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[Critique] Run Sweetheart Run: sprint infernal

Run Sweetheart Run (Cours ma jolie, cours) est arrivé chez Prime Video le 28 octobre dernier. La scénariste et réalisatrice Shana Feste (The Greatest, Endless Love) nous y raconte l’histoire d’un rendez-vous aux allures idylliques qui prend une tournure sinistre sans crier gare. Le film met à l’écran Ella Balinska (Resident Evil 2022) et Pilou Asbaek (Game of Thrones), qui s’engagent sous nos yeux dans une chasse à la femme effrénée.

Cherie, jeune mère célibataire, se fait demander par son patron d’aller à un souper d’affaires auquel il ne peut (supposément) pas se présenter. D’abord réticente, elle est agréablement surprise de faire la connaissance d’Ethan, un homme élégant et charmant qui saura rapidement la séduire. La soirée allant de bon train, elle accepte de prendre un dernier verre chez lui. C’est à ce moment que tout bascule. Un revirement de situation inattendu l’embourbe alors dans un dangereux jeu du chat et de la souris.

Sois belle et la proie

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Nous sommes présentés à Cherie dans le cadre de son travail au sein d’un cabinet d’avocats. Aussitôt, on peut sentir le machisme de l’environnement dans lequel elle tente de se tailler une place. Les échelons seront longs à gravir, les faveurs et demandes spéciales devront être acceptées d’emblée. La première séquence met bien en évidence la couleur rouge sang, symbole d’un message qui désire être passé au cours des 100 quelque minutes à venir. Et messages il y a!

Présenté de comme un drame d’horreur sauce thriller, Run Sweetheart Run se veut avant tout une allégorie de l’oppression de la femme et de l’inégalité des sexes. On a d’ailleurs pu voir cette année plusieurs films qui traitent de ce sujet épineux en toile de fond: Don’t Worry Darling, Barbarian ou X et Pearl font partie de ces œuvres qui exposent fièrement des personnages féminins en quête de reconnaissance bien méritée.

Tandis que certains réalisateurs utiliseront une méthode plus fine pour livrer leur message, certains seront volontairement (ou non!) moins délicats. Dans le cas de Run Sweetheart Run, les intentions sont exposées sans retenue. Bien que Feste débat un point plus que valide, son approche pourrait bénéficier d’un peu plus de subtilité pour éviter que sa critique ne vienne faire de l’ombre au reste de l’histoire et ainsi briser le fragile équilibre nécessaire à la réussite d’un film d’épouvante socialement engagé.

Savoir doser son originalité

Run Sweetheart Run se distingue toutefois par des méthodes hors du commun qui nous laissent croire, par moments, que nous sommes face à quelque chose de complètement différent et donc digne de notre attention soutenue. À quelques reprises, la réalisation se permet de briser le 4e mur et s’adresse directement à nous. On se sent alors témoins et complices de cette course folle à l’issue encore incertaine. Le mot RUN! envahit l’écran à quelques reprises, découpant ainsi le film comme des tableaux de jeux vidéo. Cette technique donne l’impression que tout est possible.

Toutefois, quand tout est concevable, le piège est de tomber dans l’absurde ou l’illogisme. Et malheureusement, le film se dépossède de sens au travers son exploitation de concepts multiples. La nature humaine et cruelle explorée au départ semble prometteuse. Mais plutôt que de poursuivre dans cette voie sans pitié, le film change de registre et la menace se met à gronder différemment. Ce virage douteux en fera certainement sourciller plus d’un.

Ni vu ni connu

Autre particularité à noter: les parties horrifiantes et les scènes de violence sont presque exclusivement présentées hors champ, le son étant notre seul guide pour savoir ce qui se passe pendant qu’on regarde ailleurs. Sinon, un saut dans le temps est inséré dans l’histoire et on atterrit soudainement 5-10-15 minutes plus tard (qui sait?), où seuls les corps abîmés nous laissent comprendre que le combat fut féroce. On peut spéculer que ce choix a été fait pour laisser travailler l’imagination du spectateur, pour préserver les cœurs sensibles ou encore pour masquer un manque de budget au niveau de la production…

Le jeu des acteurs réussit tout de même à sauver la mise. Sans cet aplomb, Run Sweetheart Run passerait inévitablement sous le radar des amateurs du genre. Une fois encore, un film qui a misé sur de grandes ambitions plutôt que sur la simple et efficace raison… de faire peur!

Note des lecteurs2 Notes
Points forts
Jeu des acteurs
Concepts originaux
Points faibles
Mélange de genres confus
Critique sociale intéressante mais trop flagrante
2.5
Note Horreur Québec
Horreur Québec