L’année touche à sa fin et 2025 aura une fois de plus confirmé l’insolente vitalité du cinéma de genre. Entre le retour de franchises cultes, des réinterprétations ambitieuses de classiques et des propositions originales qui ont bousculé le calendrier, le millésime 2025 s’est révélé d’une diversité étonnante. C’est une année où le spectaculaire a côtoyé l’expérimental, prouvant que l’horreur reste le terrain de jeu le plus fertile du cinéma actuel.
Pour l’équipe d’Horreur Québec, l’exercice du classement fut un véritable défi. Des œuvres viscérales aux cauchemars psychologiques, il a fallu trancher dans le vif pour isoler ce que l’année a produit de meilleur.
Voici donc, sans filtre, les films qui ont marqué nos rétines et hanté nos nuits au cours des douze derniers mois.
The Ugly Stepsister
Le choix de Solenne d’Arnoux de Fleury
Avec The Ugly Stepsister, la réalisatrice norvégienne Emilie Blichfeldt signe un premier long métrage qui revisite Cendrillon sous un angle viscéral et profondément charnel. Fini les carrosses scintillants : la quête de beauté y devient un rituel de mutilation, inscrit dans une esthétique vénéneuse inspirée du XVIIIe siècle. Elvira, interprétée avec une intensité troublante par Lea Myren, s’engage dans une transformation douloureuse pour séduire un prince inaccessible, encouragée par une mère prête à tout pour survivre.
La réussite du film tient d’abord à son univers visuel, puisant autant dans le cinéma d’Europe de l’Est des années 60-70 que dans le body horror de Cronenberg ou de Ducournau.
Décors fanés, corps suppliciés, lumière maladive : la décrépitude devient langage. Mais Blichfeldt ne s’arrête pas à l’esthétique. Elle questionne frontalement la beauté comme monnaie d’échange, rappelant que le corps féminin reste un territoire de contrôle et de douleur.
Sans héroïser ni condamner ses personnages, le film expose les mécanismes d’un système qui broie. Le récit retrouve l’esprit originel des contes : cruel, humain, intranquille.
Avec une telle proposition, Stepsister rejoint sans hésitation mes coups de cœur de 2025.
Good Boy
Le choix d’Uncle Gil
Qu’on les apprécie ou non, nous sommes à une époque où les hommages et les remakes se succèdent jusqu’à ce qu’ils nous sortent par les oreilles. Nous restons tout de même en quête de cette œuvre singulière, surgissant de nulle part comme un chien sans médaille. C’est le cas de Good Boy de Ben Leonberg.
Ce qui rend Good Boy si particulier, c’est évidemment que le film se déroule du point de vue du chien. Les plans sont filmés à hauteur de ses yeux, voire à travers eux, créant une immersion à la fois intrusive et incroyablement efficace. Véritable défi cinématographique, le tournage s’est étalé sur plus de 400 jours, répartis sur environ trois ans, pour un résultat franchement réussi et marquant.
Malgré une influence évidente, mais assumée, provenant du dessin animé de 1999: Courage le chien froussard (Courage the Cowardly Dog), Good Boy demeure un film original et brillant, qui se distingue par son ambiance unique et son audace. Ce qui lui donne, sans l’ombre d’un doute, une place dans le top de 2025.
Bring Her Back
Le choix de Kristof G.
Ô qu’il était attendu ce deuxième film des frères Danny et Michael Philippou, après la claque assénée par Talk to Me en 2022, alors que les jumeaux australiens n’avaient que 29 ans. Et faites-nous confiance : moins vous en saurez sur ce tout-puissant drame horrifique estampillé A24, plus intense sera le choc.
La refonte d’Evil Dead vous avait flanqué un PTSD? Et la série sur Ed Gein vous a dégoûté et/ou irrité? Bring Her Back va vous terrasser tant il est maîtrisé!
C’est que les performances sont irréprochables (menées par une Sally « The Shape of Water » Hawkins habitée), les effets percutants (et salement salissants) et la réalisation sans faille. Autant en termes de photo et de montage qu’au niveau sono, c’est stylé, inventif et toujours au service de l’insidieuse prémisse.
Cette dernière fait rimer répulsion avec manipulation, obsession, possession, mutilation et putréfaction, dans une histoire de famille(s), d’humains aussi imparfaits que brisés, de traumas et de toxicité, sur la différence, l’identité et l’impact de la violence. Ponctué de moments douloureux ou terrifiants, le scénario est foutrement perturbant, parfois étouffant, se dépliant habilement, avant de nous broyer le cœur lentement mais sûrement.
Bref, l’horreur à son meilleur, dont on ne ressort jamais indemne. Car les Philippou ont clairement tout compris : Bring Her Back est un putain de chef-d’œuvre à voir à tout prix. Et ne pas nous obéir serait une véritable tragédie. Vous aurez été avertis.
Weapons
Le choix de Anne Dauphinais
Scindé en six points de vue distincts, Weapons nous entraîne dans les recoins les plus obscurs d’un mystère lourd et sinistre. En explorant la détresse humaine et les forces occultes, le film s’appuie habilement sur les codes du genre pour nous maintenir sur nos gardes, paranoïaques et anxieux.
Après nous avoir tenus sur la corde raide avec Barbarian en 2022, Zach Cregger parvient une fois de plus à nous faire douter de notre sécurité dans un univers incertain, ponctué d’une subtile pointe d’humour qui nous permet de souffler… brièvement.
Mention spéciale à l’ensemble de la distribution qui livre des performances poignantes, crédibles et parfois même bouleversantes. Un film à revoir encore et encore pour en dénicher chaque indice et symbole soigneusement dissimulé.
Weapons hantera probablement votre esprit… bien après 2 h 17.
The Undertone
Le choix de Miguel de Plante
Véritable surprise lors de l’édition 2025 du festival Fantasia, The Undertone est une petite pépite indépendante qui risque fort bien de passer sous le radar, mais qui vaut tout de même qu’on s’y intéresse. Malgré sa simplicité formelle et l’économie d’effets qu’oblige son intrigue basée exclusivement sur le son, il s’agit du film d’horreur qui m’aura donné le plus de frissons cette année.
Evy (Nina Kiri) est contrainte d’habiter dans la maison de sa mère mourante pendant quelques jours. Le climat dans la demeure est lourd et austère. Evy parvient néanmoins à s’échapper de cette atmosphère de deuil en travaillant sur un projet personnel, un podcast à thématique surnaturelle qu’elle enregistre à distance avec Mike, son collègue.
Écouteurs aux oreilles, lumières tamisées au milieu de la nuit, Evy se met dans l’environnement le plus glauque possible et plonge tête première dans l’horreur, afin de se sauver de celle qui hante les lieux.
Le traitement sonore est la force majeure du film, qui utilise l’ambiance afin de créer une tension constante. Les enregistrements audio du podcast mettent la table pour un sentiment d’effroi qui cumule avec les événements étranges qui s’accumulent dans la maison où Evy reste, seule, entourée du rayon de lumière de la seule lampe qu’elle allume une fois la nuit tombée. On reconnaîtra des élans du style de Skinamarink au niveau de la mise en scène et de l’horreur qui passe principalement par le non-dit et les espaces sombres menaçant les personnages.
Le film a plusieurs défauts qu’on peut attribuer au manque de budget et à certaines erreurs scénaristiques. Mais le concept est original, réussi, et malgré son imperfection, il mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour que cette œuvre ne passe pas sous silence, et que vous tentiez le coup si l’occasion se présente.
Lurker
Le choix de David Machado
Écrit et réalisé par Alex Russell, qui signe ici ses débuts à ces deux postes pour un long métrage, le film aborde la duperie, la manipulation et le pouvoir de l’influence. Le tout est ancré dans l’univers de la production musicale, où une poignée de jeunes adultes tentent de réussir au sein d’une hiérarchie illusoire.
Matthew (Théodore Pellerin) fait la connaissance de la « pop star » Oliver (Archie Madekwe) sous des prétextes douteux, et se voit instantanément accueilli dans son parcours musical. Au fil du récit, Oliver manifeste les traits typiques d’une icône, traitant ses soi-disant « subalternes » comme des pions à son propre profit. Toutefois, Matthew a son propre plan pour atteindre le sommet et ne se fixe aucune limite pour assurer son ascension. Son attitude menaçante et sa gestuelle ne trahissent aucune empathie pour quiconque, y compris pour ceux qui semblent proches de lui.
Si le film prend la forme d’un drame, il emprunte de nombreuses facettes au suspense, à la comédie et au thriller, s’imposant comme une œuvre éclectique à voir absolument éclectique à voir absolument.
Sinners
Le choix de Rachid Sellami
Parce que c’est une anomalie industrielle à 90 millions de dollars dans un paysage horrifique qui tourne trop souvent en rond. Un film presque impossible, tant il ose brasser large : mythologie vampirique, héritage culturel, violence brute et réflexion identitaire, sans jamais donner l’impression de se perdre. On sent le vertige derrière chaque plan, cette audace rare qui fait naître la peur… mais la bonne, celle du risque artistique.
Ryan Coogler signe ici la preuve éclatante qu’un scénario original, ambitieux et populaire peut encore exister à Hollywood. Sinners est un film hybride au sens noble : il fusionne les genres sans les diluer, les respecte tout en les tordant, et injecte une énergie neuve à une figure du vampire usée jusqu’à l’os. Résultat : une créature à nouveau dangereuse, sensuelle et politique.
C’est aussi un pur divertissement de plus de deux heures, généreux, frontal, jamais aseptisé, jamais poli pour plaire. Un film qui mord, qui saigne et qui assume son irrévérence. Et comme si cela ne suffisait pas, Michael B. Jordan y déploie un double jeu magnétique. Deux fois plus de présence, deux fois plus de menace. Un choc.
Resurrection
Le choix de Jean-François Croteau
À une époque où le cinéma fait davantage office de machine à sous que de vitrine artistique, certains cinéastes de la trempe de Bi Gan nous rappellent que le cinéma peut encore nous emporter.
Peu de qualificatifs existent pour exprimer l’abondance d’émotion, l’émerveillement et la fascination que j’ai ressentis lors du visionnement du film Resurrection. Les hommages à Nosferatu, au Cabinet du docteur Caligari et à d’autres films du cinéma des premiers temps m’ont absorbé dès l’ouverture. Alors qu’on en vient à se dire qu’on a atteint un sommet visuel et technique, voilà que ça continue.
Traverser un film de 2 h 40 qui repense le cinéma, sa valeur et son influence est une expérience inoubliable en soi, mais y percevoir cette figure vampirique de l’artiste qui vampirise sa réalité pour mieux s’en inspirer et la raconter donne lieu à un voyage grandiose.
Eddington
Le choix de Jason Paré
Bien que les événements du film se passent pendant la pandémie, Eddington s’inscrit judicieusement dans l’air du temps actuel, par ses thèmes, mais également par la mise en scène de la polarisation qui déchire nos sociétés. Une manière parfaite de revisiter l’atmosphère délétère de 2025.
Conservateurs, progressistes, complotistes, wokes, tout le monde en prend pour son rhume dans le film d’Ari Aster où l’intolérance, la désinformation et l’intimidation sont exploitées par tous les camps pour arriver à leurs fins. Le tout est saupoudré d’une touche d’humour qui fait mouche dans cette satire sociale qui ne fait pas dans le politiquement correct (ce qui risque de déplaire à celles et ceux qui se sentiront visés).
Joaquin Phoenix excelle dans son rôle d’antihéros qui perd tous ses repères et Pedro Pascal dans celui d’un politicien qui a peu de scrupules. Eddington s’avère un film noir bien ficelé proposant des retournements de situation souvent inattendus, frôlant parfois l’absurde. Cela ne l’empêche pas d’être un portrait acéré de l’Amérique, un peu à l’image du film Civil War d’Alex Garland sorti l’année précédente.
The Conjuring : Last Rites
Le choix de Julia L’Écuyer
The Conjuring : Last Rites arrive comme une belle conclusion à l’univers d’Ed et Lorraine Warren, et réussit à clore cette saga avec une intensité maîtrisée. Le film rassemble tout ce qui fait la force de la franchise : une atmosphère lourde, la dynamique du duo Ed-Lorraine et une mise en scène qui sait jouer avec les nerfs du public, avec de bons jump scares, par exemple. Cette dernière enquête donne l’impression d’un chapitre final bien pensé, comme un hommage à ces deux figures emblématiques du paranormal que l’on suit depuis longtemps.
L’histoire se distingue par son rythme efficace et par la manière dont elle mêle habilement les éléments surnaturels et effrayants aux beaux moments partagés par la famille Warren. Le résultat de The Conjuring : Last Rites : une clôture solide, prenante et satisfaisante, qui laisse une bonne impression et signe l’héritage cinématographique des Warren.
Ne vous méprenez pas : ce dernier volet n’est peut-être pas le plus solide de la série, mais il a réussi à tirer son épingle du jeu, méritant amplement sa place parmi les œuvres cinématographiques marquantes de l’année 2025!
Frankenstein
Le choix d »Amy Rioux
Un soir de novembre, ma meilleure amie décide de me faire découvrir son obsession du moment, un film à l’univers fantastique et à l’esthétique épatante. C’est ainsi que Frankenstein m’attend au détour et m’envoûte, me saisissant au corps par son récit et au cœur par ses personnages.
Guillermo del Toro fera éternellement parler de lui. Cinéaste de grand talent, aux films qui font rêver tout en faisant frissonner, sa valeur n’est plus à prouver. Il est connu, attendu, et cette fois encore il frappe fort avec son interprétation de Frankenstein.
À la fois enfantin, candide et profondément philosophique, Frankenstein est doté d’une légèreté qui nous réapprend à respirer et à prendre le temps. À l’image de Bella (Poor Things de Yorgos Lanthimos), la Créature nous permet de redécouvrir le monde dans lequel on vit.
Les couleurs, les sons, les textures… avec Jacob Elordi, on vit une seconde naissance.
C’est par ce mélange de drame, de fatalité et de candeur que del Toro m’a charmé avec Frankenstein.
28 Years Later
Le choix de Matthieu Côté
Après 28 Days Later et 28 Weeks Later, c’est avec beaucoup d’anticipation que Danny Boyle nous a livré 28 Years Later cette année, après une première bande-annonce fracassante et une campagne marketing grandement réussie.
Un des aspects du tournage qui a beaucoup fait jaser est l’utilisation des iPhone 15 Pro comme caméra principale, un pas de plus vers une nouvelle ère cinématographique, mais aussi le tournage simultané d’une trilogie qui nous relance dans ce monde déchu post-apocalyptique. Même si le film n’a pas exactement fait l’unanimité, on y retrouve le niveau d’ambition qui était présent dans les volets précédents, avec du mordant et du cœur au ventre.
Le résultat final est un mélange de tension extrême et de messages sociopolitiques, enroulés dans un drame familial qui met de l’avant la relation père-fils de deux survivants de l’invasion zombie. Au-delà de l’innovation technique, qui nous livre des séquences déroutantes et immersives, on y retrouve des performances déstabilisantes, comme celle de Ralph Fiennes, qu’on retrouvera dans le prochain opus, 28 Years Later: The Bone Temple, dès le 16 janvier 2026.
Si le manche du zombie alpha ne vous a pas trop traumatisé, c’est un rendez-vous à ne pas manquer!
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