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[Critique] Good Madam: une vie de servitude, même dans la mort

La pandémie aura certainement été un prélude fertile à plusieurs excellents long-métrages d’horreur réalisés avec une économie d’argent et de moyens. À ceux-ci s’ajoute Good Madam, une réflexion horrifique sur les relations de race et de classe en Afrique du Sud.

Prise dans une période difficile, Tsidi n'a d'autre choix que de retourner vivre avec sa mère, Mavis, qui a passé toute sa vie au service d'une «madame» blanche aujourd'hui catatonique. Malgré le mutisme et l'inactivité de la maîtresse, Mavis voue tout son temps et son énergie aux travaux de la maison sous l'oeil critique de sa fille, qui essaie de réparer les blessures familiales malgré les incidents de nature surnaturelle qui s'enchaînent et la rendent de plus en plus inquiète pour la sécurité de sa mère.
Good Madam affiche film

De son titre original Mlungu Wam (une expression d’anglais familier sud-africain qui signifie «mon employeur» et se traduit par «ma personne blanche»), Good Madam expose les dynamiques sociales et la relation au pouvoir léguées par la ségrégation raciale à travers le quotidien de deux femmes à la relation brisée. Pour la réalisatrice Cato Bass (High Fantasy), le personnage de gouvernante est un exemple aussi parfait que commun des relations raciales dysfonctionnelles en Afrique du Sud. Son oeuvre nous confronte au lien de codépendance perfide présent dans la culture de maître-serviteur à travers le récit, évidemment, mais aussi de nombreux plans sur les mains désincarnées de Mavis, prise dans un cycle interminable de tâches domestiques répétitives comme la vaisselle ou le récurage. Ceux-ci font contre-poids à des plans statiques sur l’intérieur de la maison et des objets traditionnels réduits à de simples décorations pour créer un effet fort réussi. Une trame sonore composée de chants africains accompagne le film qui se déroule en anglais et en xhosa.

En 2022, on ne peut parler d’horreur politique sans évoquer Jordan Peele — la ressemblance avec l’affiche d’Us est d’ailleurs remarquable — de même qu’à d’autres œuvres récentes aux thèmes similaires, comme Antebellum ou le dernier Candyman. Puisque l’Afrique du Sud possède une histoire fort différente de celle des États-Unis, il serait injuste de comparer le traitement des thèmes, catégorie dans laquelle Good Madam s’en sort avec brio. Par contre, Bass démontre une maîtrise moins experte des codes de l’horreur que ses contemporains. Même si l’intérêt ne se perd pas, le suspense et la peur sont peu au rendez-vous, en partie parce que les rares éléments horrifiques ont tendance à se dérouler de façon trop vite, trop courte et trop imprévisible pour avoir un impact véritable.

Le trauma générationnel qui relie les personnages est fort bien porté par les actrices qu’on sent investies, mais, malheureusement, les conflits qui rythment leurs interactions font en sorte que leur jeu se limite à la peur, la colère ou la résignation. Quelques moments d’accalmie et de complicité nous auraient aidé à être plus touchés par leur malheur.

Notons que pas moins de treize individus se partagent le titre de co-scénariste, ce qui explique peut-être le manque de cohésion du récit. Parfois sous-exploitées, les idées de tous ces auteurs donnent l’impression de se bousculer sans jamais pleinement se formuler. Ultimement, le film se termine de manière peu concluante, alors que le spectateur essaie de démêler le pourquoi du comment sans vraiment comprendre ce qui s’est passé.

Il est facile devant sa distribution presque entièrement noire d’oublier que Good Madam a été réalisé par une femme blanche. Alors qu’on ne peut questionner la pertinence d’une critique de l’Apartheid dirigée par un regard noir, on peut se demander s’il n’aurait pas été préférable de laisser cet examen à un autre. Faites-vous votre propre idée en écoutant le film dès sa sortie sur Shudder le 14 juillet.

Note des lecteurs0 Note
Points forts
Traitement du thème
Direction photo
Points faibles
Peu efficace en tant que film d'horreur
Éparpillé et peu limpide
3.5
Note Horreur Québec

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