Horreur Québec a déjà publié un texte complet sur le chef d’œuvre de Steven Spielberg, abordant entre autres sa sortie en Blu-ray 4K. Mais il nous était impensable de passer sous silence cet anniversaire, tant l’impact du film nous semble légendaire.
Combien de personnes ont hésité à nager ou à pagayer à cause de Bruce, ce requin mécanique baptisé en clin d’œil à Bruce Ramer, l’avocat de Spielberg ?
Tout commence sous l’eau : une caméra subjective serpente entre les algues. Puis viennent les grondements du tuba de John Williams, qui montent lentement en intensité. Une baignade nocturne, un plan iconique en contre-plongée sur le corps nu d’une jeune fille, et soudain, cette image inoubliable : la tête de la baigneuse hors de l’eau, aspirée vers les profondeurs dans une attaque fulgurante, presque chorégraphique, semblable à un moulinet géant. En quelques secondes, Jaws imprimait déjà la peur sur la rétine de ses premiers spectateurs.
Dans une petite ville balnéaire qui vit du tourisme, une série d’attaques pousse le shérif local, un biologiste et un chasseur de requins à partir en mer pour neutraliser la bête.
Un synopsis simple, qui pourraitpourrait tout aussi bien s’appliquer à une série de petites productions qui se sont contentées de remplacer le requin par un épaulard, un crocodile ou des piranhas. Le méchant maire prêt à tout pour capitaliser sur l’afflux touristique y est presque toujours présent, tout comme l’expert, souvent transformé en demoiselle au physique avantageux, qui profitera de sa quête pour défiler en maillot de bain entre deux attaques sanglantes.
Mais Jaws n’est pas un simple film de monstre. C’est LE film qui a déclenché la mode des blockbusters estivaux, prouvant à Hollywood qu’on pouvait remplir les salles et engranger des millions quand le soleil brillait.
Cinquante années se sont écoulées depuis Jaws, et sa popularité n’a jamais faibli. Trois suites ont bien vu le jour, mais c’est surtout un véritable courant cinématographique qui a émergé avec le requin. Aujourd’hui, le film est disséqué dans les cours de cinéma, où l’on étudie autant l’ingéniosité de sa mise en scène que la richesse de ses symboles. Certains y voient une incarnation du mythe du vagin denté, d’autres une métaphore du retour matriciel. Pensez-y deux minutes : Jaws met en scène trois archétypes masculins qui, chacun à leur manière, cherchent à réaffirmer leur virilité face à une menace invisible et incontrôlable. À chacun sa lecture.
Chaque année, Jaws revient sur grand écran à l’occasion de projections spéciales organisées aux quatre coins du monde. Et dans les Comiccons, les hommages ne manquent pas : on y croise des cosplays du shérif Brody, de Quint, ou même de Bruce lui-même.
Il ne faut pas oublier qu’avant le succès de Jaws, rien n’était acquis pour Spielberg. Sans ce film, il n’aurait peut-être jamais eu le feu vert pour Rencontres du troisième type, ni pour E.T. l’extra-terrestre. Autrement dit, Jaws a non seulement changé le cinéma, il a aussi permis l’émergence d’une des filmographies les plus marquantes de l’histoire, et offert à Spielberg l’espace pour affiner une signature devenue mythique.
Cinquante ans plus tard, la gueule dentelée du requin, figée sur l’affiche culte de Roger Kastel, n’a rien perdu de sa puissance. Ni oubliée, ni apprivoisée, elle continue de fasciner.
Jaws est plus mordant que jamais. Il n’a jamais été égalé. Un film tout simplement parfait.
