Il y a de ces films qui voient leur intérêt se décupler après la séance. Si pendant la projection on passe un moment d’incertitude, le post-visionnement, lui, ouvre la porte à tout un tas de questions. Tout en espérant ne pas trop passer pour un faux-intellectuel qui cherche l’attention, j’en poserais une d’entrée de jeu: pourquoi vouloir représenter le réel sans artifice? La vie, comme la fiction, n’est-elle pas remplie de moments improbables et oniriques? De plus, au final, n’est-ce pas de ces moments dont on se souvient le plus et qui forgent le récit que l’on écrit pour notre propre vie?
Un couteau dans le coeur de Yann Gonzalez (Les Rencontres d’après minuit ) raconte l’histoire d’Anne Parèze (Vanessa Paradis), une productrice de films pornographiques gays, qui, à la fin des années 70, se retrouve mêlée à une sordide histoire de meurtre touchant ses acteurs fétiches, et cela, tout en devant faire face à une difficile rupture avec la monteuse de ses films, Loïs (Kate Moran).
Difficile de parler de ce genre de long-métrage: ce n’en est pas tant un qui se raconte, mais plutôt qui s’expérimente, idéalement avec une ou un ami(e) pour pouvoir en discuter ensuite*. Le film, comme on peut s’en douter à la lecture du synopsis, fonctionne comme une mise en abyme. On fait du cinéma au sein de la fiction et là se retrouve la plupart des clefs de compréhension. Au final, le grand thème est celui de l’impact de la mise en récit de notre vie. Tout le monde cherche à produire du sens avec ses souvenirs et cela marque notre personnalité. Parfois, cela se manifeste de manière très terre à terre et candide et parfois cela se manifeste avec une grande violence.
De cette réflexion naît tout l’intérêt d’intégrer un tueur au récit, permettant ainsi à Gonzalez l’élaboration de scènes mettant de l’avant son propre imaginaire de cinéaste avec des clin d’œils à ses maîtres comme De Palma et Argento. Les meurtres deviennent alors de véritables liants aux événements du film. À l’inverse d’un slasher classique qui brode un récit autour des assassinats, le film brode des assassinats autour du récit. Cette approche inspirée du giallo participe grandement au côté flou entre le rêve et le réel qui transpire du film. Tout comme la magnifique musique signée M83 d’ailleurs, un groupe dont l’onirisme est presque la marque de commerce.
Cela dit, doit-on voir Un couteau dans le cœur? Après tout, à en juger par sa réception mitigée à Cannes, il est évident que le film n’est pas pour tout le monde. De plus, bien qu’ayant surtout mis de l’avant ses qualités dans ce texte, le long-métrage comporte certainement quelques défauts.
On peut parler du ton inconstant qui jongle parfois de manière malhabile entre l’humour et le tragique. Bien sûr, on peut argumenter que, dans la vie, tout n’est pas que triste ou drôle. Cela dit, et bien que les gags fonctionnent la plupart du temps, c’est parfois un peu forcé. Il n’en demeure pas moins que si on arrive à faire l’impasse sur ces petits problèmes, le film est très appréciable. Probablement pas un futur classique, mais un plaisir suffisamment jouissif pour passer une bonne soirée à en discuter autour d’une bière. Dans le pire des cas, il donnera envie de se replonger dans la filmographie des cinéastes cités à l’écran. Ce n’est pas une mauvaise chose.
Un couteau dans le cœur est présenté à nouveau le jeudi 11 octobre à 19h30 dans le cadre du Festival du Nouveau Cinéma.
* Merci Hugo
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