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[Critique] « Stopmotion » : un effort de création cauchemardesque et unique

Après avoir œuvré dans le domaine du court métrage depuis 30 ans, le cinéaste et animateur Robert Morgan nous offre enfin son premier long : Stopmotion. Si le nom de l’homme ne vous est pas familier, sachez que son travail en animation en volume — ou stop motion, cette technique d’enregistrement image par image utilisée dans le cinéma d’animation — lui a valu plus d’une trentaine de prix prestigieux à travers le monde en plus de hisser l’artiste aux côtés des plus grands du genre tels que les frères Quay et Phil Tippett (Mad God). Fantasia avait même célébré son court métrage The Separation (2003) en le sélectionnant sur le DVD Small Gauge Trauma, paru en 2006.

Ella (Aisling Franciosi, The Nightingale) est une véritable extension de sa mère. Fille d'une célèbre cinéaste œuvrant en stop motion, elle assiste sa matrone (le mot est juste ici), rongée par la maladie, avec la finition de son dernier film avant sa mort. Mais lorsque sa mère se retrouve subitement à l'hôpital, Ella doit choisir entre terminer l'œuvre ou trouver sa propre voix. Son parcours la mènera dans un véritable cauchemar où l'univers fictif de ses personnages animés traversera dans la réalité.
stopmotion poster

Stopmotion étudie la création sous tous ses angles. Du syndrome de l’imposteur jusqu’à la commercialisation de l’art, en passant par l’inspiration (ou son manque) et même le plagiat, le métier d’artiste est disséqué dans ses moindres recoins. Mais plus intéressant encore, Morgan réfléchit sur son propre art, avec les enjeux et difficultés qui lui sont spécifiques. La profession d’animateur s’y retrouve d’ailleurs vulgarisée pour les néophytes dans le domaine et la mise en scène permet de bien comprendre l’étendue de la quantité de travail que la fonction exige, parfois jusqu’à la manie.

Évidemment, le génie de Stopmotion se trouve dans l’intégration de l’esthétique unique de Morgan à un scénario qui se déroule dans un monde réel. Ses personnages lugubres typiques — un amalgame de viande et de cire de thanatologue dans le film — prennent littéralement vie sous nos yeux lorsque la frontière entre la réalité d’Ella et celle de son film se confondent dans une espèce d’expérimentation à la Frankenstein qui tourne très mal.

Si Stopmotion ne fait pas vraiment peur, l’atmosphère parvient néanmoins à créer une expérience macabre et plutôt cauchemardesque. Certaines scènes où les marionnettes s’animent dans le monde des vivants vous rappelleront assurément des mauvais rêves fiévreux d’enfance. On ajoute également une poignée de moments gore percutants et efficaces, en plus d’autres surréalistes qui déforment les corps et la matière dans un effort évoquant les performances d’Olivier de Sagazan.

Le champ lexical du pantin (Ella est bien surnommée « Poppet » par sa mère) y passe au grand complet et génère de solides métaphores en lien avec le libre arbitre et les désirs réprimés. La cinématographie s’inspire de l’incrustation au cinéma pour contraster ses éclairages de rouge et de vert de manière souvent trop appuyée, procurant parfois une allure un peu série B aux images. Au centre de l’intrigue, Aisling Franciosi livre un portrait potable de la femme tourmentée à la recherche de son identité, sans pour autant transcender l’écran.

Au final, ce qui distingue vraiment Stopmotion de la masse, c’est l’originalité de sa prémisse amenée par son traitement. Morgan a su tirer les bonnes ficelles pour offrir un premier film unique et personnel, qui convulse les sens et sert une généreuse dose d’horreur sans aucun compromis.

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