Lucy Grizzli Sophie still 194437 Catherine Anne Toupin

[Critique] « Lucy Grizzli Sophie » : un suspense tordu nécessaire, mais trop peu subtil

Il devient de plus en plus difficile de se plaindre du manque de cinéma de genre dans la Belle Province. Les chambres rouges, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, Le Successeur, les productions (ou coproductions dans le dernier cas) « champ gauche » s’enchaînent assez promptement dans les salles québécoises ces derniers temps. Lucy Grizzli Sophie d’Anne Émond (Jeune Juliette, Nelly) s’ajoute à la liste cet hiver pour nous livrer un suspense tordu, tout de même bienvenu malgré un dénouement qui manque grandement de subtilité.

Après une nuit à conduire éméchée, Sophie (Catherine-Anne Toupin, Unité 9) atterrit un peu confuse dans un bed and breakfast de région tenu par une femme (Lise Roy, Sur le seuil) et son neveu Martin (Guillaume Cyr, Jusqu'au déclin), un homme en pleine crise existentielle. On comprend rapidement que la visiteuse en question s'échappe d'un événement inquiétant survenu en ville. 
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Adapté de la pièce de théâtre La Meute de Catherine-Anne Toupin (également au scénario), Lucy Grizzli Sophie est ce genre de suspense minimaliste et modeste qui requiert peu de lieux et de personnages. Entre deux ou trois allers-retours au dépanneur et une poignée de flashbacks offrant des fragments du passé trouble de Sophie, l’essentiel de l’action se déroule dans cette maison de campagne et ses alentours, qu’Anne Émond arpente avec une caméra souvent voyeuse, inspirée des plus grands maîtres du suspense, de Fincher à Hitchcock.

La présence de la femme coïncide pourtant avec un épisode dépressif particulier dans la vie de Martin, et cette dernière aura un rôle important à jouer sur son épiphanie, de rares scènes lumineuses dans ce jeu de chat et de souris mystérieux. À ce sujet, les performances physiques particulièrement courageuses des interprètes principaux sont à mentionner. Le duo improbable — elle citadine, forte et carriériste et lui, diminué et sans-le-sou — fonctionne grâce à la complicité de Catherine-Anne Toupin et de Guillaume Cyr et aborde des thèmes percutants et nécessaires en lien avec des enjeux féministes.

Toutefois, moins on en sait concernant les sujets abordés dans Lucy Grizzli Sophie, mieux on se porte. Le métrage réussit bien le pari de mener en bateau les spectateur·trice·s, mais au détriment d’une révélation qui tient pourtant moins la route. C’est que, bien que les thèmes évoqués restent importants, essentiels et légitimes, l’angle dans lequel on nous les soumet est définitivement moins crédible et recherché. Et au final, c’est plutôt dommage que le scénario cède à la spirale de violence qu’elle dénonce au profit d’un dénouement coup de poing.

Note des lecteurs1 Note
Pour les fans...
de films à suspense minimalistes
de finales coup de poing
3
Note Horreur Québec
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