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Entretien avec Ari Aster: dans l’esprit du maître derrière «Beau is Afraid»

Après le succès de Hereditary et Midsommar, les attentes étaient élevées pour le troisième opus dans la filmographie d’Ari Aster, qui fait à nouveau équipe avec la célèbre maison de production A24.

Avec Beau is Afraid (Beau a peur), le cinéaste nous lance dans une odyssée extraordinaire et surréaliste où un homme (Joaquin Phoenix) tente de rejoindre sa mère contre vents et marées.

Pour souligner la sortie du film, qui semble étrangement thérapeutique pour son auteur, le cinéaste était de passage à Montréal — l’endroit parfait pour discuter du film — et Horreur Québec a eu la chance de s’entretenir avec lui.


Matthieu Côté: Je tiens d’abord à dire que c’est un excellent film, je l’ai adoré. Je suis un grand fan de Hereditary et de Midsommar, c’était donc bien de retrouver votre style sur grand écran et Beau is Afraid semble être un film personnel, donc c’était très intéressant à voir.

Ari Aster: Merci.

MC: Puisque nous sommes à Montréal, je voulais discuter de la décision de tourner à Montréal. Je ne suis pas de Montréal personnellement, j’adore Montréal, mais il y a un certain niveau de chaos, de saleté et de bruit dans la ville qui en fait un choix parfait pour le monde que vous peignez dans ce film. Quelles ont été les raisons qui vous ont amené à tourner ici?

AA: Eh bien, ça commence par les incitatifs, n’est-ce pas? C’est moins cher de faire le film ici que presque n’importe où aux États-Unis, et quand nous sommes venus visiter, ça avait du sens. Tout ce dont nous avions besoin était ici. Nous avions besoin d’eau, de banlieues et d’une zone urbaine, donc tout s’est bien passé. Et puis, vous avez de très bons studios avec MELS et tous ces gens-là. Tout a fonctionné. Et nous avions un film beaucoup plus grand que le budget qui nous était disponible, nous devions donc l’utiliser le plus judicieusement possible et nous pouvions le faire ici. Mais c’était un endroit formidable pour tourner, nous avions des équipes de tournage incroyables.

MC: Était-ce votre première fois à Montréal?

AA: C’était ma première fois à Montréal, mais Pawel Pogorzelski, le directeur de la photographie, est de cette ville. Il a grandi ici.

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Crédit photo: Sphère Films

MC: La séquence d’animation est l’un de mes moments préférés de Beau is Afraid. Il y a plusieurs moments stressants tout au long du film, mais c’est un moment où vous pouvez simplement vous détendre et profiter du paysage. À quel moment de la production avez-vous décidé de contacter Cristóbal León et Joaquín Cociña pour collaborer sur ces scènes?

AA: Au début, ce n’était pas clair que la séquence serait animée. Je pensais que ce serait juste un décor de scène parce qu’il entre dans une pièce de théâtre, et puis j’ai réalisé que je voulais aller un peu plus loin en jouant avec la forme. Je souhaitais avoir des éléments animés qui interagissent avec ce que nous allions faire avec cette séquence. Nous avons donc commencé à regarder des maisons d’animation, et il y a quelque chose de plutôt impersonnel à propos de ce qu’ils faisaient, mais aussi la variété — ils ont tous des styles différents — et je n’arrivais tout simplement pas à m’enthousiasmer pour l’un d’eux, même si plusieurs étaient clairement peuplés d’artistes vraiment brillants. Mais ensuite, je me suis souvenu avoir vu ce film, La casa lobo (The Wolf House) de Cristóbal León et Joaquín Cociña.

MC: C’est un excellent film.

AA: C’est un chef-d’œuvre. Je me souviens avoir été complètement époustouflé. Et je me suis dit que ce serait plus difficile d’attirer des gens comme eux pour le film, car ce sont des artistes qui font leur propre travail. Je préférerais travailler avec des gens comme eux, si je le peux, pour que ce ne soit pas seulement une mission, mais que ce soit une œuvre d’amour.

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Crédit photo: Sphère Films

MC: Combien de temps avez-vous mis pour tourner cette séquence? Était-ce la séquence la plus difficile à filmer?

AA: Ce n’est pas seulement la prise de vue, c’est plus que ça. C’est la construction, c’est l’animation. La prise de vue est facile. C’est le processus qui vient après et celui qui précède qui a pris plus de temps. Mais j’ai eu de la chance qu’ils soient enthousiastes à l’idée de faire le film et à la fin, je les ai fait concevoir le look de ce qui est sur scène. C’est un environnement très artificiel et plat, surtout quand il [Beau] entre dans la pièce, donc ils l’ont peint — du moins les concepts ont été peints par eux — puis nous avons eu des membres de l’équipe à Montréal pour les reproduire sur scène. Ensuite, il s’agissait de jouer avec le look de cet univers: dans quelle direction devons-nous aller, à quel point devons-nous le rendre naïf? L’idée était de rendre une esthétique naïve, car vous entrez dans l’esprit de Beau, et Beau est un peu simple. Je suis venu avec des storyboards et une liste de plans, c’était donc dicté de cette façon, mais j’ai essayé de leur donner beaucoup de liberté créative.

MC: Vous avez une façon d’incorporer l’art comme moyen de narration, comme par exemple avec les peintures murales Hårga dans Midsommar, donc ça semblait être une continuation et la séquence a très bien fonctionné. Alors que Hereditary et Midsommar étaient tous deux des films d’horreur incorporant des éléments surréalistes, Beau is Afraid est plus un film surréaliste empruntant à l’horreur. Comment avez-vous abordé l’aspect horrifique du film?

AA: Je ne pense pas de cette manière. Peut-être que ça me vient à l’esprit au tout début, du genre: «Oh, je suppose que je vais faire un film d’horreur». Puis peut-être que ça revient dans mon esprit quand je suis en postproduction, en train de réfléchir à la façon dont nous allons le commercialiser. Mais j’essaie juste de raconter l’histoire.

Ce qui me rend fou dans beaucoup de films de genre, c’est qu’ils sont tellement attachés au genre et aux attentes des gens. Cela ne veut pas dire que ces choses ne sont pas dans mon esprit. À certains égards, j’ai l’impression d’avoir été presque trop attaché à ces attentes. Ce n’est donc pas pour dire que je ne pense pas de cette manière, mais c’est pour dire qu’à chaque fois que je pense de cette manière, je le regrette un peu. Je crois que ce n’est pas bénéfique pour le film et plus je fais de films, plus je réalise que je veux m’éloigner de cette façon de penser. C’est drôle parce que je suis un cinéaste de genre, j’adore le genre. J’adore les films d’horreur. C’est juste que je ne me suis jamais demandé où étaient les éléments horrifiques. Ça me vient vraiment naturellement. Si quoi que ce soit, c’est certainement un partie de moi.

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Crédit photo: Sphère Films

MC: C’est dans votre ADN en tant que personne qui a probablement grandi en regardant beaucoup de films d’horreur.

AA: Complètement, absolument, oui.

MC: J’ai regardé le court-métrage Beau que vous avez réalisé en 2011, et c’est inspirant pour les jeunes cinéastes aspirants de voir une vision grandir de cette manière. Je pense que vous aviez environ 25 ans lorsque vous avez réalisé ce film? Dans quelle mesure vos courts vous ont-ils aidé à devenir le cinéaste que vous êtes aujourd’hui et quel conseil donneriez-vous aux cinéastes en herbe?

AA: C’était en 2011, donc j’aurais eu 24 ans. Mon conseil serait de s’en tenir à ses convictions quand on fait quoi que ce soit. Il est évident de dire «oui, faites des films, continuez à vous pratiquer», mais lorsque vous faites cette chose évidente que vous devez faire si vous voulez faire des films, je pense que, surtout au début, la pire chose que vous puissiez faire c’est d’essayer de plaire à un public imaginaire. Vous devez faire de votre mieux pour vous connaître vous-même.

MC: C’est inspirant de voir tous les courts-métrages que vous avez réalisés et qui ont mené à votre grande percée avec Hereditary. Votre progression est vraiment intéressante à voir.

AA: Merci, et je ne veux plus jamais revoir ces courts-métrages. [Rires] Comme, je ne veux plus jamais en parler. Je ne veux plus jamais que quelqu’un d’autre les voit, mais ils étaient utiles en ce sens qu’ils étaient tous des expériences pour moi, en essayant de voir ce qui fonctionne pour moi. Et plus j’ai essayé de choses, plus certaines ont collé et d’autres n’ont pas fonctionné. Mais maintenant je sais ce qui ne fonctionne pas, mais si je trouve quelque chose d’intéressant, je vais continuer dans cette direction. C’est toute une expérimentation et je pense que dans ce film, j’ai essayé de poursuivre dans cette philosophie.

MC: On dirait que tout cela a mené à Beau Is Afraid, un film audacieux que vous avez réussi.

AA: Merci, j’apprécie.


Pour lire la transcription originale anglaise de l’entrevue, rendez-vous sur le site de Matthieu Côté, Take A Side.

Sur le tapis rouge de Beau is Afraid avec Ari Aster

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