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[Critique] «The Devil All the Time»: rendre à l’Amérique sa laideur

Note des lecteurs4 Notes
2.5
Note Horreur Québec

Les films d’Antonio Campos ont toujours flirté avec l’horreur, que ce soit ceux qu’il a signé en tant que réalisateur ou bien ses productions via Borderline Films, compagnie co-fondée par lui. Borderline oeuvre dans la post-horreur, terme qui irrite nombre d’amateurs mais s’applique ici à la perfection. La bannière produit des drames glauques, qui ne craignent pas d’employer un langage familier au film d’horreur pour créer leur ambiance mais ne versent pas entièrement dans le genre pour autant.

Les cinéastes issus de cette école ont grandi en notoriété au courant de la dernière décennie. Pour son quatrième long-métrage, Campos profite ainsi du casting rêvé de tout amateur d’horreur moderne: Robert Pattinson (The Lighthouse), Bill Skarsgård (It), Haley Bennett (Swallow), Mia Wasikowska (Piercing), Riley Keough (The Lodge), Eliza Scanlen (Sharp Objects)… Ainsi qu’un certain Tom Holland (Spider-Man: Homecoming) dans le rôle qui reçoit le plus de temps d’écran.

the devil all the time

L’intrigue se déroule entre 1945 et 1965 dans les environs de Knockemstiff, petite bourgade d’Ohio. On y suivra tout un lot de personnages. Willard Russell (Skarsgård) a été marqué par son déploiement dans le Pacifique au courant de la seconde guerre mondiale et lorsque sa femme se retrouve atteinte d’un cancer, son équilibre mental menace de basculer. Roy Lafterty est un preacher charismatique dont la santé mentale périclite aussi, dans son cas après qu’il ait marié Helen Hatton (Wasikowska). Sandy (Keough) et Carl (Clarke) forment un couple de tueurs en série qui écument les petites routes de campagne à la recherche de leur prochaine victime. Et il y a Arvin (Holland), dont la soeur tombe sous le charme d’un preacher aux intentions assez louches (Pattinson). Le destin de tous ces personnages va se croiser à-travers plusieurs sous-intrigues chargées en meurtres et suicides.

L’histoire est tirée d’un roman de Donald Ray Pollock, qui fournit d’ailleurs sa narration en voix off au film. Si les nombreux personnages étaient peut-être assez développés dans un contexte littéraire, un film de deux heures ne parvient pas à leur rendre justice. Les différentes intrigues sont squelettiques et peinent à amener de l’eau au moulin. Il s’agit d’un risque récurrent lorsque l’on cherche à porter au cinéma un texte dans la mouvance de la great american novel, qui représente le caractère national étasunien par les relations entre toute une communauté. La voix hors champ tente de mettre en contexte ce grand ballet de morts violentes en nous expliquant les émotions des personnages, comme si le cinéaste s’était dit que nous les montrer serait superflu.

Campos nous avait habitué à sa philosophie assez misanthrope, mais dans ses films précédents elle se mariait à un discours intéressant sur le grand vide de la modernité. Cette fois, on a l’impression d’assister à une réflexion de surface sur la reproduction cyclique de la violence… Doublée d’une charge anticléricale et d’un cynisme qui envahit chaque plan du long-métrage. La vision du monde du cinéaste s’avère tellement désincarnée qu’elle en devient auto-caricaturale.

Le récit semble ne posséder qu’une seule tonalité, ce qui devient lassant bien avant l’arrivée du générique. Les personnages sont introduits et presqu’aussitôt éliminés de façon graphique. On a davantage l’impression qu’ils sont des pantins au service d’un propos que de véritables êtres humains.

En revanche, l’impressionnant casting garde la tête du film hors de l’eau en proposant de bonnes performances dans la mesure de ce qui leur est accordé. La direction photo de Lol Crawley entretient une ambiance suffocante et le film gagnera certainement quelques adeptes par sa violence graphique et radicale. The Devil All the Time nous saute à la gorge dès ses premiers instants et ne lâchera pas sa prise jusqu’à l’arrivée du générique. Pour le meilleur comme le pire.

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