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[Fantasia 2021] We’re All Going to the World’s Fair: #nouvellechair

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Note Horreur Québec

À Fantasia, la section Camera Lucida nous a habitués à des films d’avant-garde qui emploient les codes du cinéma d’horreur sans pour autant se plier à ses exigences. On oserait presque mentionner le terme honni: post-horreur. Ici, l’esthétique macabre n’est pas une fin en soi. Elle sert de catalyseur à un récit qui porte sur une profonde confusion identitaire. Bref, We’re All Going to the World’s Fair n’est pas Unfriended au pays des creepypastas et des défis Instagram meurtriers. Si c’est ce que vous recherchez, on vous invite plutôt à vous tourner vers #Blue_Whale qui sera à l’affiche au festival cette semaine.

Ici, on s’intéresse à Casey. Plus spécifiquement, à la vie virtuelle de Casey, le pseudonyme d’une adolescente solitaire et fan d’horreur qui partage son existence en ligne. Lorsqu’on fait sa rencontre, elle a choisi de se lancer dans un mystérieux challenge viral du nom de World’s Fair. Sorte de malédiction du Web, elle afflige les internautes assez braves pour s’y frotter. Des quatre coins du monde, ces derniers se filment subissant les conséquences de l’invocation qu’ils ont pratiqué. Alors qu’elle vit une espèce de possession démoniaque, Casey fera la connaissance de JLB, un homme cherchant à l’aider.

We're All Going to the World's Fair affiche film

S’agit-il d’un canular avancé, ou est-ce que quelque chose de maléfique se trame vraiment derrière #worldsfair? La cinéaste Jane Schoenbrun se garde bien de nous le spécifier d’emblée, brouillant la frontière entre le réel et le jeu de rôle virtuel complexe. Nous apprenons donc à connaître les personnages du film à travers leurs avatars en ligne, entrapercevant l’existence qu’ils mènent et le mal-être qui les habite en filigrane.

La psychologie derrière le récit plairait à Cronenberg: Schoenbrun travaille le concept de la «nouvelle chair», de l’existence symbiotique entre l’humain et la machine. Pour entrer dans le défi, on doit saigner sur son écran. C’est un pacte que Casey accepte sans problème, fascinée par les transformations que relatent les autres participant·es.

C’est aussi une des raisons pour lesquelles World’s Fair ne se plie pas aux normes du genre: Casey vit une forme d’attraction-répulsion avec le macabre défi. Cette dimension alternative est la sienne, une opportunité de devenir une nouvelle incarnation d’elle-même. Dans les quelques scènes où on l’aperçoit en dehors de sa persona virtuelle, il émane d’elle un sentiment d’inconfort marqué. La jeune Anna Cobb, dont il s’agit ici du premier rôle, transperce l’écran. Seule dans chaque plan du film où elle figure, elle prend possession du cadre.

Les scènes de mutations, de possession et d’effondrement mental sont donc envisagées à travers une loupe quasi-mélancolique, genre de cri primal que pousse Casey dans la pénombre perpétuelle du grenier où elle a élu domicile. Si le film propose bien une série de séquences inquiétantes qui marquent, le spectateur comprendra qu’il s’agit d’une forme d’auto-expressionisme, une représentation de soi ancrée dans la dysphorie. La musique d’Alex G et de solides effets de montage contribuent à l’ambiance. L’internet a beau agir comme agent de transformation, le récit ramène constamment à la solitude que vivent les rôlistes du #worldsfair.

We’re All Going to the World’s Fair est une franche réussite dans le domaine du Screenlife, cette mise en scène 2.0 construite autour de nos vies digitales. Il s’agit également d’une exploration originale de l’horreur corporelle, qui plaira aux adeptes de Crash et eXistenZ.



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