C’est qu’on a eu de la grande visite à Montréal cette semaine : le compositeur Fabio Frizzi, bras droit du plus fou des réalisateurs de l’horreur transalpine, qu’on surnommait le Parrain du gore, feu mæstro Lucio Fulci (1927–1996). Il faut savoir que la paire a collaboré sur pas moins de dix longs métrages sortis entre 1975 et 1990, dont neuf en à peine sept ans, incluant évidemment bon nombre de films de notre genre préféré.
Né un soir d’Halloween en 2013, son groupe de rock progressif Frizzi 2 Fulci reprend en concert — vous l’aurez deviné — les musiques que le premier a composées pour les films du second. Bien que le groupe ait tourné en Amérique à quelques reprises dans le passé, il n’avait joué qu’une seule fois au Canada (à Toronto, il y a déjà dix ans).
Après avoir fait paraître plusieurs albums en concert, le groupe est passé en studio pour réenregistrer les trames sonores des classiques cultes tels que The Beyond (2019) et Zombie (2023), en mode Composer’s Cut : des versions extrapolées des partitions originales, sorties chez Cadabra Records.
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Zombi 2 : le Jaws des films de cadavres cannibales
Sorti initialement en 1979, Zombie (alias Sanguella, The Island of the Living Dead, Nightmare Island et L’Enfer des zombies en VF) n’est pas seulement l’un des préférés des fans de Fulci : c’est aussi l’un des meilleurs — et des plus délinquants — films de morts-vivants de tous les temps. Rien de moins. Et c’était justement pour performer à l’image ses musiques que le groupe était en ville. Si vous n’avez jamais visionné ce classique culte, sachez qu’il est présentement disponible sur Shudder (sous le titre Zombie Flesh Eaters), en location (Apple TV, Google Play, YouTube) et en plusieurs formats physiques (BluRay et 4K chez Blue Underground).
Peu après 20 h, Fabio Frizzi et son groupe sont arrivés sur la scène du Théâtre Fairmount. Tout près des claviers de Frizzi, placés à l’avant-scène, s’assirent côté jardin Francesco Saguto et Riccardo Rocchi, guitaristes jazz et classique, respectivement.
À tribord toute, on retrouvait les prog-rockeurs (et parfois métalleux) de la bande. Assis près de l’écran, il y avait le bassiste Roberto Fasciani (Dogmate, Ilenia Volpe, Steel Seal, Dunwich), derrière le batteur Federico Tacchia (Flying Elephants Circus, USCITA17) et son kit installé de côté, puis devant, un deuxième claviériste : Alessio Contorni (Setanera, Astarte Syriaca, Sailing to Nowhere).
![[Review] ZOMBIE : concert / projection d'exception avec Frizzi 2 Fulci 15 DSF3059](https://cdn.horreur.quebec/wp-content/uploads/2025/05/DSF3059-675x450.jpg)
D’emblée, Frizzi prit le micro pour remercier chaleureusement la foule dans un excellent français, visiblement ému de performer à Montréal pour la toute première fois. Près de 200 spectateurs s’étaient déplacés, toutes et tous ravis d’enfin assister à un concert-projection de Frizzi 2 Fulci. Mais les néophytes se demandent peut-être : quelle est la prémisse de cette fausse suite d’un classique de George A. Romero produit par Dario Argento ?
Eh oui, les Italiens ont toujours su vendre leurs films en « empruntant » la notoriété des succès américains. Comme Dawn of the Dead se nommait Zombi en Italie (avec en prime une trame sonore de Goblin), ce Zombie-ci fut titré Zombi 2 (parce que pourquoi pas, hein), bien qu’il n’ait aucun lien narratif avec le précédent. Tourné en République dominicaine, le film s’éloigne de la critique du capitalisme chère à Romero.
Après que le yacht de son père est retrouvé à la dérive dans le port de New York City, une jeune femme, inquiète, part à sa recherche dans les Caraïbes avec un journaliste plus ou moins intrépide. Une fois sur place, ils embarquent avec un couple de vacanciers vers l’île du docteur Menard, où règnent une odeur de mort… et pire encore. Évidemment, ça finira très mal.
Au générique, en plus de Luigi Conti alias Al Cliver (qu’on reverra dans huit autres films de Fulci), on retrouve deux acteurs britanniques et une actrice américaine ayant tourné en Italie : Ian McCulloch (Zombie Holocaust, Contamination), Richard Johnson (Island of the Fishmen, The Great Alligator River) et Tisa Farrow (Antropophagus, The Last Hunter), sœur de Mia « Rosemary’s Baby » Farrow.
Avec six musiciens, on se doutait bien qu’on aurait droit à une version plus musclée du score original, principalement articulé autour des claviers de Frizzi et de son ami Maurizio Guarini (Goblin). Durant la projection, l’action était parfois appuyée par des crescendos lourds et puissants, avec guitares en distorsion, frôlant le métal.

Comme lors de la formidable scène d’intro sur un bateau apparemment abandonné, abordé par des policiers rapidement surpris d’être accueillis par un zombie affamé, boueux, ventru et bien pourri. Les fans ont bien sûr reconnu Fulci dans son caméo de rédacteur en chef, et on s’est réjoui de voir Frizzi saisir sa guitare classique une fois rendus dans les tropiques. Quel bonheur de voir le compositeur, tout sourire, diriger son groupe de rock progressif avec autant de plaisir. Et le son ? En s’il vous plaît, comme on dit par ici.
Le principal bémol : la hauteur du plafond du Fairmount, qui rendait ardu le visionnement du film. Il était difficile de voir l’intégralité de l’écran LED avec les musiciens sur scène. Mais qu’à cela ne tienne — on s’en foutait un peu —, la majorité avait déjà vu Zombie à maintes reprises. Et surtout, ça groovait grave. Il y avait même des moments franchement funky, surtout lorsque le sextuor jouait par-dessus les pistes originales et leurs rythmiques caribéennes évoquant les rituels vaudous. Ça sifflait, chahutait et applaudissait souvent, que ce soit après les pièces musicales (au grand plaisir de Frizzi) ou durant des scènes iconiques.
On parle bien sûr de la fameuse scène entre la plongeuse, un mort-vivant et un requin (devinez qui gagne ?). Ou celle où la femme du docteur se fait atrocement crever un œil par la plus grosse écharde jamais vue (et ce, dans une scène presque sans musique !). Ou encore, de la découverte du festin de cadavres animés par nos quatre navigateurs, qui finiront par trouver bien pire que des vers dans la terre du cimetière, incluant la star du poster !
Et que dire du doublage américain (oh, que ça joue gros !) et de l’ambiance western spaghetti régnant sur l’île, avec sa palette sépia, sa météo venteuse et sablonneuse, et des musiques qui accompagnent parfaitement le tout… Il ne manquait qu’un tumbleweed virevoltant au vent.
Après l’incroyable finale, où l’hôpital de fortune est mis à feu et à sang sous les balles de fusil calibre 12 (suivie d’un épilogue aussi magnifique qu’apocalyptique sur le pont de Brooklyn), le groupe nous a offert une bonne demi-heure de thèmes de Frizzi tirés d’autres films de Fulci.
Post-Zombie
Saguto, Rocchi et Fasciani se sont levés de leur chaise pour rocker les thèmes de City of the Living Dead (alias The Gates of Hell ou Frayeurs, 1980), Manhattan Baby (1982), Cat in the Brain (1990), et deux pièces tirées du sublime The Beyond (L’Au-delà, 1981), en mode groove-funk progressif, rappelant parfois Rush, King Crimson, et bien sûr, Goblin.
On a aussi eu droit à la superbe pièce Sette Note, tirée de The Psychic (Seven Notes in Black / L’Emmurée vivante, 1977), qu’on a pu entendre chez Tarantino dans Kill Bill Vol. 1. En guise de cerise sur ce sundae joyeusement ensanglanté, Frizzi et ses amis nous ont offert, en rappel, une pièce tirée d’un film de Lamberto « fils de Mario » Bava — probablement Monster Shark (Devil Fish / Le Monstre de l’océan rouge, 1984).
Bref, du bonbon. En espérant que Frizzi 2 Fulci repassera par ici avant longtemps, pour nous interpréter The Beyond à l’image !
P.-S. : Suivra sous peu notre entrevue exclusive avec Fabio Frizzi sur les ondes de Métal Maniaques.
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