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Entrevue 666: Sébastien Diaz et Terreur 404

Vous connaissez sûrement déjà l’animateur et réalisateur Sébastien Diaz (Formule Diaz, Format familial), mais saviez vous que l’homme était aussi un fan endurci de cinéma d’horreur? Il signe d’ailleurs la réalisation de sa toute première fiction, la websérie horrifique Terreur 404, dont les trois premiers épisodes sont déjà disponibles sur ICI Tou.tv.

La série, qui s’étale sur 8 épisodes de 10 minutes, est produite par Productions Casablanca (Série noire, Les invincibles) et scénarisée par les écrivains Samuel Archibald (Arvida) et William S. Messier (Dixie). En plus de réaliser, Sébastien Diaz compose également la trame sonore en compagnie de Jonathan Dauphinais, bassiste du groupe montréalais électronique Beast.

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Horreur Québec s’est entretenu avec le réalisateur, question d’en apprendre davantage sur la fameuse websérie ainsi que sur ses goûts en cinéma d’horreur:


Horreur Québec — Parle-nous de la série. Que voulez-vous raconter avec Terreur 404?

Sébastien Diaz — L’idée de base était de faire une série d’anthologie à l’ancienne à la Twilight Zone ou Alfred Hitchcock Présente, mais bien ancrée dans notre québécitude et notre époque. Nous avons donc créé 8 courtes histoires dans lesquelles un personnage frappe un mur dans sa vie et se voit plongé dans un cauchemar ou une situation extrême (une promenade en taxi qui finit mal, une patiente d’hôpital décédée qui n’est finalement peut-être pas si morte qu’on le croit, un week-end dans un AirBnb de l’Enfer…). En créant les histoires, nous nous sommes donné 2 contraintes. La première, c’est que chaque épisode doit se terminer par un frisson, à la manière des vieilles nouvelles de Richard Matheson ou de Stephen King. La deuxième, c’est que chaque cauchemar doit être déclenché par une technologie qu’on utilise tous les jours (Facebook, Tinder, les selfies, YouTube, etc…). Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, nous ne sommes pas du tout dans les eaux de Black Mirror. On est à 100% ancré dans le réel, le quotidien, la banlieue ou l’urbanité de chez nous. En tournage, je n’arrête pas de répéter à l’équipe que nous tournons 8 drames, et que l’horreur y arrive par hasard.

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«Je crois que les gens seront surpris de retrouver certains acteurs qu’ils connaissent depuis toujours dans des contre-emplois et des rôles assez surprenants.»

HQ — Bianca Gervais sera ta Scream Queen, ta «Sheri Moon». Comme il s’agit de courtes histoires différentes, elle incarnera donc plusieurs personnages au fil des épisodes, un peu à la American Horror Story? Qui d’autre se joint à la distribution?

SD — En fait, Bianca ne joue que dans un des épisodes. C’est certains médias qui se sont emballés et qui ont assumé qu’elle jouerait dans tout. Reste que son personnage passe un sale mauvais quart d’heure et que l’extrême de sa situation m’a même fait pleurer en tournage l’autre jour. Concernant le reste de la distribution, nous gardons tout ça bien secret pour le moment. Ce que je peux dire, c’est que la plupart des grands acteurs qu’on a approchés ont accepté tout de suite même s’ils ne jouent habituellement pas dans des webséries parce que l’idée de jouer dans une série de genre les a emballés tout de suite. C’est très rare qu’on a la chance de jouer des émotions comme la peur au Québec, ou qu’on peut jouer avec du faux sang, des prothèses, faire le mort… Je crois que les gens seront surpris de retrouver certains acteurs qu’ils connaissent depuis toujours dans des contre-emplois et des rôles assez surprenants. Les méchants ne sont pas toujours ceux que l’on croit dans notre série!

HQ — Terreur 404 est ta première fiction. En quoi ton expérience de réalisation a-t-elle été différente de celle d’un magazine télévisuel, par exemple?

SD — C’est différent et semblable en même temps. Même si mon équipe sur le plateau est plus grande (environ 25 personnes), j’ai l’habitude de diriger une troupe, de guider les différents départements pour arriver à illustrer ce que j’ai en tête. Même chose pour le côté technique, que je maîtrise bien pour avoir à dealer avec depuis des années maintenant. La grande nouveauté pour moi est la direction d’acteurs. C’est la partie qui m’angoissait le plus, et finalement j’y trouve un plaisir immense. C’est très exaltant de voir des acteurs talentueux donner vie aux concepts que tu as imaginés et aux textes fabuleux des auteurs. Et sur ce projet, on a la chance de pouvoir prendre notre temps, de faire des répétitions et des lectures avec les comédiens avant de tourner, de peaufiner les personnages, les motivations, les subtilités… Avant même de faire du magazine et de réaliser pour la télé, mon rêve, c’était de réaliser de la fiction. C’est ce que j’ai toujours voulu faire, depuis mes études en cinéma au Cégep de St-Laurent et à l’Université Concordia. Et maintenant que j’y goûte, j’ai la piqûre. Je ne crois pas que ce sera la dernière fois…

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Crédit photo: Bruno Destombes

HQ — Est-ce que la production d’une série de genre au Québec demeure aussi difficile, même lorsqu’on a une carrière bien établie dans le milieu?

SD — Au contraire, je sens un grand engouement pour le genre en ce moment et une recrudescence de l’horreur, du suspense, de la science-fiction. Lorsqu’on a approché les gens de Tou.Tv avec le projet, ils se sont emballés tout de suite, au point où on tourne la série beaucoup plus tôt qu’on l’aurait cru. Même chose pour l’équipe technique, la distribution… Tout le monde est excité de produire quelque chose qui nous sort de notre routine, de nos histoires de cuisine, de nos drames très introspectifs… Contrairement à ce qu’on répète toujours dans les médias, les Québécois ont la fibre horrifique assez développée. Les histoires de Diable qu’on se raconte ne datent pas d’hier, et il suffit d’assister au Festival Fantasia chaque été pour réaliser que le cinéma de genre remplit les salles et déchaîne les passions. Je ne serais pas surpris de voir plusieurs projets du genre naître dans les prochaines années.

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HQ — Tu es maniaque de musique et tu composes également la trame sonore de la série. Peux-tu nous parler davantage de ton background dans le domaine musical?

SD — Je me qualifie toujours de musicien patenté, en ce sens que j’ai pris des cours de piano et de guitare quand j’étais au secondaire, mais que j’ai majoritairement été mon propre professeur à coup de repiquage de chansons des Beatles ou de Daniel Bélanger et d’écoute intensive de musique. C’est la curiosité qui a été ma meilleure prof dans le fond. La première fois où j’ai composé «professionnellement», c’était pour le magazine télé Voir. J’avais besoin d’une pièce précise pour un reportage que je venais de réaliser, et j’ai décidé de la composer moi-même. J’ai fini par composer une trentaine de morceaux pour l’émission. J’ai poursuivi ensuite en composant certaines chansons pour mon émission Formule Diaz, puis en créant toute la musique pour mon projet Format Familial. Sur Terreur 404, comme je suis un passionné de musique de films d’horreur, c’était donc tout naturel que je mette la main à la pâte. Et comme j’avais envie de peaufiner mon travail et d’ajouter des cordes (violon et violoncelle), j’ai fait équipe avec un gars hyper talentueux qui s’appelle Jonathan Dauphinais (du groupe Beast, aussi réalisateur du dernier album de Dumas, membre de la dernière tournée d’Ariane Moffatt…). Il apporte tout un côté technique et bidouilleur que je n’ai pas. C’est un artiste au talent immense.

HQ — Est-ce qu’on peut s’attendre à davantage de fictions de ta part prochainement? As-tu d’autres projets horrifiques en banque?

SD — Comme j’adore l’expérience et que je la trouve exaltante, c’est sûr que je pense déjà à la suite. Ceci dit, j’ai plusieurs projets qui tournent autour de l’horreur sur ma table de travail en ce moment, dont un documentaire sur la belle époque des «tax shelters» des années ’70 où un paquet de films d’horreur ont été tournés au Québec, et un projet de radio qui rendra hommage aux plus belles trames sonores de cinéma de genre.

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«Je dévore tout ce qui touche de près ou de loin à Lucio Fulci, Dario Argento, Mario Bava, Ruggero Deodato…»

HQ — Dans cette portion de l’entrevue, on veut en savoir plus sur tes goûts en cinéma d’horreur. Comment es-tu tombé en amour avec le genre?

SD — La moitié de ma famille étant mexicaine, j’ai rapidement été confronté à l’iconographie de la Mort, au traitement très graphique de la violence des latinos. C’est comme si la fascination pour le morbide était dans mes gènes!

Ceci dit, je pense que mes 2 premiers contacts avec l’Horreur ont été le clip «Thriller» de Michael Jackson (réalisé par l’incroyable John Landis, auteur de An American Werewolf in London) et la crucifixion du Christ dans Jésus de Nazareth, réalisé par Franco Zeffirelli et qui m’a terrifié et tellement impressionné durant mon enfance.

Mon éducation dans le domaine de l’Horreur, elle, s’est faite au défunt Club Vidéo VN de St-Hubert, où on trouvait la plus grande section Horreur en VHS que j’ai jamais vue! Chaque soir d’été, mon frère et moi partions donc en expédition sur nos vélos pour dénicher la perle rare. Très jeune, j’ai donc découvert L’Exorciste, les slashers des années ’80, la grande période américaine des années ’70, et surtout le cinéma italien. Encore aujourd’hui, l’Italie est mon terrain de jeu horrifique préféré. Je dévore tout ce qui touche de près ou de loin à Lucio Fulci, Dario Argento, Mario Bava, Ruggero Deodato… Pour moi, les Italiens sont ceux qui ont poussé le genre à son paroxysme et à son plus extrême en expérimentant avec le fond et la forme, en amenant la musique rock et prog dans l’Horreur, et en créant des situations extrêmes qui n’avaient encore jamais été vues.

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Crédit photo: Bruno Destombes

HQ — Fantômes, zombies, tueurs en série, etc.; qu’est-ce qui t’effraie le plus?

SD — J’aime beaucoup les vieux films de morts-vivants comme Dawn of the Dead de Romero ou L’enfer des zombies de Fulci pour leur côté apocalyptique et ultra défaitiste. On sent une grande noirceur dans ces oeuvres où plus rien n’est possible et tout est perdu.

Reste que le réel demeure ce qui m’effraie le plus. Encore aujourd’hui, je frissonne en repensant au personnage de Zelda de Cimetière Vivant, la grande soeur en phase terminale que la famille a décidé de cacher dans la chambre du fond de la maison pour ne pas que leur entourage soit confronté à la maladie. Il y a quelque chose de terrifiant à penser que l’Horreur ne se cache pas nécessairement dans un château gothique en Europe mais plutôt au dépanneur du coin, à l’arrêt d’autobus, au centre commercial. Pour moi, les films d’horreur sont à leur plus efficace lorsqu’ils ancrent leurs histoires dans le quotidien quasi banal de nos vies. C’est d’ailleurs ce qu’on a essayé de faire avec Terreur 404. Dans notre série, l’horreur vient d’un petit monsieur qu’on ne soupçonnerait jamais d’être un maniaque, d’une patiente à l’hôpital, d’un vidéo viral sur YouTube…

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HQ — Es-tu collectionneur? À quoi ressemble ta collection?

SD — Le mot «collectionneur» est trop faible pour décrire ma passion pour les disques vinyles de trames sonores d’horreur et pour les vieilles affiches européennes originales. Mon bureau est entre autre décoré des affiches originales de Dawn of the Dead, La baie sanglante et Les démons de la nuit de Mario Bava, Tenebre de Dario Argento et La cité des morts-vivants de Fulci.

Reste que c’est réellement au niveau des vinyles que je dépense beaucoup trop de sous… J’essaie de tout collectionner ce qui touche à mes compositeurs préférés, comme le groupe Goblin, Fabio Frizzi (qui a souvent fait équipe avec Fulci), Stelvio Cipriani (qui a composé plusieurs trames sonores de giallos italiens), John Carpenter, Riz Ortolani (le compositeur, entre autre, de Cannibal Holocaust, et que Tarantino a récupéré dans plusieurs de ses films)…

J’aime d’ailleurs m’organiser des voyages pour aller voir, seul, mes compositeurs préférés en concert. L’été dernier, j’ai donc fait un pèlerinage à Los Angeles pour voir la première tournée à vie de John Carpenter, qui jouait sur scène ses plus grands succès accompagné de son fils. J’ai même versé une larme durant le thème du Brouillard tellement j’étais ému d’assister à ça. J’ai fait la même chose à Toronto pour voir Fabio Frizzi en spectacle, et à Londres pour voir un spectacle des Goblins avec mon frère.

Pour moi, la musique de films d’horreur est le summum de l’audace, de l’explosion des limites et des contraintes, et de l’innovation. Il y a quelque chose de très étonnant dans le fait d’acoller une pièce très romantique et orchestrale à une scène terrifiante de cannibales, ou d’accompagner une scène de crucifixion de zombie d’un solo de batterie funk. Il n’y a que dans le cinéma d’horreur qu’on ose ce genre de mélanges.

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«…les 2 trames sonores les plus épeurantes demeurent celle de Pet Sematary et la bande originale tribale, sauvage et ultra-dérangeante de Cannibal Holocaust…»

HQ — Ta trame sonore préférée, tous genres confondus?

SD — J’adore tout ce qui s’est fait dans les années ’70 et début ’80, surtout en Italie. Au sommet de ma liste, je place L’au-delà, la magnifique trame sonore que Fabio Frizzi a composée pour le film cauchemardesque de Lucio Fulci. Ça mélange le rock progressif, le funk, les instrumentations plus classiques et la musique atonale. C’est effrayant, romantique et hyper nostalgique à la fois.

La musique du giallo Blackstained Shadow composée par Stelvio Cipriani a aussi beaucoup d’impact sur moi, au point où j’ai dissimulé un tas de références musicales à ce film dans la musique de Format Familial et Terreur 404.

Sinon, dans le désordre, je suis fan de tout ce que John Carpenter a fait (Le Brouillard, Christine et Halloween 3: Season of the Witch en tête), les Goblins (le premier choc en entendant Suspiria et Profondo Rosso!), la bande son du film Phantasm, ou celle de La Longue Nuit de l’Exorcisme par Ennio Morricone.

Ceci dit, pour moi, les 2 trames sonores les plus épeurantes demeurent celle de Pet Sematary et la bande originale tribale, sauvage et ultra-dérangeante de Cannibal Holocaust par le maestro Riz Ortolani, qui mélange l’électronique et les orchestrations classiques.

HQ — As-tu hâte d’introduire le genre à ton enfant? Comment comptes-tu t’y prendre?

SD — Lorsque ma blonde a accouché, j’ai évidemment passé plusieurs nuits blanches à donner le boire. Ma façon de m’encourager à me relever était donc d’écouter des films d’horreur toute la nuit pour me tenir éveillé, d’autant plus que ma fille était tellement jeune qu’elle ne se rendait compte d’à peu près rien. La première nuit, elle s’est donc tapé sans s’en rendre compte Le chat à neuf queues de Dario Argento…

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Crédit photo: Bruno Destombes

HQ — Qu’est-ce que tu détestes dans le cinéma d’horreur? Est-ce qu’il y a des films que tu ne peut pas regarder?

SD — En ce moment, je déteste la vague nostalgique qui crée des pastiches des vieux giallos, des films d’exploitation des années ’70 ou des anciens navets de Roger Corman. Je ne vois pas d’intérêt dans des films comme The Editor ou Hobo with a Shotgun. Pourquoi se taper des mauvaises copies qui imitent l’esthétique ou les limitations techniques d’une époque révolue alors que tous les vieux films en vrai Technicolor ou les longs métrages cheap qui ont fait les belles années des cinémas grindhouse de la 42e rue à New York sont encore disponibles?

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HQ — C’est maintenant le moment de la question la plus difficile! On veut connaître tes 6 films d’horreur préférés:

SD — J’en ai trop! Mais disons qu’au sommet du palmarès, je placerais L’au-delà de Lucio Fulci, un film totalement étrange construit comme un cauchemar mais qui rassemble tous les excès du cinéma d’horreur italien et ce qu’il offre de plus beau. Je suis aussi un obsédé du Psychose d’Hitchcock pour sa perfection absolue (une vraie leçon de cinéma), du Dawn of the Dead de Romero parce qu’il prouve que les films d’horreur ont tout ce qu’il faut pour parler de notre monde et de nos travers, et du Brouillard de John Carpenter pour sa maîtrise du cadrage qui tue et des ambiances. Sinon, j’aime revoir Tenebre de Dario Argento au moins 2 fois par année pour son côté «over the top», et je suis un inconditionnel de tous les films de Mario Bava (si j’avais à choisir mon préféré, j’irais avec Black Sabbath ou Le corps et le fouet avec Christopher Lee en fantôme sado-masochiste!). Il n’y a cependant pas beaucoup de films qui continuent de me faire peur encore aujourd’hui mis à part le Cimetière Vivant de Mary Lambert, une histoire tellement sombre, défaitiste et triste imaginée par Stephen King au sommet de son art.

  1. L’au-delà de Lucio Fulci
  2. Psycho d’Alfred Hitchcock
  3. Dawn of the Dead de George Romero
  4. Le Brouillard de John Carpenter
  5. Black Sabbath de Mario Bava
  6. Cimetière Vivant de Mary Lambert

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