![[Critique] « Shelby Oaks » : quand l’amour du genre finit par étouffer l’originalité 13 ShelbyOaks 27x39 2](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/10/ShelbyOaks_27x39-2-311x450.jpg)
Premier long métrage de Chris Stuckmann, célèbre critique et vidéaste YouTube aux millions d’abonné·e·s, Shelby Oaks s’est rapidement imposé comme l’un des projets d’horreur indépendants les plus attendus de 2024. Financé à coups de records sur Kickstarter et enveloppé d’une aura de mystère savamment entretenue, le film bénéficiait d’un pedigree impressionnant : Mike Flanagan (Doctor Sleep, Midnight Mass) à la production exécutive et Neon à la distribution. Autant dire que les attentes étaient élevées.
Un an après sa première mondiale au Fantasia International Film Festival, Shelby Oaks effectue enfin son retour en salle, porté par le même engouement… et une certaine curiosité critique. À sa découverte initiale, Horreur Québec avait souligné le potentiel d’un premier essai sincère, baigné dans une atmosphère soignée, mais aussi marqué par des longueurs et une structure classique.
Aujourd’hui, après quelques ajustements techniques et une sortie officielle plus ambitieuse, le constat se précise : le film reste solide dans ses intentions, mais peine à dépasser ses modèles.
Plusieurs années après la mystérieuse disparition d'un groupe d'enquêteurs du paranormal, Mia garde toujours espoir de retrouver sa sœur en vie. Alors que la police a classé l'affaire depuis longtemps et que le souvenir du groupe s'estompe des mémoires, des coups à la porte et une mystérieuse cassette relanceront l'enquête...
A-t-elle été enlevée? Le démon qu’elle croyait la traquer depuis toujours a-t-il finalement réclamé son dû? Ou la véritable horreur se trouve-t-elle, en réalité, beaucoup plus près de chez elle?
![[Critique] « Shelby Oaks » : quand l’amour du genre finit par étouffer l’originalité 15 SHELBYOAKS Still 03](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/10/SHELBYOAKS_Still_03-750x422.jpg)
Chris Stuckmann n’est pas un inconnu. Critique et vidéaste influent, il fait partie de cette lignée de passionnés qui, comme tant d’autres avant lui, sont passés de l’analyse à la création. Ce pedigree nourrit naturellement de fortes attentes, surtout lorsqu’on choisit le terrain miné du found footage — un sous-genre qui, depuis The Blair Witch Project et Lake Mungo, a été maintes fois exploité et décortiqué. Le problème ici n’est pas tant l’emprunt aux classiques… que l’incapacité à transformer ces emprunts en véritable voix singulière.
Le film démarre pourtant très bien. Une séquence en faux documentaire retrace la disparition d’une équipe de chasseurs de fantômes, les Paranormal Paranoids, menée par la YouTubeuse Riley Brennan (Sarah Dunn). L’utilisation du dispositif documentaire, les extraits vidéo, les interviews et la mythologie virale esquissée fonctionnent à merveille. Stuckmann joue ici avec un matériau qu’il maîtrise : les codes narratifs et visuels d’Internet, l’ambiguïté entre réalité et fiction, la perception déformée de l’image. Pendant un instant, le film flirte avec un discours intéressant sur notre rapport au visible et au doute.
Mais très vite, cette tension initiale se délite. Lorsque Shelby Oaks quitte le found footage pour basculer dans une narration classique, le film perd une bonne partie de son énergie. L’effet de réel s’évapore, laissant place à une imagerie léchée mais prévisible, qui peine à susciter la même inquiétude.
Ce glissement structurel révèle un autre problème : la dépendance du film à des procédés horrifiques éculés. Plans de tête qui se tourne au ralenti, buée visible dans une pièce trop froide, fenêtres qui se fissurent lentement… Ces effets, déjà archi-usés ailleurs, sont ici répétés jusqu’à saturation. Même les apparitions démoniaques et les chiens infernaux semblent tourner en boucle. La familiarité n’est pas un défaut en soi — le genre horrifique se nourrit souvent de motifs récurrents — mais ici, elle n’est jamais transcendée. Ce n’est plus une citation, c’est un écho qui se répète jusqu’à s’éteindre.
La figure de Mia, incarnée par Camille Sullivan, reste toutefois l’un des points d’ancrage les plus solides du récit. Son obsession, son deuil non résolu et sa quête désespérée confèrent au film une dimension émotionnelle que Stuckmann, manifestement, a portée de manière personnelle. Ce n’est pas un hasard si les meilleures séquences sont celles où le surnaturel se fait discret, au profit d’une tension intime et humaine.
Le film tire aussi parti de quelques bonnes idées de casting, notamment Keith David, impeccable en ancien gardien de prison dans une scène qui aurait mérité de servir de pivot au récit. Ironiquement, cette parenthèse donne un aperçu de ce qu’un film plus audacieux aurait pu proposer — par exemple, explorer le point de vue des figures secondaires plutôt que de rejouer les codes de la traque paranormale.
![[Critique] « Shelby Oaks » : quand l’amour du genre finit par étouffer l’originalité 19 SHELBYOAKS Still 06](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/10/SHELBYOAKS_Still_06-750x422.jpg)
![[Critique] « Shelby Oaks » : quand l’amour du genre finit par étouffer l’originalité 20 SHELBYOAKS Still 06](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/10/SHELBYOAKS_Still_06-750x422.jpg)
Techniquement, Shelby Oaks est irréprochable compte tenu de son budget. La photographie, le design sonore et les décors créent une ambiance sinistre bien calibrée. Cette relecture post-Fantasia n’ouvre donc pas une nouvelle page pour le film, mais elle permet de mieux cerner ses ambitions et ses limites.
Shelby Oaks est un premier essai sincère, efficace par moments, frustrant souvent, qui témoigne plus de l’amour d’un critique pour ses influences que de l’émergence d’une signature forte. Il y a du potentiel, certes, mais encore prisonnier de l’ombre des géants qui l’ont inspiré.

![[Critique] « Shelby Oaks » : quand l’amour du genre finit par étouffer l’originalité 12 SHELBYOAKS Still 04](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/10/SHELBYOAKS_Still_04-1155x770.jpg)


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