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[FNC 2025] « Ms. 45 » : l’art de la vengeance

Ce vendredi 17 octobre, le Festival du nouveau cinéma présente le film Ms. 45 d’Abel Ferrara (L’Ange de la vengeance en version française) dans le cadre d’une série intitulée « Made in 42nd ». Sorti en 1981, ce rape and revenge est le troisième long métrage du réalisateur né dans le Bronx. Contrairement à d’autres productions de ce genre (probablement le plus controversé dans le monde de l’horreur), la vengeance de la victime ne se limite pas à ses agresseurs. En fait, cette vengeance cible tous les hommes qui tentent de l’approcher. Cela fait d’elle une sorte de « justicière dans la ville », à l’image du personnage mythique de Charles Bronson dans Death Wish, ou encore du Punisher.

Muette et couturière dans un atelier de confection de New York, Thana (Zoë Lund) subit deux viols le même jour. Si son premier agresseur parvient à s’enfuir après son crime, elle tue le second après une agression survenue dans son appartement. Elle démembre ensuite le corps de l'homme dans sa baignoire et se débarrasse progressivement des morceaux dans des poubelles et des terrains vagues de la métropole. Mais ce n’est pas tout : ayant récupéré le calibre .45 de son deuxième agresseur, elle sombre dans une folie meurtrière qui la pousse à tuer les hommes qui ont le malheur de croiser sa route.
Ms. 45 | Original Trailer | Abel Ferrara, 1981

Dès le départ, Ms. 45 porte un regard sans complaisance sur le harcèlement que peuvent subir les femmes au quotidien. Thana n’est pas seulement draguée par son patron : dès les premières scènes du film, ses collègues et elle sont harcelées sans relâche dans la rue par des passants.

Contrairement à d’autres rape and revenge, Abel Ferrara évite également toute complaisance lors des scènes de viol. Traumatisée par ces deux agressions et étant victime d’hallucinations, Thana commence alors sa progressive descente en enfer. Parmi ses victimes, on retrouve un photographe libidineux qui l’invite à son studio, un pimp qui tabasse une prostituée, une bande de voyous qui l’encercle dans un parc, ou encore, un cheikh qui l’invite à embarquer dans sa limousine afin d’obtenir des services sexuels.

Bref, des hommes pour qui le public a probablement peu d’empathie, jusqu’à une scène particulièrement intéressante où Thana fait la rencontre d’un homme dans un bar qui a été trompé par sa femme. Si cet homme n’est pas irréprochable, il met lui-même fin à sa vie après s’être confié à elle.

À ce stade, Thana ne tue plus des hommes au hasard des rencontres, mais est littéralement en chasse. Faisant preuve d’une sexualité agressive, elle se maquille et s’habille pour attirer, voire piéger ses prochaines victimes.

Trash, mais pas que

Bien que Ms. 45 soit surtout devenu mythique grâce à sa scène finale où Thana, déguisée en bonne sœur, se met à tirer sur tous les hommes présents lors d’une fête d’Halloween, ce film se distingue par un discours plus complexe que celui d’autres productions du genre.

En général, les rape and revenge s’inscrivent dans le créneau du vigilantisme ou de l’auto-justice : une société minée par la violence, des autorités impuissantes, voire incompétentes, et des victimes ou proches de victimes qui décident de se faire justice elles-mêmes — souvent de façon expéditive.

Dans Ms. 45, ce ne sont pas les criminels en particulier qui sont visés, mais plutôt ce que l’on appellerait aujourd’hui la « masculinité toxique ». Ce regard, que l’on peut qualifier de féministe, est rare dans le genre, bien qu’il existe quelques exceptions notables, comme l’excellent Revenge de Coralie Fargeat.

REVENGE - Official Trailer #2 - In Theaters & On Demand 5.11

Un regard politique sur le genre

En plus de s’inscrire dans le mouvement #MeToo, qui avait commencé à faire la manchette quelques mois avant sa sortie, Revenge abordait une réalité souvent négligée dans le genre : la majorité des victimes de viol connaissent leur agresseur. Contrairement aux victimes dans des films tels I Spit On Your Grave et The Last House on the Left, qui sont agressées par des inconnus, le personnage principal de Fargeat est violé par une connaissance.

Il y a également d’autres exemples qui s’éloignent du vigilantisme. Près de chez nous, sans être nécessairement féministe, l’excellent film Gina de Denys Arcand proposait lui aussi une approche différente du genre.

La danseuse topless qui y subit un viol collectif de la part d’une bande de motoneigistes représente ici les prolétaires québécois, hommes ou femmes, qui étaient exploités à l’époque par des chefs d’entreprise sans scrupules (et bien souvent anglophones ou américains).

Évidemment, ces différentes interprétations peuvent faire débat, et cet article ne prétend pas faire une analyse approfondie du rape and revenge. D’autres l’ont déjà fait (et peut-être mieux). Mais une chose est sûre : Ms. 45 demeure l’une des propositions les plus réussies et les plus intéressantes du genre. Donc, si vous vous sentez assez solides pour vous confronter à cette œuvre d’Abel Ferrara, rendez-vous à la Cinémathèque québécoise le 17 octobre à 20 h 45.

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Pour les fans...
D'Abel Ferrara
Du New York des années 1980
De cinéma d'exploitation
4
Note Horreur Québec

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