En raison de la pandémie paralysant le monde entier, la 24e édition du Festival Fantasia a dû se réinventer en offrant une édition virtuelle à ses fans, du 20 août au 2 septembre 2020, grâce à Festival Scope et SHIFT72. Plus d’une centaine de longs-métrages et 180 courts-métrages ont été présentés au public canadien en recréant le plus fidèlement possible l’ambiance du festival.
Mais que serait Fantasia sans les discussions animées sur les films qui nous sont présentés ou encore les réactions de la foule? Même si les choses étaient bien différentes cette année, Fantasia a su se démarquer en offrant une présence proactive sur Discord, favorisant ainsi les discussions entre les internautes, l’équipe Fantasia ainsi que les créateurs des films, chacun isolé à la maison.
Les Q&A ont aussi été transposés dans le virtuel, sur l’incontournable de 2020, l’application Zoom, où il était possible de poser des questions aux cinéastes et aux acteurs en direct, comme si tout le monde était réuni en salle. Pour ceux qui les ont manqués, il est même possible de les revoir sur la chaîne YouTube du Festival.
Ajoutons à cela une présence en ligne exceptionnelle sur les réseaux sociaux, Fantasia a démontré que sa force réside essentiellement dans sa communauté et a réussi à présenter une solide édition malgré les circonstances exceptionnelles de cette année.
Du côté d’Horreur Québec, c’est pas moins de 47 critiques, entrevues et rétrospectives qu’on aura pu vous offrir lors de cette édition virtuelle. Consultez notre couverture complète Fantasia 2020 pour découvrir les titres qui nous ont le plus marqués. Comme à l’habitude, nos rédacteurs vous dévoilent leurs trois coup de cœur personnels:
Marc Boisclair
La frontière entre les genres s’estompent de plus en plus au fil des ans alors que les cinéastes tentent de nous offrir de nouvelles oeuvres qui sortent des sentiers battus pour encore mieux nous déstabiliser. Sanzaru célèbre tout ça, et bien plus encore, en nous offrant une vision unique et difficile à comparer, qui vient pincer plusieurs de nos cordes. L’interprétation est parfaite, les quelques apparitions spectrales tétanisent et le mystère demeure entier.
Alone m’a rivé sur mon siège du début à la fin. Le survival minimaliste nous assied directement côté passager dans la voiture d’une femme traquée par un dérangé. L’idée est simple, mais terriblement efficace, et la réalisation développe plusieurs idées inventives pour déjouer nos attentes, que ce soit avec des jeux de focus ou encore le travail au niveau du son. Un périple glacial et combien satisfaisant qui devrait figurer sur votre watch list de l’automne — le film arrive en vidéo sur demande le 18 septembre!
Avec The Mortuary Collection, je me suis retrouvé en pleine crise d’adolescence, terriblement excité de découvrir le nouveau film d’horreur que j’allais louer pendant tout l’été au club vidéo du coin. Amusante et futée, l’anthologie propose près de deux heures de divertissement à l’état pur avec ses créatures, ses fantômes et autres serial killer, en plus d’offrir des visuels à la fois magnifiques et terrifiants. Je me suis retenu de lui mettre une note parfaite.
Éric Arseneault
Anything for Jackson est LA surprise de Fantasia cette année. Le couple composé de Julian Riching et de l’extraordinaire Sheila McCarthy est tout simplement ahurissant. Les acteurs se sont complètement appropriés leur personnage. C’est parfois drôle, mais souvent très angoissant avec tous ces monstres qui se promènent dans la maison. Je me souviendrai longtemps de la dame à la soie dentaire. Un excellent film d’horreur canadien.
Étant un grand fan des films de la maison de production A24, Sanzaru tombe en plein dans mes cordes. J’étais complètement fasciné par cette étrange histoire qui laisse une grande place à l’interprétation. C’est malaisant par moments et l’ambiance oppressante créée m’a complètement envahi. Les acteurs sont excellents, surtout Aina Dumlao et Jayne Taini, qui offrent une magnifique performance.
The Columnist de Ivo vant Aart a été une belle surprise pour moi. Le scénario de Daan Windhorst est complètement de son temps avec l’utilisation des réseaux sociaux. L’histoire propose des bons moments de tension et s’avère également drôle et juste assez cinglant. J’ai eu un plaisir fou à suivre cette chroniqueuse assoiffée de vengeance par ces hommes impitoyables dans leurs commentaires.
Jean-François Croteau
The Dark and the Wicked est le seul film de cette édition 2020 qui m’a réellement donné des frissons. Cette ferme familiale qu’a utilisée le cinéaste Bryan Bertino m’a littéralement glacé le sang. J’y ai aimé la simplicité du propos pourtant très sombre, le ton mélodramatique et l’extrême nuance avec lesquels les acteurs jouent.
Puisqu’on nous demande d’énumérer nos découvertes et coups de cœur du festival liés à l’horreur, je suis obligé de mentionner le chef d’œuvre Laurin, réalisé par Robert Sigl en 1989. L’équipe de Fantasia nous diffuse toujours des films mémorables moins récents pour leur donner un nouveau souffle. Il reste à souhaiter que restauration en 4K nous soit accessible en Blu-ray très bientôt. D’une opulence visuelle incroyable, cette fable macabre remet en question une série de tabous, alors que se dresse devant nous une intrigue rappelant le giallo italien. Je ne connaissais aucunement ce film avant le festival.
Anything for Jackson est une véritable surprise pour moi. Le réalisateur Justin G. Dyck est pourtant réputé pour ses téléfilms de Noel à l’eau de rose, et voir un film aussi raffiné d’un cinéaste moins épanoui a été un réel coup de poing. Un film d’horreur pour adultes, avec des adultes, et ancré dans une réalité canadienne. Trop souvent cantonné aux seconds rôles, l’acteur Julian Riching est tout simplement merveilleux aux côtés de la grande Sheila McCarthy qui m’épate depuis le film I’ve Heard the Mermaids Singing, datant de 1987.
Élise Lucie Henripin
Never read the comments. Don’t feed the trolls. Celles et ceux qui possèdent une personnalité un tant soit peu publique ont souvent de la difficulté à suivre ces règles d’or. C’est le cas de la journaliste Femke Boot, qui retrace ses détracteurs pour les éliminer dans la comédie cinglante The Columnist, qui traite de la censure et de la rage au féminin avec panache.
Le drame intime Bleed With Me remue le couteau dans la plaie des stigmates associées à la maladie mentale et à l’automutilation en faisant douter le spectateur de la crédibilité du personnage principal, une jeune femme qui soupçonne sa meilleure amie de la taillader dans son sommeil pour boire son sang. Les actrices (et l’acteur) évoluent avec naturel dans une atmosphère qui tient du rêve éveillé.
Quand une autrice réveille son mari en panique à cause d’un intrus, celui-ci répond nonchalamment que c’est simplement l’homme masqué qui tente de les tuer chaque nuit. Policiers, amis, docteurs: il n’y a que pour May que cet accident répété chaque fois de manière plus violente semble troubler. Lucky propose une métaphore saisissante du gaslighting, ce phénomène psychologique qui consiste à remettre en question et à dédramatiser les inquiétudes d’autrui.
Josianne Massé
The Mortuary Collection est un véritable crescendo de pur plaisir maîtrisé à la perfection. Sans faiblesse, ce qui est rare pour une anthologie, le film plonge le spectateur dans un univers où l’humour et le glauque s’entrecroisent du début à la fin pour offrir un divertissement de haut niveau. À voir absolument.
Les deux grands-parents satanistes du film canadien Anything for Jackson, interprétés par Sheila McCarthy et Julian Richings étaient parfaits. Ajoutez à cela des fantômes sortis tout droit de vos pires cauchemars (Marianne Sawchuk et Troy James étaient horriblement fabuleux dans leurs rôles). Un coup de coeur de Fantasia qui se retrouvera certainement dans mon top de l’année!
La fracturation hydraulique est effrayante dans la réalité alors le sujet est tout à fait approprié pour le film d’horreur Unearth, qui joue sur notre éco-anxiété. Avec en toile de fond les difficultés crève-coeur des fermiers et des gens qui vivent en région rurale, Unearth se démarque par son portrait réaliste et sa sensibilité face à ces réalités. Notons aussi que le film réussit à parler d’une adolescente-mère sans en faire un enjeu moral, ce qui est franchement rafraîchissant.
Mention spéciale aux courts-métrages d’horreur cette année qui étaient particulièrement effrayants!
Marc-Antoine Labonté
D’abord, gros coup de coeur pour l’hommage à Stuart Gordon. Fantasia a pu rassembler toutes les figures les plus importantes dans la carrière du maître pour une célébration touchante de sa vie et de ses réalisations artistiques. On a beaucoup ri et aussi beaucoup pleuré. Le panel aurait pu durer six heures tant on buvait chaque mot des divers intervenants. Tous nos cinéastes d’horreur favoris devraient recevoir ce traitement!
Mon film d’horreur préféré vu à Fantasia cette année est Hunted de Vincent Paronnaud. Le cinéaste français déconstruit totalement le genre du slasher jusqu’à en retrouver les fondements et leur injecter une dose bienvenue de poésie, de folie et de métatextualité. Hunted surprend à tous les détours et verse dans un surréalisme complètement maîtrisé. Une fable moderne dont les explosions de violence font grincer des dents.
Vient ensuite Sanzaru, mieux décrit comme un hybride entre les oeuvres d’épouvante du studio A24 et le cinéma du maître thaïlandais Apichatpong Weerasethakul. Film le plus effrayant montré à Fantasia cette année selon moi, Sanzaru emploie une grammaire atypique et déroutante. Il mène une vague récente de films gothiques qui représentent une Amérique en ruines et les familles brisées qui la constituent. Aina Dumlao excelle dans le rôle principal.
Je m’en voudrais finalement de ne pas mentionner Laurin, conte macabre germano-hongrois que Fantasia a sorti des limbes du cinéma (le film était inédit au Canada) dans une magnifique restauration 4K. Laurin emploie par moments les esthétiques du giallo et du cinéma gothique pour construire un récit psychosexuel vu à la hauteur d’une enfant confrontée à un tueur en série pédophile sosie de son père. Sordide et hypnotique.
Donald Plante
Nobuhiko Ôbayashi, réalisateur de Hausu, ne pouvait finir sa carrière plus en beauté qu’avec Labyrinth of Cinema, film post-mortem d’un cinéaste dont l’oeuvre est à découvrir. Son style est toujours aussi éclaté, pas facile à cerner, mais il s’agit visuellement d’une merveille à tout égard. En traitant de l’histoire militaire japonaise de manière naïve, on nous livre également l’une des plus belles lettre d’amour envers le cinéma.
The Columnist de Ivo van Aart est l’un des films les plus modernes de toute la programmation de Fantasia cette année. À l’ère où les personnalités publiques se font harceler et insulter via les réseaux sociaux, on ne peut pas faire plus écho à la haine que l’on peut y lire en commentaires. On ne peut s’empêcher de prendre pitié du personnage principal et de la suivre dans son long chemin de la vengeance. Un film très satisfaisant et hautement efficace.
Étant moi-même un grand fan d’Evil Dead, je ne pouvais rater Hail to the Deadites de Steve Villeneuve pour me rendre compte que je ne suis pas un si grand fan que ça, car ma collection est modeste en comparant à ce qu’on peut voir dans ce documentaire! On y présente passionné après passionné, collectionneurs, cosplayers… On connaît tous ces films d’horreur, mais ici, on donne toute la place à ces Deadites qui rendent cette franchise si vivante, et ce, même après près de 40 ans, et si unique, car cette passion est contagieuse.
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