Et si, au fond, nos peurs revenaient toujours au même point ?

En regardant Dangerous Animals de Sean Byrne cette semaine, une idée s’est mise à germer. Ce n’est pas vraiment un film de requins; pas au sens classique. C’est un thriller centré sur un tueur en série, qui choisit d’utiliser des requins comme arme. Et c’est justement cette torsion-là qui m’a intriguée.
Parce que ce que le film évoque, ce n’est pas seulement l’attaque animale, mais une forme de prédation codifiée, méthodique, glaciale. De là à faire le lien avec les tueurs en série les plus marquants du cinéma, il n’y avait qu’un pas; que j’ai eu envie de franchir.
Alors j’ai commencé à jouer aux comparaisons : et si le requin, dans nos films d’horreur, se comportait exactement comme un serial killer ? Et si, en miroir, certains tueurs emblématiques du genre slasher suivaient les mêmes logiques que les grands prédateurs marins ? Même patience, même pulsion, même absence d’émotion.
Ce qui m’effraie dans ces figures, ce n’est pas tant le sang ou les crocs. C’est cette impression d’être observée, ciblée, pourchassée par une présence silencieuse et déterminée. Une présence qui ne négocie pas. Qui frappe. Qui disparaît.
Depuis les années 70, le requin est devenu une figure mythique du cinéma d’horreur. Mais il a évolué : de bête sauvage, il est devenu symbole. Une incarnation froide du mal, aussi implacable que les grands tueurs en série de fiction. Tous deux obéissent à une logique sans faille. Tous deux punissent. Tous deux nous rappellent que, parfois, le danger ne vient pas de la rage… mais de la rigueur.
Je vous propose donc, un petit top 5 comparatif de requins et de tueurs en série, pour voir lesquels, finalement, partagent les mêmes méthodes. Instinctifs ou calculateurs ? Sanguinaires ou silencieux ? À vous de juger.
1. Jaws (1975) : ou la brutalité sans explication
Quand Jaws de Spielberg surgit en 1975; et s’apprête à fêter ses 50 ans cette année; il ne se contente pas de lancer la mode des films de requins : il transforme à jamais notre rapport à la mer. Ce n’est pas un film d’attaque classique : c’est une lente montée de tension, un sentiment diffus d’inéluctable. Le requin ne rugit pas. Il rôde. Il frappe, puis disparaît. Et c’est précisément ce qui le rend si terrifiant.

Un an plus tôt, un autre monstre silencieux marquait l’histoire de l’horreur : Leatherface (The Texas Chain Saw Massacre, 1974). Pas de discours, pas de rires sadiques, pas de grand plan machiavélique. Juste une mécanique : isoler, frapper, abattre, comme un animal guidé par l’instinct pur. Lui aussi, comme Bruce le requin, ne tue pas par haine, mais par fonction.
Les deux films partagent ce même rejet du spectaculaire au profit d’un réalisme poisseux, organique, presque documentaire. Et tous deux installent leur figure de terreur dans le hors-champ, dans ce qu’on ne voit pas, mais qu’on sent approcher.
2. The Shallows (2016) : le chasseur invisible, du squale au psychopathe
Dans The Shallows, le squale est plus qu’un prédateur : il devient tacticien. Il guette, il jauge, il teste la résistance de sa proie. Il ne bondit pas, il patiente. Et c’est là que le parallèle avec le Zodiac de David Fincher (2007) s’impose : deux figures quasi abstraites, insaisissables, qui ne cherchent pas seulement à tuer, mais à briser.

La stratégie consiste à laisser l’espoir s’installer, à pousser la victime dans un faux sentiment de sécurité… pour ensuite détruire l’illusion. Un processus méthodique, mental. C’est cette intelligence glaciale qui transforme ces entités en figures de terreur, et non leur brutalité.
3. Deep Blue Sea (2007) : quand l’humain devient le requin

D’un côté, des requins génétiquement modifiés pour devenir plus intelligents, plus rusés, presque humains. De l’autre, un homme au comportement de squale : Patrick Bateman (American Psycho, 2000), banquier carnassier au regard vide, qui chasse pour le plaisir, avec une précision clinique et un goût prononcé pour le sang.
Dans les deux cas, la frontière entre instinct et calcul est brouillée. L’un devient plus humain pour mieux tuer. L’autre, plus animal, car il a éliminé toute forme d’affect. Le résultat est le même : des figures lisses, brillantes, fascinantes… et totalement dépourvues d’âme.
4. Open Water (2003) : l’eau comme zone de torture
Pas de jump scares. Pas de musique angoissante. Juste le vide. Dans Open Water, deux plongeurs abandonnés au milieu de l’océan réalisent lentement qu’ils ne seront pas secourus. Chaque vague, chaque silence, devient un moment de tension pure. L’eau n’est plus un décor : c’est une prison.

Ce même sentiment d’impuissance, on le retrouve dans Funny Games (1997). Les tueurs ne se cachent pas, ne courent pas. Ils parlent doucement. Ils préviennent. Et surtout, ils contrôlent le jeu. Comme l’océan dans Open Water, ils ne laissent aucune échappatoire. L’espace devient cauchemar.
5. Dangerous Animals (2025) : l’humain en prédateur parfait
Dans Dangerous Animals, le tueur Tucker ne se contente pas d’aimer les requins; il les imite. Il isole. Il rôde. Il frappe avec précision, sans émotion. Ce n’est pas un psychopathe bruyant ou théâtral. C’est un chasseur. Un vrai. Chaque geste est pensé, chaque mouvement mesuré.

Le plus glaçant, c’est que ce n’est plus un requin qui agit comme un tueur… mais un homme qui s’inspire du requin pour tuer. Et à ce moment-là, on comprend que le cinéma d’horreur n’a jamais vraiment séparé les deux figures. Requin, tueur en série : même logique froide, même besoin de dominer, même plaisir de la traque.
Finalement, que ce soit dans l’eau ou dans l’ombre d’une ruelle, il y a toujours cette même figure qui revient : un prédateur qui ne rugit pas, mais qui attend son heure.
Et pour celles et ceux qui souhaitent simplement plonger dans l’univers, sachez que vous trouverez sur Shudder un excellent documentaire sur la sharksploitation, ce sous-genre fascinant où le requin devient à la fois mythe, icône et prétexte à toutes les dérives cinématographiques.

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