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[Critique] Eileen : un jeu de séduction envoûtant, mais qui laisse sur sa faim

Depuis la sortie de sa mystérieuse bande-annonce, Eileen, le film de William Oldroyd adapté du roman éponyme écrit par Ottessa Moshfegh en 2015, intrigue les amateurs de thrillers psychologiques. Avec à l’avant-plan les talentueuses Thomasin Mckenzie et Anne Hathaway, l’œuvre s’annonçait extrêmement prometteuse, mais une question persiste : est-ce qu’Eileen accotera les attentes?

Eileen (Thomasin Mckenzie) est secrétaire d’un pénitencier pour jeunes garçons au Massachusetts lorsqu’arrive un jour Rebecca (Anne Hathaway), la nouvelle psychologue attitrée à l’établissement. Sa vie morne composée d’un père alcoolique et d’un emploi abrutissant basculera alors du tout au tout par l’unique présence de la séduisante Rebecca.

La femme fatale

Eileen est une jeune femme discrète, qui faute de prendre des risques, rêvasse en s’imaginant des scénarios exaltants depuis la fenêtre de son bureau. Avec des collègues aigries qui lui mènent la vie dure, une vieille bagnole qui lui enfume les poumons et un père alcoolique qui réclame des bouteilles chaque soir, la vie de la jeune femme de 24 ans semble sans issue.

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Lorsqu’une grande femme aux cheveux blonds soigneusement coiffés arrive dans sa voiture rouge criard dans le stationnement du pénitencier, la protagoniste est immédiatement chamboulée. La psychologue graduée d’Harvard et native de New York détonne de la fadeur de Boston par sa grande sophistication et ses méthodes professionnelles plus douces. La dualité entre cette figure de femme fatale que représente Rebecca et cette jeune fille insécure qu’est Eileen est enivrante. La relation homoérotique qu’elles partagent, à mi-chemin entre la séduction et l’amitié, se développe lentement à travers la première heure du film, en laissant le spectateur le temps de s’acclimater à leur dynamique complexe. Les actrices sont fantastiques dans leurs rôles respectifs : Hathaway est littéralement ensorcelante et Mckenzie joue avec une retenue calculée.

Un drame psychologique

On s’attarde longuement sur les détails du quotidien d’Eileen dans sa petite ville du Massachusetts en plein temps des Fêtes. La direction photo prend soin de peindre une atmosphère feutrée, aux couleurs chaudes et à la lumière diffuse évoquant les films d’Hitchcock des années 60. Les airs de jazz qui accompagnent ces images sont invitants et déroutants à la fois en laissant présager une inquiétude flottante par quelques notes dissonantes.

Sur cette mise en scène soignée, Eileen nous est présentée comme un petit oiseau blessé, assaillie par les commentaires désobligeants de son père qui la dénigre constamment et par le deuil de sa mère. Les strates psychologiques de sa personnalité, en passant de ses pulsions sexuelles, ses obsessions, jusqu’à ses pensées noires, nous sont étayées pendant la grande majorité du film telle une étude de cas. Ce faisant, l’aspect psychologique du film est priorisé en laissant de côté l’aspect thriller qui, malheureusement, manque de substance.

Un point culminant, puis plus rien

Lorsque Rebecca et Eileen se retrouvent pour la veille de Noël, tout dérape. Cela dit, même si le retournement de situation est vibrant sur le moment, avec un monologue sombre et révélateur, le pic d’adrénaline redescend rapidement et on boucle la boucle avec une ouverture floue qui nous laisse sur notre appétit. En d’autres mots : on en voudrait encore plus!

Malgré ce sentiment d’incomplétude, on est vite réconforté·e·s par la qualité de l’ensemble du long métrage qui se doit d’être regardé avec attention. Eileen demeure un film captivant où le désir embrouille la raison…

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Pour les fans...
de relations ambiguës homoérotiques
de thrillers hollywoodiens des années 60
de femmes fatales
3.5
Note Horreur Québec
Horreur Québec