetais quelques-unes.

DG: Tout ça a mené à réaliser le long métrage documentaire / making of Texas Chain Saw Massacre: The Shocking Truth J’avais rencontré Gunnar Hansen lors d’une entrevue qu’il m’avait accordée. Il était toujours en contact avec tout un tas de gens qui avaient travaillé sur The Texas Chain Saw Massacre. J’ai alors pris l’avion pour les États-Unis avec un ami qui avait une caméra vidéo pour les rencontrer. Ce documentaire a rencontré un certain succès, ce qui a amené Bill Lustig, le réalisateur de Maniac, à me demander de le rejoindre pour travailler sur des éditions spéciales de DVD pour Anchor Bay. Je suis devenu le gars qui filmait toutes les featurettes, puis ça a un peu donné le ton pour le reste de ma carrière.

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Kier-La Janisse, productrice et hôtesse de Tales of the Uncanny

HQ: C’est tout de même une façon très cool de rentrer dans ce business très particulier: travailler au contact direct des gens impliqués dans les films qui nous fascinent.

DG: Oui, je suis très chanceux! J’ai eu très rapidement l’opportunité de rencontrer certains de mes héros tels que Dario Argento, Jess Franco et ce genre de cinéastes. Et ils étaient heureux de participer à ce travail puisque leurs films étaient restaurés et présentés de façon qu’ils n’avaient jusque là jamais connu. Ils étaient alors très enthousiastes, les premières années du moins, à l’idée de parler de leurs films qui n’avaient connu aucun traitement de qualité, et certainement pas sur le territoire américain.

HQ: Et comment avez-vous chacun débuté votre travail pour Severin Films?

DG: J’ai lancé Severin Films après avoir travaillé avec Bill Lustig. Moi et mon associé Carl Daft, qui vit toujours en Angleterre, avons décidé de fonder en 2006 notre propre compagnie lorsque Bill Lustig ralentissait la cadence sur l’obtention de droits de distribution aux Etats-Unis.

KLJ: J’ai commencé a travailler pour Severin en 2017 comme monteuse à temps partiel. J’ai ensuite déménagé aux États-Unis une année ou deux après ça; ce qui m’a permis de travailler plus régulièrement pour eux. Aujourd’hui je continue à faire du montage, mais je produis aussi un certain nombre de featurettes. Il m’arrive donc souvent d’être la personne qui organise les entrevues et qui travaille de près avec les monteur.e.s.

DG: Et elle arrive souvent avec des idées de projets pour les disques que nous produisons. Il y a une équipe qui discute tout ce qui va se retrouver en bout de ligne sur notre planification de sorties. Kier-La est une des personnes qui propose ce qui devrait se trouver sur tel ou tel disque. Je ne fais qu’approuver [rires].

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HQ: Parlons maintenant un peu plus de ce qui nous intéresse aujourd’hui: votre documentaire Tales of the Uncanny. Quelle est votre propre rapport à l’anthologie d’horreur?

the theatre bizarreDG: Ce projet spécifique était à l’origine un supplément pour une anthologie que nous avons produit, The Theatre Bizarre. Nous avons planifié une édition spéciale et ce bonus devait s’y trouver. Ça devait être une collection d’entrevues avec quelques historiens discutant d’anthologies d’horreur. Lorsque la COVID est apparue, nous avons changé de cap pour nous retrouver avec des entrevues Zoom et de plus en plus d’intervenants.

Pour ce qui est de ma relation personnelle avec les anthologie d’horreur… Ça remonte à un des premiers films que j’ai vu au cinéma: The Monster Club; un film que j’adore toujours autant et qui m’a profondément marqué. Un des premiers films que j’ai vu tard le soir sur la BBC était Beyond the Grave, l’anthologie d’Amicus. Donc le format de l’anthologie est quelque chose qui est gravé sur ma vision de l’horreur.

KLJ: C’est amusant que tu le mentionnes puisque pour moi aussi The Monster Club est un grand favori. Je ne l’ai cependant jamais vu dans ma jeunesse. Je suis tombé dessus bien plus tard. Ceci dit, étant enfant, j’ai été marquée par la version TV de Dead of Night, celle de Dan Curtis; ou encore Trilogy of Terror… Des trucs que j’ai essentiellement vus à la télévision. Nous avions aussi des Saturday Matinees avec des films de monstre là où je vivais; des postes de Detroit diffusaient des films d’horreur dans l’après-midi. Il y avait donc certainement des anthologies Amicus qui y jouaient.

C’est quelque chose qu’on a beaucoup abordé dans notre documentaire: l’impact de ces anthologies lorsqu’on est plus jeune et comment cela renvoie à cette idée de raconter des histoires qui font peur, comme c’est le cas autour d’un feu de camp. Ce sont des choses que l’on apprend à faire lorsqu’on est enfant, c’est une façon singulière de raconter une histoire. Lorsqu’on grandit, les anthologies d’horreur sont une manière de faire perdurer cette tradition. Il est donc naturel que des fans de cinema d’horreur gravitent vers ce format particulier de film.

HQ: Une des principales difficultés dans la réalisation d’un documentaire est évidement l’étape du montage, celle où l’on doit faire converser ensembles tous les éléments filmés et choisir un angle. Pouvez-vous nous parler un peu de celui sur lequel vous vous êtes arrêtés?

DG: Nous avions au départ une rough cut ne comprenant qu’une entrevue avec David Del Vall, un historien spécialiste de l’horreur. Nous nous sommes rendus compte que ça ne suffisait pas à couvrir tout ce que nous voulions aborder. Kier-La est alors arrivée dans le projet et a contacté Mick Garris, Bruce Hallenbeck, Amanda Reyes et Jovanka Vuckovic. Tout cela a été filmé dans un studio. Nous voulions encore quelques entrevues supplémentaires mais lorsque nous sommes entrés en confinement, nous avons décidé de le faire par Zoom. Nous avons alors établi une sorte de wishlist des gens avec qui nous aimerions discuter via Internet. À partir de là, nous avons réalisé qu’un grand nombre de nos intervenants nous parlaient de leurs anthologies préférées, de leurs segments ou de leurs épisodes favoris. C’est là que nous avons pris la décision d’orienter nos question autour de ce constat. Finalement, ça s’est transformé en une sorte de sondage. Et donc plus nous recevions de réponses et plus nous partagions celles-ci, plus nous voulions ajouter de personnes à notre liste afin de la rendre la plus exhaustive possible.

KLJ: Nous avions aussi un super monteur, Michael Capone. Il a transformé cette série d’entretiens Zoom en quelque chose de captivant et vraiment rythmé.

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HQ: Effectivement! La finale de votre documentaire, sous forme de Top 5 des anthologies d’horreur est particulièrement originale.

DG: Ce ne serait pas mon Top 5 personnel, mais c’était justement l’objectif de notre documentaire. Nous voulions vraiment compiler l’avis de tout un tas de gens.

HQ: C’est parfait puisqu’Horreur Québec serait bien curieux de savoir quels sont vos anthologies préférées.

DG: J’aime beaucoup The Uncanny, The Monster Club, et Two Evil Eyes… Ils sont probablement mes préfé… Oh! Et l’original Tales from the Crypt!

KLJ: Pour moi c’est probablement Black Sabbath et The Monster Club… Il est certain que Tales from the Crypt 2 est excellent. Chaque segment est parfait, c’est indéniable. Beaucoup d’intervenants que nous avons interrogés avaient chacun un segment favori. Mais pour moi, The Drop of Water dans Black Sabbath de Mario Bava demeure vraiment important… C’est réellement le pinacle artistique de ce que l’on peut trouver dans une anthologie. tandis que The Monster Club reste attaché a un sentiment de nostalgie réconfortante qu’un film peut procurer.

HQ: Pour revenir un peu sur la construction de votre documentaire, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le travail de recherche et d’accumulation d’archives, affiches, extraits, etc.?

DG: C’est quelque chose sur laquelle Mike Capon et Jamie Lockhart ont travaillé. Nous avons donné à ce dernier une liste de films que nous voulions illustrer dans le documentaire. Il devait alors tenter de sourcer leurs bandes-annonces et essayer de savoir si elles étaient disponibles sur des Blu-rays en haute qualité. Ça ainsi que les affiches de ces films, des lobby cards et n’importe quel matériel promotionnel. Nous avons trouvé beaucoup de choses, en particulier en ce qui concerne les films Amicus.

HQ: Est-ce qu’il reste des choses que vous n’êtes pas parvenu à trouver?

DG: Certains films n’ont tout bonnement pas de bande-annonce. Ou d’autres n’existent qu’en très basse résolution. C’est le cas de la bande-annonce américaine de Spirits of the Dead, qui n’existe qu’en mauvaise qualité. Nous avons été contraints d’utiliser un RIP de VHS.

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Le cinéaste Eli Roth, intervenant dans Tales of the Uncanny

HQ: On peut très certainement vous qualifier d’experts concernant le cinéma de genre. Mais avez-vous tout de même appris des choses ou découvert des pépites du cinéma d’anthologie?

KLJ: Personnellement, j’en ai appris des tonnes. Par exemple, je… [rires] c’est vraiment stupide… Je pensais que Dead of Night, l’original, n’était l’oeuvre que d’un seul réalisateur! J’étais persuadée que l’idée que plusieurs réalisateurs travaillent ensemble sur une même anthologie était quelque chose qui était arrivée plus tard dans l’histoire du cinéma d’horreur. Je parlais alors du film à Joe Dante et c’est lui qui m’a apprisse que plusieurs cinéastes avaient travaillé sur ce film. Et il y a tout un tas de vieux films dont je n’avais jamais entendu parler. Même ce film argentin, Master of Horror, que nous sortons en bonus du Blu-ray [de Tales of the Uncanny]; c’est un film dont je n’avais jamais entendu parler et c’est Adrián García Bogliano, un des intervenants qui l’a mentionné.

DG: Ce que moi j’ai découvert c’est à quel point beaucoup de gens sont passionnés par ce sujet et c’est la raison pour laquelle ce projet est devenu un long métrage. Les intervenants tenaient à partager leurs avis sur leurs films et segments préférés. Nous n’étions pas les seuls. Tout le monde avait une opinion et étaient enclins à la donner. C’était vraiment une heureuse surprise.

KLJ: Je pense aussi qu’il est intéressant de voir ce que les gens pensent du format de l’anthologie. Certaines personnes pensent que ces films ne performent pas vraiment au box office et qu’il ne sont pas des investissements sûrs. Mais lorsque tu discutes avec tout le monde, les uns après les autres, tu réalises qu’ils aiment vraiment ces anthologies d’horreur. Donc tandis que certains clâment que «personne n’aime ces films», nous avons en réalité la preuve tangible du contraire.

HQ: Et donc de toutes ces trouvailles, lesquels de ces films demeurent aujourd’hui vos plus belles découvertes?

KLJ: Bien qu’il s’agisse d’un film dont je connaissais déjà l’existence, je dois dire que j’ai vraiment très envie de revisiter From Beyond the Grave, que je n’ai pas vu depuis mon enfance. Je n’ai pas encore eu le temps de le faire, mais j’ai vraiment ressenti le besoin de le revoir avec un regard neuf. Je ne pense pas lui avoir donné l’attention qu’il mérite maintenant que je réalise à quel point les gens l’apprécient.

DG: En ce qui me concerne, j’ai pu découvrir beaucoup d’anthologies récentes. Il y en a tellement qui sont sorties ces dix dernières années. Il y avait de bons segments dans Holidays, que j’avais initialement manqué, bien que je connaisse certains des cinéastes de ce film. Le segment de Nicholas McCarthy est vraiment bizarre et amusant! Je suis aussi retourné jeter un œil à Trick ‘r Treat, qui ne m’avait que moyennement impressionné lors de mon premier visionnement. Mais en voyant à quel point les gens l’adoraient, je lui ai redonné une chance. Et il se trouve que ce film est effectivement excellent! C’est une anthologie si bien racontée. La façon dont les segments s’entremêlent plutôt que de terminer sur un wrap around d’histoires déconnectés est superbe.

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Le cinéaste Mick Garris, intervenant dans Tales of the Uncanny

HQ: Dernière question: que pouvez-vous nous dire sur vos prochains projets excitants?

DG: Comme vous le savez, Tales of the Uncanny n’était pas supposé être un long métrage et mon dernier était celui sur Al Adamson [Blood & Flesh: The Reel Life and Ghastly Death of Al Adamson]. Ça fait maintenant quelques années que je travaille sur un documentaire portant sur la Bruceploitation, et nous sommes rendus loin dans la postproduction. Il faut dire que c’est de loin le plus compliqué de mes documentaires tant il y a de langues différentes avec lesquelles nous devons travailler. Et tellement d’histoires que nous devons couvrir aussi… ce qui rend la structure complexe. Mais ça s’en vient!

HQ: Nous espérons bien entendu le découvrir à Fantasia!

DG: Ce serait génial, oui!

KLJ: Personnellement je travaille aussi sur un documentaire que je réalise et produit pour Severin Films. C’est sur l’histoire du cinéma d’horreur folklorique et ca s’appelle Woodland Dark and Days Bewitched. Nous arrivons doucement à la fin de la phase de montage. Nous espérons pouvoir sortir ça d’ici mars ou avril pour un circuit en festivals.


Tales of the Uncanny – The Ultimate Survey of Anthologie Horror est disponible à la location lors de sa tournée virtuelle canadienne jusqu’au 15 décembre prochain.

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