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La sélection de la semaine – rétrospective d’Amy : « Rabid » (1977)

Avec les années, j’apprends à aimer le cinéma de David Cronenberg, parce que oui, je crois que c’est un cinéma que l’on doit apprivoiser. Au début de ma jeune carrière de cinéphile, j’avais de la difficulté à saisir son œuvre, je ne savais pas par où la prendre. Cronenberg a travaillé toute sa vie à construire une filmographie bien fournie, mais ô combien étrange et unique en son genre !

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Avec la sortie de The Shrouds, j’ai eu envie de me plonger dans les débuts de sa carrière, découvrir la genèse du cinéaste qu’il est devenu aujourd’hui. Ça tombe bien, puisque Criterion tient en ce moment une collection de Cronenberg sur leur plateforme ! Je n’ai fait ni une ni deux, je me suis ruée vers le site de streaming et mon choix s’est arrêté sur Rabid.

Étonnamment, ce film m’était complètement inconnu ! J’ai fait des études cinématographiques, on a parlé de David Cronenberg, mais je n’ai jamais entendu parler de ce film de 1977. J’ai donc fait une découverte à l’aveugle, sans attente et sans idée préconçue ! Comment vous dire que ça a été toute une ride !

Suite à un accident de moto, Rose (Marilyn Chambers) développe une rage de vivre propulsée par de curieuses pulsions. Sans trop savoir pourquoi, l’accident aura réveillé en elle un pan complètement bestial de sa personnalité. Elle a soif de sang, mais ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’elle est en train de créer une épidémie de rage sans précédent dans la métropole. 
Comment fera-t-elle pour vivre avec le monstre qu’elle est devenue ?
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J’ai tout aimé de ce film ! Peut-être est-ce dû à cet effet d’effervescence qu’ont pour moi les films de genre des années 70 et 80 : la texture de l’image, les couleurs, les accents… Pour moi, tout cela revêt un charme. Un sentiment de « j’aurais aimé vivre ces décennies-là ». Mais c’est certainement aussi dû à la tension qui se construit tranquillement, de minute en minute. Il est impossible de décrocher le regard de notre écran ! J’avais envie de savoir… en fait, j’avais besoin de savoir ce qui se passait avec Rose. Je voulais comprendre pourquoi cette femme, qui semblait si sympathique dans les premières minutes du film, se révélait finalement être une créature sordide. Le jeu d’actrice de Marilyn Chambers est honnêtement parfait pour Rabid. On sent la détresse de son personnage et on se surprend même à ressentir de la compassion pour elle.

Dans Rabid, les rues vous paraîtront peut-être familières, puisque le film a été tourné à Montréal. En fait, au début de sa carrière, David Cronenberg prenait plaisir à venir filmer en terrain montréalais. Contrairement à de nombreux cinéastes ayant emprunté les rues de la métropole pour leur donner des allures de New York ou d’un autre centre urbain américain, Cronenberg s’amuse avec l’architecture pleinement assumée de la ville. C’est un élément parmi tant d’autres qui permet de souligner l’originalité du film de Cronenberg.

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Je ne peux passer sous silence le choix d’actrice du cinéaste. Marilyn Chambers tient le rôle principal dans ce film qui finit par prendre des allures de film de zombies. Dans les années 70 et 80, Chambers était l’un des grands noms de l’industrie de la pornographie. Ce choix a certainement dû en faire jaser plus d’un lors de la sortie du film. Pour ma part, je trouve beau qu’une femme puisse jouir de son corps comme elle le souhaite à l’écran, que ce soit dans des films érotiques ou dans des films de fiction. Marilyn Chambers est un symbole de femme forte qui reprend le pouvoir sur son corps. La trame narrative du personnage qu’elle joue, Rose, résonne donc d’autant plus fort lorsqu’on constate que cette rage mutante qui s’est emparée d’elle lui permet, à elle aussi, d’être maîtresse de son corps.

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Même si l’on peut s’interroger sur la portée féministe de cette œuvre, notamment en raison de la nudité récurrente de Marilyn Chambers, parfois dénuée de justification narrative, et contribuant à une certaine hypersexualisation du personnage; Rabid intègre néanmoins une symbolique puissante à travers le concept du vagina dentata. Rose se retrouve avec un orifice sous le bras, une sorte d’arme cachée qui tue instantanément quiconque s’approche d’elle. Cet orifice, à la fois étrange et inquiétant, rappelle une zone génitale, et l’arme qui en sort a une forme clairement phallique. En mobilisant ce mythe ancestral, Cronenberg semble doter son héroïne d’un pouvoir ambivalent : à la fois objet de désir et entité dangereuse, Rose incarne une féminité à la fois vulnérable et indomptable, ce qui, pour moi, souligne que Rabid use ingénieusement du mythe du vagina dentata pour redonner un pouvoir à son héroïne.

Rabid a été, pour moi, une véritable découverte. C’est un film qui, malgré une représentation marquée par le male gaze, propose certaines pistes de lecture féministes, notamment à travers la reconquête du corps par son héroïne. L’histoire, bien que volontairement excessive, reste étonnamment cohérente dans son univers. Et il faut reconnaître que les scènes de violence sont efficacement mises en scène, contribuant à l’impact sensoriel du film sans tomber dans le pur voyeurisme.

Je rappelle que Criterion tient en ce moment une belle collection sur David Cronenberg, collection mise de l’avant sur leur plateforme de streaming. Vous y retrouverez assurément d’autres trésors cachés de ce grand cinéaste !

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